La Loi Etrangère


Section 1 : L‘application de la loi étrangère

§1 : Le statut de la loi étrangère
A – Les données du problème
B – Le droit positif actuel

§2 : Le conflit transitoire de droit étranger
A – La solution de principe
B – Les exceptions au principe

Section 2 : Le refus d’application de la loi étrangère

§1 : Les conditions de l’exception
A – Les éléments constants
B – Les éléments variables

§2 : Les effets de l’exception
A – L’éviction de la loi étrangère
B – La substitution de la loi française
 

Une question de droit peut appeler le jeu de plusieurs règles de droit, alors plusieurs règles de conflit vont s’appliquer.

Il faut répondre aux questions les unes après les autres et appliquer distributivement les règles de conflit du for.

Une fois que la règle de conflit a désigné un droit substantiel, le problème de droit international privé a disparu. La règle de conflit joue façon neutre c’est à dire indépendamment de la teneur de l’ordre juridique saisi, selon le juriste allemand Raape, c’est " le saut dans l’inconnu ".

Section 1 : L‘application de la loi étrangère

§1 : Le statut de la loi étrangère

A – Les données du problème

La question qui peut être poser parfois consiste à ce demander si la loi étrangère constitue un fait ou du droit ?

1) La loi étrangère entre le fait et le droit

Cette situation vient du fait que le juge français n’est pas tenu de connaître la loi étrangère.
La Cour de Cassation ne tient pas compte de l’interprétation de la loi étrangère par les juges du fait. Elle contrôle la dénaturation de la loi étrangère comme la dénaturation des écrits.
L’arrêt le plus net est celui de la Cour de cassation du 2/02/1982 Olivier se rapportant à la dénaturation d’un texte du BGB allemand.
Une autre technique utilisable est le contrôle de motivation : le juge doit énoncer les raisons qui justifient la solution en cas de discussion entre les parties.Mais aujourd’hui, la Cour de Cassation affirme que la loi étrangère constitue du droit.(arrêt civ.1 du 13/01/1993).
2) La loi étrangère assimilée au fait
Il ne faut pas penser que le juge doit l’appliquer comme du droit français en suivant l’article 12 du nouveau code de procédure civile.
Il existe un obstacle pratique : le juge ne connaît pas toutes les lois du monde.
Il existe aussi un obstacle théorique : le juge n’est pas qu’un simple applicateur du droit , il unifie l’interprétation des juges du fond, mais ce n’est pas son rôle vis à vis du droit étranger.
Par conséquence l’assimilation de la loi étrangère au droit n’est pas complètement possible.
B – Le droit positif actuel

Le point de départ était l’arrêt Lautour selon lequel s’est sur le demandeur que pèse la charge de la preuve de la loi étrangère.

La Cour de Cassation a opéré une distinction en fonction de l’office du juge au regard de la règle de conflit :

ð Si la règle de conflit n’est pas applicable d’office, c’est une des parties qui doit prouver la loi étrangère. Selon l’arrêt Djenangi, c’est à la partie qui soutient que les dispositions de la loi étrangère aboutissent à un résultat différent de celui auquel conduisent les règles de conflit françaises qu’il appartient de le prouver.

ð si la règle de conflit est applicable d’office par le juge, la solution précédente est inopportune. Le juge doit alors rechercher la teneur de la loi étrangère. La recherche de la loi étrangère n’est pas une obligation de résultat (ce serait trop long et trop coûteux).

En cas d’échec, si c’est imputable à la mauvaise volonté d’une partie, le juge donnera tort à la partie qui n’a pas fait l’effort nécessaire. Si l’échec n’est imputable à aucune partie, on appliquera la loi française en vertu de sa vocation subsidiaire.

§2 : Le conflit transitoire de droit étranger

A – La solution de principe

La règle de conflit désigne une loi étrangère, il faut l’appliquer telle qu’elle est avec ses dispositions transitoires. = arrêt Leppert du 03/03/01987.

B – Les exceptions au principe

Aujourd’hui la doctrine rejette la solution car on appliquerait aux situations juridiques une solution qui n’existe plus nulle part dans le monde.


