La compétence internationale directe des tribunaux français




Chapitre 1 : La compétence ordinaire des tribunaux français

Section 1 : La détermination de la compétence ordinaire

§1 : Le principe de l'extension des règles internes

A - L'établissement du principe

B - La nature des règles de compétence internationale

§2 : Les exceptions qu principe de l'extension

A - L'inadaptation de la règle de compétence territoriale interne

B - La question spécifique aux relations internationales

Section 2 : Le régime de la compétence ordinaire

§1 : L'étendue et la prorogation de compétence

A - L'étendue de la compétence internationale des tribunaux français

B - La prorogation de compétences

§2 : les exceptions d'incompétence et de litispendance

A - L'exception d'incompétence

B - L'exception de litispendance ou de connexité

Chapitre 2 : La compétence des tribunaux français basée sur la nationalité

Section 1 : Le domaine des articles 14 et 15

A - Le domaine quant aux personnes

B - Le domaine quant aux actions

Section 2 : Le régime des articles 14 et 15 du code civil


La compétence internationale directe des tribunaux français



Chapitre 1 : La compétence ordinaire des tribunaux français

Section 1 : La détermination de la compétence ordinaire

Elle découle du principe d'extension à l'ordre internationale des règles interne de compétence territoriale.

§1 : Le principe de l'extension des règles internes

A - L'établissement du principe

A la fin de l'ancien régime il y avait une concurrence entre le domicile et la nationalité pour déterminer la compétence directe. A la Révolution, la France ne doit la justice qu'à ses nationaux. On a admis des exceptions en matière de référé et en matière commerciale.
L'arrêt Patiño apporte un revirement de position. Désormais l'extranéité des parties n'est pas en soi une cause d'incompétence des tribunaux français.

Le principe fut posé par les arrêts Pelassa et Scheffel. Ils reprennent le motif de l'arrêt Patiño et déclarent que la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence interne.

Quant à la compétence, l'arrêt Scheffel apporte que si les tribunaux français sont compétents, alors il y a un tribunal français spécialement compétent.

La Cour de cassation fait application systématique de la règle dans tous les domaines. Par exemple en matière de divorce ; l'article 1070 du nouveau code de procédure civile pose une série de compétences hiérarchisées. La Cour de cassation les applique au niveau international.

B - La nature des règles de compétence internationale

Les règles de compétence internationale ne viennent pas des règles internes qui désignentle tribunal compétent. Ces règles n'ont pour objet que de déterminer l'étendue de la compétence de l'ordre juridique français.

La compétence internationale est une compétence globale, elle désigne un ordre juridique ; elle n'a pas de fonction attributive (c'est à dire désigner l'ensemble des tribunaux d'instance ou des tribunaux de commerce).

§2 : Les exceptions qu principe de l'extension

A - L'inadaptation de la règle de compétence territoriale interne

Cela provient du simple fait que ces règles ne sont pas conçues pour l'ordre international, elles ont une fonction répartitrice. Les règles internationales n'attribuent pas la compétence aux tribunaux français parce que ce serait opportun.

Par exemple, en matière de voies d'exécution, le pouvoir de contrainte de l'Etat est en jeu. Par conséquent en la matière on tient compte du lieu où se trouve le bien objet de ma mesure. En cas d'urgence les tribunaux français sont compétents dès lors que la mesure est applicable en France.

B - La question spécifique aux relations internationales

On se trouve confronté à deux risques : soit plusieurs juridictions se déclarent compétentes, soit au contraire plusieurs juridictions se déclarent incompétentes. La Cour de cassation a admis la compétence des tribunaux français comme remède au déni de justice. (arrêt Req 30-12-1930 / R32p111)

Depuis l'arrêt Patiño le risque est quasi inexistant.

Section 2 : Le régime de la compétence ordinaire

§1 : L'étendue et la prorogation de compétence

A - L'étendue de la compétence internationale des tribunaux français

Si les tribunaux français sont compétents pour connaître des litiges, qu'en est-il des défenses et des demandes incidentes.

