PLAN
(pour un plan détaillé cliquez ici)
Première partie : Le nouveau régime de responsabilité du fait des produits
issu de la directive du 25 juillet 1985
Titre 1 : Les dispositions de la directive CEE n.85-374 du 27 juillet 1985
Titre 2 : La transposition de la directive dans les droits nationaux
Deuxième partie : Le droit commun de la responsabilité du fait des produits
Titre 1 : La responsabilité contractuelle en droit néerlandais : les droits issus de la vente
Titre 2 : La responsabilité délictuelle pour dommages causés du fait des produits
Conclusion : bilan de la directive
CEE du 25 juillet 1985
La responsabilité du fait des produits défectueux est un sujet vaste et important. Les juristes y ont consacré beaucoup d’attention depuis les années cinquante tant en Europe qu’aux États-Unis. Il faut reconnaître que depuis cette époque les biens de consommation ont profité des progrès de la technologie pour offrir toujours plus de performances et de services, et aussi de sécurité. Toutefois ce thème a aussi touché l’opinion publique lorsqu’un produit défectueux était la source d’un dommage de grande ampleur marquant l’esprit des consommateurs. Il y a eu la tragédie de la discothèque le Cinq à Sept ou la catastrophe aérienne d’Ermenonville en France ; dans les deux cas un produit défectueux était en cause. Plus récemment les médias se sont fait l’écho de la maladie dite de la vache folle, ou encore du poulet contaminé par la dioxine. Ces exemples nous prouvent que le consommateur se trouve au premier plan parmi les personnes concernées par les produits défectueux.
Les droits nationaux se sont attachés à rendre la protection de ce dernier de plus en plus efficace. Au cours des années quatre-vingts, cet effort s’est trouvé relayé par les Communautés européennes et a été concrétisé par l’adoption de la directive 85/374/CE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits. Cette directive offre aux consommateurs un outil juridique de protection uniforme dans tous les États membres. En outre, elle marque un tournant ; c’est le premier texte communautaire modifiant un pilier du droit privé des États européens : le droit de la responsabilité.
Cette directive et les règles qu’elle instaure ont déjà fait l’objet de beaucoup de travaux doctrinaux. Mais une étude comparatiste présente l’avantage de vérifier si l’uniformisation des droits est atteinte. Elle permet de constater aussi dans quelle mesure la protection du consommateur est améliorée. Ensuite, une telle étude permet de découvrir les systèmes juridiques étrangers. Les pays que nous avons choisi d’étudier sont très proches géographiquement de la France. Pourtant ils sont très mal ou peu connus culturellement et juridiquement alors que leur histoire s’est souvent croisée au fil des siècles avec celle de notre pays. Cette remarque historique vaut aussi sur le plan juridique. C’est pourquoi cette étude vise avant tout à faire découvrir ces systèmes de droit à travers le thème qui a été choisi. Un dernier intérêt par rapport à ces pays peut se résumer par le mot nouveauté. Nouveauté tout d’abord en ce qui concerne la loi française de transposition qui vient d’achever sa première année de vie. Même si les lois des pays du Benelux sont plus anciennes, aucune n’a malgré tout plus de dix ans. Ensuite, il ne faut pas négliger la nouveauté du code civil néerlandais qui est entré en vigueur le premier janvier 1992. Nouveauté enfin pour la réforme de l’organisation judiciaire des Pays-Bas qui sera normalement achevée à la fin de l’an deux mille.
La logique commande donc de se livrer, dans une première partie, à l’examen de la directive du 25 juillet 1985. Cet examen se doublera de l’étude des lois de transposition. Compte tenu de l’importance et de la nouveauté de ces règles, cette partie sera la plus développée. Nous le verrons, la directive ne remplace pas les systèmes antérieurs de responsabilité. Ils restent aussi applicables. La victime du fait d’un produit défectueux ayant le choix de son fondement peut choisir entre la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle. Il conviendra donc d’étudier les systèmes antérieurs de droit commun dans la seconde partie.
Devant l’ampleur du travail de comparaison, trop important pour notre étude, il a fallu faire des choix. L’aspect comparatiste sera plus limité dans cette deuxième partie. Tout d’abord pour une raison technique, si le droit français et le droit belge sont de proches cousins, le droit français et le droit luxembourgeois sont des frères jumeaux. Par conséquent la comparaison des quatre droits ne se justifie plus. En outre, la seule comparaison des garanties en matière de vente entre la France et les Pays-Bas n’aurait pas présenté d’intérêt sans la présentation complète du droit néerlandais de la vente. Notre étude se voulant plus pratique que théorique, nous avons donc décidé de décrire le droit de la vente aux Pays-Bas tourné vers la responsabilité du fait des produits défectueux. Pour les mêmes raisons, en matière extra contractuelle nous nous limiterons à présenter le système de responsabilité délictuelle des Pays-Bas.
Mais avant tout, nous avons jugé utile de familiariser le lecteur avec la tradition juridique des trois pays étrangers considérés. Cela facilitera la compréhension de certains thèmes abordés dans notre étude C’est pourquoi le reste de cette introduction présentera l’histoire juridique récente de ces pays, et leur organisation judiciaire.
Section 1 : Histoire des Pays du BENELUX
Au début du Moyen Age la zone géographique correspondant actuellement aux Pays-Bas, à la Belgique et au Luxembourg se compose d'une multitude de comtés. Les Flandres ont obtenu leur indépendance contre la France après la bataille de Courtrai le 11 juillet 1302 et ont été intégrées au duché de Bourgogne par le biais de mariages princiers. Les comtes hollandais résistèrent de plus en plus difficilement à la puissance bourguignonne. Philippe Le Bon duc de Bourgogne unifia les Pays-Bas du Nord et du Sud entre 1419 et 1467 ; et conquit en 1443 le duché du Luxembourg. Son descendant, Charles Quint, hérita du royaume d'Espagne et devint empereur du Saint Empire Romain Germanique en 1519. Les Pays-Bas étaient alors administrés par un gouvernement central situé à Bruxelles.