Section 2 : Le refus d’application de la loi étrangère

La loi étrangère désignée par la règle de conflit peut être moins bonne que la loi française, mais il faut l’appliquer car la justice de droit international privé impose que l’on utilise la loi qui s’applique à l’espèce et non la meilleure.

Mais il existe une limite qui est l’exception d’ordre public.

§1 : Les conditions de l’exception

A – Les éléments constants

On identifie trois cas ; l’ordre public écarte les lois contraire :

- au droit naturel.

- aux fondements politiques et sociaux de la civilisation française.

- à certaines politiques législatives.

Le dernier cas pose problème car le concept de politique législative est flou, dans ce cas le recours à l’ordre public est plus contestable. En fait il faudrait rattacher le troisième cas aux deux autres.

Enfin, il faut distinguer l’ordre public international et l’ordre public national.

B – Les éléments variables

1)Le temps

Le contenu de l’ordre public varie en fonction des mœurs. Souvent la Cour de Cassation a considéré que la loi française était la plus libérale. La Cour a évolué, elle a admis des lois étrangères proches de la loi française, et aussi celles qui offraient des délais plus long que notre droit ( pour les prescriptions par exemple ).

Puis la Cour de Cassation accepte les lois étrangères plus libérales, avec certaines limites, par exemple en matière de filiation le respect de la vérité biologique et la possibilité pour le père de pouvoir se défendre. ( arrêt Cour de Cassation civ.1 09/10/1984).

Longtemps on a fait jouer des lois moins libérales , mais aujourd’hui on se demande si il est possible de faire jouer une loi qui, par exemple, interdit la filiation naturelle ( arrêt Cour de Cassation civ.1 10/02/1993 Latouz ).

Quant au moment d’appréciation de l’exception d’ordre public, la Cour de Cassation fait jouer le principe d’actualité de l’ordre public, c’est à dire qu’il s’apprécie au moment ou le juge statue.
 
 

2)Les liens avec le for
Les conceptions sont différentes dans le monde et la solution de la loi étrangère nous apparaît incompatible avec l’idée de justice, alors nous réagissons par l’exception d’ordre public.
Mais il est légitime que la réaction soit plus ou moins forte selon que les liens avec le for sont plus ou moins forts. Dans certains cas l’ordre public produit un effet atténué.
Ainsi par exemple l’arrêt Riviére : un mode divorce inconnu en France est prononcé en Equateur. La Cour de Cassation accepte la reconnaissance en distinguant les cas où il s’agit en France de créer une situation nouvelle, des cas où il s’agit de reconnaître en France les situations créées à l’étranger.
Aujourd’hui la jurisprudence tient compte de la situation des personnes ; la situation est atténuée selon que la personne présente des liens plus ou moins forts avec le for.


§2 : Les effets de l’exception

A – L’éviction de la loi étrangère

C’est ce que l’on appelle l’effet négatif, elle est la conséquence du jeu de l’exception d’ordre public.
Quant à son étendue, selon la jurisprudence, l’éviction se limite à la seule disposition contraire à notre conception de l’ordre public.

B – La substitution de la loi française

C’est l’effet positif de l’exception d’ordre public.
La loi française s’applique en vertu de sa vocation subsidiaire. Toute loi contient une réponse à une question de droit privé, donc si la loi étrangère ne peut pas s’appliquer, on applique la loi française.
Un problème apparaît quand il n’existe pas de disposition précise dans le droit français. Dans ce cas c’est le principe du droit français que l’on va appliquer.
 
 

Jurisprudence

Arrêt Olivier Cour de cassation civ.1 du 2/02/1982 (Rev.Crit.1982.700/JCP 1982II19749)

Arrêt Lautour Cour de cassation civ1. 25/05/1948 (D1948.357/Rev.Crit.1949.89)

Arrêt Djenangi Cour de cassation civ.1 22/04/1986 (Clunet 1986.1025/JCP 1987 II 20878)

Arrêt Leppert Cour de cassation civ.1 du 03/03/01987 ( Rev.Crit. 1988.695)

Arrêt Riviére Cour de cassation civ.1 17/04/1953 (Clunet 1953.860 /JCP 1953II7863)

Arrêt Cour de cassation civ.1 Paitchadzé (1969) et Gouthertz (01/02/1972 – Clunet 1972.594/ JCP 1972 II17096)