Pour les défenses d'après l'arrêt Nassibian la compétence du juge français s'étend à toutes les défenses. Mais un doute subsiste car l'arrêt est rendu en matière de saisie arrêt : la solution est elle limitée à la saisie arrêt ? Cela conduirait au forum arresti ( ou for du parapluie). Depuis la loi de 1991 sur les voies d'exécution la question est différente.

Elle peut se poser en matière des mesures conservatoire : la Cour de cassation refuse l'extension (arrêt Cobedam civ 1ère 07/01/1995).

B - La prorogation de compétences

Peut-on contractuellement rendre un tribunal compétent ?

Selon l'article 48 du nouveau code de procédure civile la prorogation n'est possible qu'entre commerçants. Est-ce que cela vaut au niveau international ? Avec l'arrêt Scheffel on devrait étendre la règle au niveau international. Mais ce n'est pas évident car l'article 48 fut édicté pour des besoins internes qui sont différents des besoins internationaux.

La Cour de cassation a décidé avec l'arrêt Sorelec (civ 1ère 17/12/1985) d'écarter l'application de l'article 48 du nouveau code de procédure civile.

§2 : les exceptions d'incompétence et de litispendance

A - L'exception d'incompétence

Selon l'article 75 du nouveau code de procédure civile le défendeur doit soulever l'incompétence avant toute défense au fond. IL doit indiquer la juridiction compétente. En droit international privé il existe deux différences. D'abord le juge n'a pas à désigner le tribunal étranger. Ensuite les articles 92 et 93 du nouveau code de procédure civile ne permettent pas au tribunal de se déclarer incompétent d'office.

Les questions de compétence internationale forment une exception.

B - L'exception de litispendance ou de connexité

En droit français, en cas de litispendance un juge français se dessaisit au profit d'un autre juge français. En matière internationale le juge français devrait se dessaisir au profit d'un juge étranger. Pendant longtemps la Cour de cassation l'a refusé par principe. Le revirement a eu lieu en 1974 avec l'arrêt C.E.E.I. . Ainsi l'exception de litispendance est recevable, mais sous la condition que la décision étrangère puisse produire ses effets en France. Le dessaisissement a pour but d'éviter une contradiction avec une décision étrangère ; mais le problème disparaît si elle ne peut produire d'effet en France. Donc il faut une vérification préalable.

Les questions de connexité sont traitées avec plus de souplesse. Le juge a un pouvoir d'appréciation, le dessaisissement est une faculté.
 
 

Chapitre 2 : La compétence des tribunaux français basée sur la nationalité

On traite ici des articles 14 et 15 du code civil français qui constituent des fors exorbitants, ils sont écartés par la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968.

Section 1 : Le domaine des articles 14 et 15

A - Le domaine quant aux personnes

Les articles 14 et 15 supposent qu'une partie au moins soit française.
L'article 14 vise le cas où le Français est demandeur ; et l'article 15 concerne l'hypothèse où le Français est défendeur.

La Cour de cassation a énoncé que la nationalité est le seul élément important pour le jeu des articles 14 et 15 ( arrêt Cie La Métropole ).
La nationalité s'apprécie au jour de la demande et non au jour où se sont produits les faits litigieux. Ce qui compte est la nationalité de la partie au litige et non la nationalité du représentant de la partie.

La Cour de cassation n'accepte pas de faire jouer l'article 14 quand une cession de droit intervient uniquement pour donner compétence aux tribunaux français ( arrêt Soc. Europe Aéro. Service ).

B - Le domaine quant aux actions

On peut penser que les articles 14 et 15 du code civil français sont limits aux obligations. Mais la Cour de cassation a fait du texte une application générale.

Elle ne pose que trois limites :

C'est une liste limitative, dans les autres cas les articles 14 et 15 jouent sans restriction selon la Cour de cassation ( arrêt Weiss C. Soc. Atlantic Electric ).