Sous l'influence de Martin Luther la réforme se développa rapidement en Europe. Elle a reçu un accueil favorable aux Pays-Bas où le souverain décida alors d'imposer l'inquisition afin de la combattre. Le mouvement de contestation ne cessa pas de s'amplifier et Phillippe II successeur de Charles Quint décida l'envoie de troupes espagnoles aux Pays-Bas en réponse aux violences perpétrées. En 1568, la bataille d'Herligerlee marque le début de la guerre d'indépendance dite guerre de quatre-vingts ans. Au cours de celle-ci la chute d'Anvers permit au Souverain espagnol d'affirmer sa domination sur les Pays-Bas du Sud ; alors que les Pays-Bas du Nord gagnaient leur indépendance et formèrent dés lors les Provinces-Unies.
En 1648 la paix de Munster marqua la fin de la guerre d'indépendance. Les Provinces-Unies entrèrent bientôt dans leur période faste dite du siècle d'or. Les Pays-Bas du Sud restèrent dans le giron du royaume d'Espagne qui connut une guerre de succession de 1701 à 1713. Celle-ci se termina en faveur de l'Autriche ; les Pays-Bas du Sud devenant ainsi les Pays-Bas autrichiens.
Avec les années 1780 s'ouvre une ère de troubles pour les Provinces-Unies comme pour les Pays-Bas autrichiens. Un mouvement démocratique appelé mouvement des patriotes s'est développé dans les Provinces-Unies, et en 1780 ceux ci tentèrent de chasser Guillaume II. Ce fut un échec. Dans le même temps l'Empereur d'Autriche imposa de sévères réformes. Celles-ci eurent pour réponse l'opposition du peuple qui aboutit en 1789 à la Révolution brabançonne qui chassa les Autrichiens. Mais l'indépendance fut de courte durée. Le 21 septembre 1792, la République Française envahie les Pays-Bas du Sud qui vont être officiellement annexés à la France le 1er octobre 1795 de même que le duché du Luxembourg. En cette même année, les troupes françaises envahirent les Provinces-Unies et les Patriotes prennent le pouvoir pour donner naissance à la République Batave. Celle-ci fut remplacée en 1806 par le royaume de Hollande avec Louis Bonaparte frère de l'Empereur pour roi.
La chute de Napoléon marque la fin de cette période française. Les Pays-Bas sont libérés dès 1813, la Belgique et le Luxembourg en 1814. Le Congrès de Vienne de 1815 décida du destin de ces trois nations. Guillaume Ier fut reconnu roi des Pays-Bas et reçût en outre les Pays-Bas du Sud et le Luxembourg dont la partie allemande fut attribuée à la Prusse. Mais les oppositions entres les Pays-Bas du Nord et du Sud s'exacerbèrent rapidement, et, " comme un écho à la révolution de Juillet de 1830 en France "1
la révolte des Pays-Bas du Sud conduisit à l'indépendance de ceux-ci. En 1831, le Royaume de Belgique était né. Il reçut à cette occasion la partie occidentale du Luxembourg (l'actuelle province belge du Luxembourg). Le grand-duché est resté propriété de la maison royale des Pays-Bas jusqu'en 1890 mais bénéficiait d'une neutralité politique.
L'histoire de ces trois pays devait être rapidement tracée afin de mieux comprendre les développements de leur droit civil dont la base est la réception du code napoléon.
Section 2 : Histoire juridique moderne et développement du droit civil
Nous avons vu que l'année 1795 marque un tournant dans l'histoire juridique de la Belgique et des Pays-Bas. Déjà un arrêté du Directoire du 6 décembre 1796 rendit toutes les lois françaises obligatoires dans les départements français de Belgique alors que la République Batave bien que fortement influencée par la France reste indépendante. Mais en 1804 le code Napoléon fut promulgué. Il fut appliqué (ainsi que le code de commerce, le code pénal, le code d'instruction criminelle, et le code de procédure civile) dans tous les pays incorporés à la France dont la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cet événement a profondément marqué le droit de ces trois pays jusqu'à nos jours. Il convient donc de voir quels développements furent donnés au code civil après la chute de l'empereur.
§1 : Le code civil au royaume des Pays-Bas (1815-1830)
Après la libération, les codes français sont restés en application en attendant leur révision. Dès le 18 avril 1814, Guillaume Ier a chargé le juriste hollandais Kemper de présider une commission de révision du code civil. Ennemi de la France et de ses codes, ce dernier admirait la doctrine juridique allemande. En 1816 il acheva un projet de code regroupant l'ensemble des matières traitées par les codes napoléoniens. Ce projet a été très mal accueilli dans les provinces belges, la commission belge émit un avis défavorable jugeant le projet "trop éloigné de la réalité"2que constitue l'imprégnation des provinces belges par la législation française. Une nouvelle commission belgo-néerlandaise fut réunie et proposa en 1820 un nouveau projet très proche de celui de Kemper et tout aussi défavorablement critiqué. Une troisième commission fut mise sur pied, Kemper en ayant été écarté. Elle a travaillé de 1821 à 1826 sur le projet de code civil. Puis de 1826 à 1829 elle rédigea les codes de commerce, de procédure pénale et de procédure civile. Une loi du 16 mai 1829 décida de substituer ces quatres codes aux codes napoléoniens. Leur entrée en vigueur était programmée pour le 1er février 1831. Mais entre temps la Révolution belge éclata et, le gouvernement provisoire n'appliquant pas l'arrêté de mise en vigueur, les codes napoléoniens restèrent en application en Belgique. Par contre les quatres nouveaux codes entrèrent en vigueur aux Pays-Bas en 1838.
§2 : Le code civil en Belgique depuis 1830
La constitution de 1831 prévoyait la rédaction d'un nouveau code civil. Seulement en 1879 François Laurent, professeur de l'université de Gand a reçu la mission de rédiger un projet de code civil. Le travail fut accompli en 1885, mais avec le changement de majorité au pouvoir en 1884, ce projet n'était plus acceptable politiquement. Une nouvelle commission fut désignée. Elle présenta son projet en 1904, mais aucun texte ne fut voté par le parlement. La commission ce remit au travail en 1912, mais la première guerre mondiale a mis un coup d'arrêt à la révision. La commission sera de nouveau réunie en 1920, elle proposa quelques projets, mais depuis 1924 elle n'a jamais plus été rassemblée. Depuis lors plus aucun projet de révision du code civil n'a vu le jour en Belgique. Ainsi le code napoléon constitue la base du droit civil dans ce pays.
Pour cette raison le droit belge appartient à la
famille française sans aucun doute. Au delà de l'identité
de code civil, la doctrine belge est très influencée par
le droit français. En outre il existe une similitude entre les deux
pays quant à la formation universitaire des praticiens. Toutefois
il convient de noter un phénomène nouveau qui s'est fait
jour en Belgique après la seconde guerre mondiale. Les juristes
néerlandophones ont commencé à se former auprès
des facultés américaines de droit. Ils lisent aussi la doctrine
néerlandaise par facilité linguistique. Il en résulte
une influence grandissante en droit belge de la common law et de
la doctrine néerlandaise. Ainsi l'opposition linguistique que connaît
la Belgique trouve un écho dans la doctrine juridique ; les auteurs
francophones se tournant plus vers la France et les pays du sud de l'Europe
en général, alors que les auteurs néerlandophones
s'inspirent de la common law et des droit néerlandais et
allemand.
Il convient maintenant d'étudier le devenir du
code civil aux Pays-Bas3 où
sa révision a fait l'objet de nombreux efforts qui trouvent leur
aboutissement dans les années quatre vingt-dix avec l'entrée
en vigueur d'un nouveau code civil.
§3 : Le code civil néerlandais et sa révision
A - La révision du code de 1838
Comme nous l'avons vu, contrairement à la Belgique, les Pays-Bas ont adopté un nouveau code civil en rupture avec le code français en 1838. L'inspiration française était certaine, toutefois ce code faisait aussi un retour au droit romain sur certains points comme le recours à la traditio en matière de transfert de propriété par exemple. Cependant ce code a vieilli et s'est avéré être dépassé sur de nombreux points. Cela ne vaut pas pour toutes les matières mais particulièrement pour le droit des biens et des obligations. Rénover cette partie du droit est une entreprise complexe en raison des relations existantes avec une multitude d'autres sujets. Aussi la réforme doit être de grande envergure sous peine de s'enliser ou d'être incomplète. Certains soutenaient l'opinion que cette tâche rénovatrice devait être abandonnée à la jurisprudence. Mais cette voie ne fut pas suivie. En 1947, le gouvernement néerlandais confia au professeur E.M. Meijers de l'université de Leyden la mission de rédiger un nouveau code civil. La seule obligation qui lui incombait était de rédiger un code divisé en neufs livres :
I Des personnes et de la famille ;
II Des personnes morales ;
III Du droit patrimonial en général ;
IV Des successions ;
V De la propriété et des droits réels ;
VI Partie générale du droit des obligations ;
VII Des contrats particuliers ;
VIII Du droit des transports ;
IX Des droits sur les produits de l'esprit.
En 1954, le professeur Meijers publia les projets des livres 1 à 4 peu de temps avant son décés. Le travail fut ensuite repris par un comité d'experts. Celui-ci prépara le projet de livre 5 en 1955 et celui de livre 6 en 1961. Le livre cinquième fut plus long à rédiger. Le projet fut publié en 1972, et en 1976 le projet de livre huitième fut présenté.
Chaque livre fut proposé au parlement sous forme de projet de loi. Les délibérations eurent lieu dès 1959 et se poursuivirent tout au long du travail de rédaction. Le livre premier est entré en vigueur en 1970 et le livre deuxième en 1976. L'ensemble des lois relatives aux autres livres ont été votées par le Parlement néerlandais entre 1986 et 1990. Le nouveau code civil est entré en vigueur le 1er janvier 1992. La réforme fut longue et l'on a pu craindre que cela soit une source de difficultés. Mais le Hoge Raad influencé par les travaux de révision a interprété le code de 1838 et la législation " de manière à les rendre conformes aux solutions retenues dans le projet de code "4
.
B - Présentation du nouveau code civil néerlandais
Le livre premier intitulé des personnes et de la famille comporte le droit de la famille et des personnes ; on y trouve les dispositions sur le mariage, les régimes matrimoniaux, le divorce et sur l'adoption.
Le livre deuxième sur le droit des personnes morales renferme les règles relatives aux associations, aux sociétés commerciales et aux fondations.
Le livre troisième concerne le droit patrimonial. C'est dans ce livre que se trouvent le plus grand nombre d'innovations. Il regroupe les questions que l'on trouvait auparavant dans le droit des contrats ou dans le droit des successions mais applicables à l'ensemble du droit patrimonial. En outre, partant du principe que les choses corporelles et les choses incorporelles doivent être traitées de la même façon, les auteurs ont regroupé dans le même livre les règles les concernant. Ainsi nous trouvons dans ce livre des dispositions qui étaient classiquement traitées dans le droit des biens.
Le livre quatrième traite du droit des successions. L'ancien code civil néerlandais suivait la tradition française selon laquelle les successions étaient un mode d'acquisition de la propriété, et par conséquent les dispositions qui y étaient relatives se trouvaient dans le droit des biens. Les rédacteurs du nouveau code civil néerlandais ont adopté le principe que le droit des successions touche l'ensemble du patrimoine du défunt ce qui nécessite qu'un livre distinct y soit consacré.
Le livre cinquième est consacré aux droits réels.
Le livre sixième constitue la partie générale du droit des obligations que l'on trouve aussi en partie dans les livres sept et huit. Ce livre est divisé en cinq titres. Le premier s'intitule des obligations en général et " s'applique à toute obligation, qu'elle qu'en soit la source "5Le second titre concerne la transmission des créances et des dettes ainsi que l'abandon des créances. Le titre troisième porte sur la responsabilité extracontractuelle dénommée aussi acte illicite en droit néerlandais. Le titre quatrième se rapporte aux règles concernant les obligations dont la source ne réside ni dans le contrat ni dans l'acte illicite. Enfin le titre cinquième traite des principes généraux du contrat.