Section 2 : Le régime des articles 14 et 15 du code civil

Les articles 14 et 15 du code civil permettent de suppléer la défaillance des chefs de compétence ordinaire des tribunaux français. L'avantage des règles ordinaires de compétence entraîne une coïncidence entre la règle de compétence générale et spéciale. Mais quand la règle de compétence générale n'existe pas, la compétence spéciale est défaillante.

L'article 14 donne compétence aux tribunaux français (= compétence générale), mais quant aux règles de compétence spéciale il n'y a rien. La Cour de cassation avec l'arrêt Mora du 13 juin 1978 a dégagé la règle qui est de choisir la juridiction qui a le plus de liens avec l'affaire en trouvant un lien de rattachement avec la France ou en veillant à assurer une bonne administration de la justice (exemple choix de tribunaux frontaliers).

Par ailleurs, la Cour de cassation a décidé que les articles 14 et 15 du code civil ont un caractère subsidiaire. Ils ne s'appliquent qu'en cas de défaillance des règles ordinaires (arrêt Cognac and Brandies).

Les articles 14 et 15 du code civil suscitent des interrogations ; le demandeur doit-il s'en prévaloir automatiquement, le juge doit-il les appliquer d'office ? Pendant longtemps la Cour de cassation a posé que le demandeur devait invoquer les articles 14 et 15 (solution de l'arrêt Compagnie marocaine de boissons).

La Cour de cassation a depuis renversé sa solution avec l'arrêt MAAF ; désormais le juge peut soulever d'office l'application du privilège de juridiction posé par l'article 14. Toutefois la Cour a tempéré cette solution car même si elle n'exige pas que le demandeur ait invoqué les articles 14 et 15, il faut néanmoins qu'il se soit prévalu de sa nationalité française.

On peut renoncer aux articles 14 et 15. La Cour de cassation a décidé dans son arrêt Alcover que c'est une compétence facultative. En l'espèce il s'agissait d'une clause de renonciation insérée dans un contrat de travail, cela fut jugé licite.

Dans la pratique la renonciation n'est pas expresse ; les parties signent une clause attributive de compétence, et pour la Cour de cassation cela vaut renonciation au privilège de juridiction. La Cour a même décidé que cela vaut pour les ayants cause des parties au contrat, la clause fait partie de l'économie du contrat, elle se transmet alors à tous les ayants cause.

La renonciation peut être tacite (par exemple on agira à l'étranger).
 
 
















Jurisprudence

Cour de cassation Chambre civile - 21 juin 1948 - Patiño - J.C.P. 1948.II.4422, note Lerebours-Pigeonière.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 30 octobre 1962 - Scheffel - D.1963.109,note Holleaux.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 19 octobre 1959 - Pelassa - Revue Critique 1960.215.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 6 novembre 1979 - Nassibian - Clunet 1980.95.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 26 novembre 1974 - Soc.Miniera di fragne C. Cie Européenne d'Equipement Electrique - Clunet1975.108, note Ponsard.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 21 mars 1966 - Compagnie La Métropole - Dalloz 1966.429, note Malaurie.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 24 novembre 1987 - arrêt Soc. Europe Aéro. Service - Clunet 1988.793, note Loquin.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 27 mai 1970 - Weiss C. Soc. Atlantic Electric - Revue Critique 1971.113, note Battifol.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 19 novembre 1985 - Soc. Cognac and Brandies from France C. Soc.Orliac - Clunet 1986.719, note huet.

Cour de cassation Chambre civile - 21 mai 1963 - Compagnie marocaine de boissons - Revue Critique 1964.340, note Loussouarn.

Cour de cassation 1ère Chambre civile - 16 avril 1985 - M.A.A.F. - Revue Critique 1987.583, note Khairallah.

Cour de cassation Chambre mixte - 28 juin 1974 - Alcover - Clunet 1975.82, note Holleaux.