Le livre septième est consacré aux contrats particuliers. Il regroupe les dispositions applicables aux contrats nommés classiques. On y trouve aussi des dispositions du code de commerce. En effet les Pays-Bas se sont engagés dans la voie d'une incorporation du code de commerce au code civil. Ce mouvement s'est fait jour dés 1838 avec la suppression des tribunaux de commerces institués sous l'ère napoléonienne. En 1893 les règles sur la faillite furent supprimées du code de commerce pour être rassemblées dans une loi spéciale applicable à toute personne, commerçante ou non commerçante. Enfin, en 1934 toutes les différences entre commerçants et non commerçants ont été abolies. De ce fait l'existence d'un code de commerce indépendant ne se justifiait plus ce qui a conduit à son incorporation dans le code civil.
Le livre huitième traite du droit des transports. Il comporte les dispositions régissant le droit maritime et de la navigation fluviale ainsi que le droit des transports routiers et aériens.
Enfin il était prévu de rédiger, selon les directives données par le gouvernement en 1947 au professeur Meijers, un livre neuvième sur le droit de la propriété intellectuelle et industrielle. Mais la situation s'est modifiée pendant la rédaction du nouveau code. Tout d'abord dans le cadre de la Communauté Economique Européenne, l'unification du droit des brevets a été réalisée. Ensuite au sein du Benelux6 une loi uniforme a été votée pour les marques, les modèles et dessins industriels. Dès lors il devenait mal aisé d'intégrer ces dispositions au nouveau code civil pour des raisons de forme et surtout des raisons de fond puisque certaines dispositions n'étaient pas compatibles avec celle du code civil. Aussi le projet de rédaction d'un titre neuvième fut abandonné.
L'intérêt du nouveau code civil néerlandais ne réside pas uniquement dans sa nouveauté. Il est aussi intéressant par les innovations qu'il apporte. Quelques exemples peuvent être ici mis en lumière. L'acte juridique nécessite maintenant l'existence d'une volonté et l'expression de cette volonté. Si l'expression est différente de la volonté elle-même et que l'autre partie l'a ignoré, alors l'acte juridique est néanmoins valable. En matière de responsabilité, le code civil néerlandais a cherché à remplacer la responsabilité pour faute par la responsabilité pour risque. Il prévoit ainsi la responsabilité sans faute pour les choses ; peu importe qu'elles soient dangereuses. La seule condition exigée est que le dommage soit causé par un vice inhérent de la chose. Et le responsable sera le possesseur de cette chose. Le code civil néerlandais a innové avec un nouveau cas de responsabilité du maître de l'ouvrage. Si celui ci a fait appel, dans le cadre de son entreprise, au service d'une autre personne, le maître de l'ouvrage est sujet à une responsabilité sans faute pour les faits de cette autre personne.
Le nouveau code civil néerlandais recèle de nombreuses innovations. Mais ce n'est pas son seul point d'intérêt. Un code civil a pour objectif premier de répondre aux besoins de la société qui va l'appliquer. Cependant il ne faut pas croire qu'un tel ouvrage soit entièrement neuf. Il repose sur une tradition et s'inspire de courants de pensée juridique tant nationaux qu'internationaux. A cet égard l'important travail comparatiste des rédacteurs néerlandais est admirable et doit retenir l'attention. Les auteurs du nouveau code civil néerlandais se sont inspirés de doctrines et de législations étrangères très variées. Les commentaires du livre sixième comportent de nombreux renvois aux systèmes étrangers ; nous pouvons citer par exemple l'Allemagne, la Suisse, le Royaume-Uni, le Japon, l'Australie, l'Afrique du Sud pour ne citer que ces pays. Le nouveau code civil néerlandais est donc le fruit de multiples influences dont notamment celles de la common law puisque les théories d'indue influence et d'anticipatory breach of contract ont été reçues en droit hollandais. Outre l'influence allemande qui est certaine, le nouveau code doit aussi beaucoup aux conventions internationales qui ont joué un rôle et notamment la convention de Vienne (1980) dont la trace est manifeste en matière de vice caché et de défaut de conformité, le système néerlandais retenant les même règles que la convention.
Le droit civil néerlandais avait toujours été désigné comme faisant partie de la famille française, tout comme le droit civil belge, en raison des ressemblances présentées par l'organisation judiciaire de ces trois pays ; et surtout des similitudes que présentait le code civil néerlandais avec le code civil français. En effet nombre d'articles du code de 1838 étaient purement copiés du code civil français. Depuis le 1er janvier 1992, le droit civil néerlandais est maintenant classé comme appartenant à la famille juridique allemande.
Cependant, le travail comparatiste des juristes néerlandais a amené certains auteurs dont messieurs Zweigert et Kötz à se demander si le nouveau code civil néerlandais n'avait pas forgé un style propre en rupture avec les traditions juridiques classiques. La question la plus souvent posée consiste à se demander si ce code ne jette pas les bases d'un Ius comune européen. Cette idée est très souvent reprise par la doctrine hollandaise qui se fonde sur la nouveauté de son code civil et sur le travail comparatiste qui en est à l'origine pour vouloir l'imposer comme base d'un code civil européen. Cette question est très largement débattue en doctrine et nous n'entreront pas dans ce débat. Mais tous ces éléments justifiaient la présentation du nouveau code civil des Pays-Bas.
Section 3 : L'organisation judiciaire des Pays-Bas
L'organisation judiciaire des Pays-Bas a très fortement été influencée par l'organisation française imposée à l'ère napoléonienne. Le système actuel est organisé par la loi sur l'organisation judiciaire de 18277 . A l'instar de la France on y retrouve quatres niveaux de juridictions, à savoir le Kantongerecht, le Rechtbank, le Gerechtshof, et au sommet le Hoge Raad8. Nous allons étudier successivement ces différentes juridictions en voyant quelles sont leurs attributions d'une part, et en étudiant d'autre part leur imbrication les unes par rapport aux autres.
Les Kantongerechten sont au nombre de 62. Cette juridiction connaît des affaires civiles et criminelles. Sa compétence criminelle se limite aux contraventions de faible importance. En matière civile, la compétence du Kantongerecht se limite aux demandes inférieures à 5000 florins. Indépendamment de tout montant, le Kantongerecht a une compétence spéciale se rapportant à certains contrats spécifiques que sont les contrats de mandat, les contrats de travail, les contrats de location-vente, et les baux.
Pour les demandes inférieures à 2500 florins,
le Kantongerech juge en premier et dernier ressort. L'appel des
décisions rendues par cette juridiction est porté devant
le Rechtbank.
Les Pays-Bas comptent 19 Rechtbanken9.
Cette juridiction est divisée en plusieurs chambres spécialisées
en droit administratif, en droit pénal, en droit de la famille ;
et dans les autres domaines du droit civil. En principe un collège
de trois juges rend les décisions, mais en dehors des appels et
des affaires pénales importantes l'exception du juge unique est
devenue la règle.
Le Rechtbank a une compétence générale de première instance en matière pénale et civile pour connaître de toutes les affaires qui ne sont pas attribuées à une autre juridiction spécialement ou par une limite de montant.
En outre, le Rechtbank est juridiction d'appel des décisions rendues par le Kantongerecht. Les parties peuvent interjeter appel contre les décisions du Rechtbank devant le Gerechthof.
Le Gerechthof joue le rôle de cour d'appel.
On en dénombre cinq. Cette juridiction comporte des chambres spécialisées
dont une spécialisée dans les litiges de droit administratif.
Les décisions sont rendues par un collège de trois juges
et exceptionnellement par un juge unique.
La tâche de cette cour se limite à décider
des appels formés contre les décisions de première
instance du Rechtbank. En outre le Gerechthof est une juridiction
de première instance concernant les décisions rendues par
un inspecteur des impôts.
La partie insatisfaite de la décision rendue par
le Gerechthof peut former un pourvoi en cassation devant le Hoge
Raad qui constitue le niveau le plus élevé de juridiction
aux Pays-Bas.
Le Hoge Raad est une cour unique semblable à la Cour de cassation française. Il siège à La Haye. Cette cour se compose de trois principales divisions : une section civile, une section pénale, et une section traitant des matières fiscales et des expropriations. Les décisions sont rendues par trois ou cinq juges. Neuf à dix juges composent chaque division du Hoge Raad.
Le rôle du Hoge Raad consiste à connaître des recours formés contre les décisions de dernière instance rendues par les cours inférieures. Ainsi les décisions du Kantongerecht, Rechtbank et Gerechthof peuvent faire l'objet d'un recours en cassation devant le Hoge Raad. Ce recours n'est possible contre une décision de première instance sujette à appel qu'avec l'accord de l'autre partie.
Le Hoge Raad ne juge qu'en droit. Il peut rejeter le pourvoi ou annuler la décision critiquée par ce dernier. En cas d'annulation le Hoge Raad peut renvoyer l'affaire devant une autre cour inférieure ou rendre une décision finale. Enfin, en dehors des cas d'annulation, les décisions du Hoge Raad ne lient pas les cours inférieures qui en pratique toutefois suivront la solution rendue.
Il faut en outre signaler pour mémoire l'absence de cour constitutionnelle aux Pays-Bas.
Voici comment se présente le système judiciaire des Pays-Bas actuellement, cependant celui devrait bientôt présenter un autre visage en raison de la réforme de grande envergure initiée ces dernières années et dont le but est la refonte du système actuel.
§2 : La réforme de l'organisation judiciaire
Le gouvernement néerlandais a entrepris de réformer l'organisation judiciaire. Les principaux buts de cette réforme consistent à intégrer les cours administratives aux autres juridictions. Il est aussi prévu de fusionner les Kantongerechten avec les Rechbanken. Et enfin le droit de pourvoi en cassation devrait être soumis à une nouvelle réglementation. Les conséquences de l'intégration des cours administratives aux cours ordinaires seront l'instauration d'une procédure en deux instances pour les principaux litiges d'ordre administratif ; la disparition des cours administratives ; et l'adoption de règles de procédure uniques devant toutes les cours de première instance.
Les premiers pas ont été franchis avec l'intégration des cours administratives aux Rechtbanken. La seconde étape concerne la fusion des Kantongerechten avec les Rechtbanken. Ce projet a fait l'objet de nombreuses et vives critiques qui ont contraint le gouvernement à retarder sa mise en œuvre. La dernière phase prévue pour l'an 2000 est toujours en discussion. L'un des problèmes consiste à décider si les cinq actuels Gerechtshoven seront cour d'appel en matière administrative aussi bien qu'en matière civile et pénale ; ou s'il faut créer un nouveau Gerechtshof pour la matière administrative.
Section 4 : L'organisation judiciaire du Royaume de Belgique et du grand-duché du Luxembourg
L'organisation judiciaire de ces deux pays porte l'empreinte de la période française. Elles sont toutes deux très semblables et calquées sur le fonctionnement du système français. Leur caractéristique est d'être pyramidale. En raison des ressemblances avec le système français, les développements seront plus réduits que ceux consacrés aux Pays-Bas, notamment pour le Luxembourg.
L'organisation judiciaire belge se décompose en quatres niveaux. Tout d'abord la Belgique compte 222 tribunaux de canton10. Chacun d'entre eux comporte un juge de paix qui est un juge professionnel. La compétence de ces juridictions s'étend aux matières civiles dont la demande est inférieure à 75 000 francs belges. Le juge de paix rend des décisions en premier et dernier ressort dans les litiges d'un montant inférieur à 50 000 francs belges. Si le montant est supérieur à cette dernière limite, l'appel doit être porté devant le tribunal de première instance.
Au second niveau de juridiction se trouvent les 26 tribunaux de première instance. Ces tribunaux sont divisés en sections civiles et commerciales. Ils ont une compétence générale pour les affaires civiles dont le montant est supérieur à 75 000 francs belges. Comme nous l'avons vu, ils sont aussi juridiction d'appel des juges de paix dans les petits litiges.
Au même échelon se trouvent les tribunaux de commerces. Ils sont compétents pour décider des litiges entres commerçants, ou lorsqu'un commerçant est en position de défendeur. Devant ces deux cours une procédure de référé est possible.
Citons pour mémoire les tribunaux du travail et les tribunaux de la jeunesse situés au même niveau de juridiction.
Ensuite à l'échelon supérieur se trouvent cinq cours d'appel. Celles-ci sont divisées en sections civiles, commerciales et criminelles. La cour d'appel connaît des recours formés contres les décisions rendues par les juridictions inférieures, à l'exception de celles du juge de paix dans les litiges ne dépassant pas 50 000 francs belges. La cour d'appel a aussi une compétence spéciale en matière fiscale. Notons qu'il existe parallèlement cinq cours d'appel du travail.
Enfin, au niveau le plus élevé de juridiction se trouve la Cour de cassation. Cette cour unique est identique à son homologue française. Elle connaît des pourvois formés contre les arrêts de la Cour d'appel ainsi que des décisions du juge de paix rendues en premier et dernier ressort. La Cour de cassation juge en droit et non en faits.
L'organisation judiciaire luxembourgeoise est identique à celle de Belgique. Au niveau inférieur est situé le juge de paix. Il a compétence pour les affaires civiles dont le montant ne dépasse pas 400 000 francs luxembourgeois. Il juge en premier et dernier ressort les litiges inférieurs à 30 000 francs luxembourgeois.
Ensuite existe le tribunal d'arrondissement. Cette juridiction a une compétence générale de première instance pour les litiges non attribués au juge de paix, c'est à dire lorsque l'affaire est supérieure à 400 000 francs luxembourgeois. Ce tribunal connaît des appels formés contre les décisions du juge de paix dans les petits litiges inférieurs à 30 000 francs luxembourgeois.
Les appels des décisions du tribunal d'arrondissement sont interjetés devant la Cour d'appel.
Le niveau le plus élevé est occupé par la Cour de cassation. Cette cour unique est située à Luxembourg ville. Elle juge uniquement en droit les arrêts de Cour d'appel. Si elle infirme la décision, l'affaire est renvoyée devant la Cour d'appel ou le tribunal d'arrondissement. Si elle annule le jugement, elle a la possibilité de garder l'affaire et de décider elle-même du sort à donner au litige dans le cadre d'une procédure dite rescisoire. Enfin elle connaît des recours formés contre les décisions que le juge de paix a rendu en premier et dernier ressort.
Première partie : Le nouveau régime de responsabilité du fait des produits issu de la directive du 25 juillet 1985
Introduction : Les sources de la directive
Le texte européen n’est pas la première tentative d’uniformisation dans le droit de la responsabilité du fait des produits. Il y a eu des précédents qui lui ont servi de source. Elle a aussi puisé son inspiration dans le droit américain.
Section 1 : Le développement de la responsabilité du fait des produits défectueux en droit américain
En 1842 une influente décision anglaise11a refusé la possibilité d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle lorsqu'un produit mal fabriqué est la cause de dommages physiques12. Même si le défendeur a agi négligemment et que le dommage causé au demandeur était prévisible, la responsabilité pour les dommages corporels causés par un produit défectueux ne pouvait être recherchée que sur la base de la responsabilité contractuelle. Cette règle représentait une exception au principe général du droit des torts appelé negligence. Ainsi les devoirs du producteur étaient limités à ceux spécifiés par le contrat.
C'est avec la décision McPhearson v. Buick de 1916 que le juge Benjamin Cardozo a reconnu que l'exception avait vidé la règle de son sens et qu'il était temps de reconnaître un nouveau principe. Celui-ci devait permettre à la personne blessée par un produit d'être indemnisé en prouvant que la négligence du producteur était la source de son dommage.
Depuis 1916 et jusqu'à 1960 les cours américaines de common law ont appliqué les principes de la negligence aux demandes formulées par les plaignants ayant subi un dommage du fait d'un produit contre le fabricant de ce dernier.
Cependant les demandeurs gagnaient difficilement. Les producteurs avaient développé des garanties limitant strictement leur responsabilité à l'acheteur du produit. Les demandeurs rencontraient des difficultés dans l'établissement de la preuve que le défaut avait été causé par le producteur plutôt que par le distributeur ou le détaillant. Surtout, la coutume considérant les agissements de l'industriel comme raisonnables rendait difficile la démonstration pour le plaignant que le producteur n'avait pas agi raisonnablement dans la conception ou la fabrication du produit13. A cela s'ajoutait un déséquilibre entre consommateurs et fabricants. Les seconds pouvaient facilement s'entourer d'experts et d'avocats pour traiter les différentes affaires ce qui leur procurait un avantage de poids face aux premiers. Aussi bien il était devenu quasiment impossible pour la victime d'un produit défectueux d'établir la responsabilité du producteur tant sur un fondement contractuel que délictuel.
Dans les années cinquante les auteurs ont critiqué cette situation. Ils observaient que le producteur comme le vendeur avaient la capacité d'imposer les conditions de vente au consommateur et qu'aucune négociation n'était possible ; et en outre, que les fabricants avaient la capacité de déterminer des mesures de sécurité efficaces et de répercuter les coûts de la responsabilité sur le prix de vente des produits.
Tous ces arguments ont trouvé écho dans la décision Henningsen v. Bloomfield Motors de 1960. La cour a reconnu que le producteur n'avait pas respecté une garantie implicite résultant de la vente ce qui autorisait le dédommagement de la victime du produit défectueux14. En 1963 la Cour suprême de Californie posait la dernière pierre à l'édifice avec l'arrêt Greenman v. Yuba Power products15. Dans cette affaire elle a reconnu l'existence d'une responsabilité délictuelle de plein droit (ou sans faute) du fabricant d'un produit défectueux causant un dommage corporel à l'acheteur. Enfin en 1964, l'American Law Institute pose le principe à l'article 402A du Restatement of torts16 que le vendeur doit être responsable à l'égard de l'acheteur pour les dommages corporels causés par un produit défectueux ou dangereux même si le vendeur avait observé toutes les précautions possibles pour la fabrication et la commercialisation de son produit.
Tous les États fédérés aux USA ont adopté le principe de responsabilité sans faute du fabricant pour les blessures causées par un produit défectueux. Ce dernier est responsable si le produit renferme un défaut qui le rend " déraisonnablement " dangereux pour l'utilisateur ou l'acheteur. Ceci inclut les défauts de conception, les défaut de fabrication, et le manque de mise en garde ainsi que l'insuffisance des instructions données par le mode d'emploi.
Section 2 : La convention de Strasbourg
Outre ses inspirations américaines, la directive puise ses sources dans un précédent européen. Celui-ci est constitué par la convention de Strasbourg prise dans le cadre du Conseil de l'Europe. Cette convention sur " la responsabilité du fait des produits en cas de lésions corporels ou de décès " a été adoptée le 27 janvier 1977. Elle est contemporaine de la directive, et certains diront même postérieure à celle-ci en observant que le premier projet de directive fut présenté par la commission européenne le 9 septembre 1976. Toutefois cette opinion est à nuancer car les travaux de préparation de la convention avaient commencé au milieu des années soixante. Les deux textes présentent des similitudes tant au niveau de leur finalité, qu'au regard des règles posées.
La convention vise à assurer la protection du consommateur et plus spécialement du consommateur victime de produits défectueux. Les auteurs de ce texte se sont fixés comme but de proposer un ensemble de règles claires et sûres afin d'assurer la protection du consommateur. Le choix technique permettant d'atteindre ce but c'est porté sur l'adoption d'une responsabilité objective du producteur et des intermédiaires de la chaîne de commercialisation du produit défectueux.
Les deux textes présentent des dispositions communes voir jumelles ce qui permet d'affirmer que la convention est la source technique de la directive. Quelques-unes de ces dispositions communes méritent d'être soulignées. Ainsi, le producteur est tenu de réparer les dommages causés par un défaut de son produit. Selon la convention, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, y compris la présentation du produit. Les personnes pouvant être tenues pour responsables sont le producteur, l'importateur ou le fournisseur s'il n'est pas possible d'identifier le producteur. Ces derniers ne peuvent pas s'exonérer par des clauses limitatives ou exonératoires de garantie. Par contre ils pourront être déchargés de leur responsabilité en cas de faute de la victime. De même il n'y a pas responsabilité si le produit n'a pas été mis en circulation, ou si le défaut n'existait pas au moment de cette mise en circulation ou encore qu'il soit né postérieurement. Voici présentées quelques dispositions communes, il en existe bien d'autres encore, mais le but ici n'est pas de les relever scrupuleusement.
Ces similitudes ne sauraient toutefois pas faire oublier les divergences qui existent entre les deux textes. Les plus notables sont les suivantes : d'une part la convention contrairement à la directive ne prévoit pas une exonération du producteur pour les risques de développement, et d'autre part elle ne permet pas aux États d'adopter des règles plus favorables aux victimes de produits défectueux.
Nous terminerons en disant que la convention du 27 janvier 1977 n'a pas connu une destinée très heureuse. Celle-ci n'a emporté que quatres signatures (Autriche, Belgique, France, Luxembourg) et aucune ratification n'est intervenue. Cet échec peut s'expliquer par l'élaboration concomitante de la directive, instrument plus impératif que la convention et destiné pratiquement aux mêmes États. Il est donc probable que ces derniers n'aient pas voulu compliquer leur système législatif en se trouvant liés par deux textes très proches, ayant les mêmes finalités et dont l'articulation pouvait sembler difficile à réaliser.
Les sources de la directive ayant été étudiées,
il convient maintenant de se livrer à l'examen de ce texte et des
règles qu'il instaure.
Titre 1 : Les dispositions de la directive CEE n.85-374 du 27 juillet 1985
Le 25 juillet 1985 le conseil des Communautés européennes a adopté la directive numéro 85/374/CE relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux17. Ce texte a connu une gestation difficile de neuf ans. La Commission a présenté sa première proposition de directive le 9 septembre 1976. Le comité économique et social a rendu son avis le 13 juillet 1978. L'avis du parlement européen est intervenu le 26 avril 1979. Ces deux avis étaient obligatoires selon les dispositions de l'article 100 du traité des Communautés européennes en vigueur à cette époque. Ce dernier avis apportait quelques modifications au texte initial de la commission. Toutefois celle-ci n'avait pas cessé ses efforts, et proposa au conseil une nouvelle proposition de directive le 1er octobre 1979. Les discussions vont s'engager sur ce texte qui est la base de la directive que nous connaissons aujourd'hui. Six ans seront donc nécessaires pour parvenir à un compromis. Ce délai est dû aux oppositions entre les États membres. Plusieurs points constituaient des pierres d'achoppement. Ainsi le principe même de responsabilité objective du producteur était contesté par certains, l'Italie notamment. Pour d'autres, c'est le plafonnement de la responsabilité qui était refusé. Les oppositions les plus marquées ont porté sur l'inclusion ou non des produits agricoles dans le champ d'application de la directive ; et la reconnaissance des risques de développement comme cause exonératoire de responsabilité pour le producteur. Finalement, seul un compromis aura permis de faire échec à ces oppositions. Il prévoit de laisser aux États membres la liberté d'introduire ou non dans leur législation les mesures controversées lors de la transposition de la directives dans leur droit national.
Au bout d'une procédure de neuf ans la directive a finalement été adoptée. C'est un corps de règles très précises qu'il convient d'étudier maintenant.
Chapitre 1 : La nature de la responsabilité
Selon l'article premier de la directive, " le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit ". Il faut rapprocher ce texte de l'article 4 : " la victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ". On le voit, la victime n'a pas à faire la preuve d'une faute du producteur ; d'ailleurs cette faute n'est même pas exigée. Cela est justifié par le second considérant selon lequel " seule la responsabilité sans faute du producteur permet de résoudre de façon adéquate le problème […] d'une attribution juste des risques inhérents à la production technique moderne ". Ainsi la directive institue un régime de responsabilité objective ou de plein droit.
La doctrine a débattu de la nature de cette responsabilité. Deux thèses s'opposaient ; pour les uns il s'agissait d'une responsabilité pour risque, alors que pour les autres elle devait s'analyser en responsabilité indépendante de la faute.
La responsabilité pour risque s'applique aux activités ou aux biens dangereux mais nécessaires à la société. Malgré le risque existant, ces activités ou ces biens sont licites. La responsabilité indépendante de la faute repose sur la violation d'un devoir légal de comportement sans qu'il y ait commission d'une faute de la part du défendeur.
Cette distinction est surtout théorique et n'entraîne que peu de conséquences en pratique. Nous retiendrons que la directive instaure un régime de responsabilité qui se superpose à la distinction classique entre la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle. C'est ce que prouve l'article 13 qui dispose que " la directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ". La nature de la responsabilité mise en place n'est ni contractuelle ni délictuelle.
Cette responsabilité est impérative puisque selon l'article 12 de la directive les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont prohibées. Elle est aussi limitée. Tout d'abord dans son montant. Ce n'est pas retenu comme principe, mais l'article 16 permet aux États membres d'adopter un plafond qui ne peut être inférieur à soixante-dix millions d'Ecus. C'est un plafonnement global pour tous les dommages que devrait le producteur à raison des défauts de son produit. L'autre limite fixée est temporelle. La responsabilité est limitée à dix ans à partir de la mise en circulation du produit qui a causé un dommage. En outre, la victime doit agir dans un délai de trois ans à partir du jour de réalisation de son préjudice.
Chapitre
2 : Les personnes responsables
L'article premier déclare le producteur responsable. Il faut le rapprocher de l'article 3 qui précise la notion de producteur au sens de la directive et qui l'étend à d'autres personnes.
La directive ne définie pas à proprement parler la notion de producteur. Selon l'article premier de la directive, le producteur est le fabricant du produit fini. C'est la personne qui a commercialisé la marchandise, qui l'a mise sur le marché. Mais le rôle du producteur n'est pas identique dans toutes les situations. Il peut avoir conçu et fabriqué le produit dans l'hypothèse de pièces de fonderies vendue à une entreprise. Il peut aussi avoir assemblé différents composants achetés à d'autres fournisseurs. Les personnes ayant fournis les composants seront fabricants d'une partie composante, alors que l'assembleur sera le producteur. Une question peut se poser quant aux opérations réalisées par le distributeur afin d'assurer la commercialisation du produit. Est-ce que l'intervention de ce distributeur peut lui attribuer la qualité de producteur ? La réponse variera selon l'intensité de son action. Si elle ne modifie ou n'altère en rien les qualités ni les caractéristiques du produit, le distributeur ne peut pas être qualifié de producteur. Ce sera le cas, par exemple, du commerçant qui mettra en rayon des marchandises après les avoir débarrassées de leur protection pour le transport. La question est plus délicate dans l'hypothèse où un montage du produit est nécessaire avant sa commercialisation. Mais la solution est la même. Par contre, si le distributeur d'un produit réalise de lui-même une modification du produit il pourra vraisemblablement être tenu pour producteur. Ce serait le cas du distributeur d'une marque de voitures étrangères qui fait procéder au montage d'équipements moteur spécifiques sur les modèles que son réseau diffusera.
L'article 3 de la directive assimile au producteur d'autres personnes ayant participé à la chaîne de fabrication du produit. Ce sont " le producteur d'une matière première ou le fabricant d'une partie composante ". Ces deux expressions semblent recouvrir la même réalité. En se référant au producteur de la matière première la directive entend certainement préciser qu'une transformation du produit n'est pas nécessaire pour que la responsabilité de celui-ci soit engagée si la matière première fournie présentait un défaut. Si un accident survient à la suite de la rupture d'une pièce métallique d'un appareil en raison de la mauvaise qualité de l'acier utilisé, le fabricant de l'appareil ainsi que la fonderie qui a fourni l'acier seront responsables. De même si l'accident est du à une partie composante défectueuse. Souvent les fabricants de matériel audiophonique de haute qualité ne fabriquent pas toutes les pièces équipant leurs produits. Si un tel équipement explose en raison de la défectuosité d'une pièce acquise auprès d'un autre industriel, le fabricant du matériel électronique sera responsable tout comme le fabricant de la partie composante.
Enfin l'article 3 de la directive assimile au producteur " toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif ". Il s'agit le plus souvent des distributeurs qui possèdent leur propre marque. C'est le cas par exemple de toutes les enseignes de la grande distribution alimentaire. Bien entendu, ces quasi-producteurs également appelés own-brander par la doctrine anglophone ne jouent aucun rôle dans le processus de fabrication. Ce ne sont que des distributeurs. Mais la présentation du produit suggère le contraire, toute référence au véritable producteur étant absente. Afin d'assurer la protection du consommateur qui ne connaît donc que ce distributeur par le biais de sa marque, celui-ci est responsable des défauts du produit. Selon G.Howells18, pour échapper à cette responsabilité, le distributeur devrait apposer sur l'emballage une expression équivalente à celle-ci : " produit et conditionné par X fabricant pour Y supermarché ".
L'article 3 de la directive assimile aussi au producteur d'autres personnes encore plus éloignées du cycle de production. Ce sont les importateurs et les fournisseurs.
Section 2 : Les importateurs et les fournisseurs
La directive permet de rechercher la responsabilité de " la personne qui importe un produit dans la Communauté [...] dans le cadre de son activité commerciale " selon l'article 3. Cette personne est responsable comme un producteur en cas de défaillance du produit importé. La précision de l'activité commerciale permet d'exclure du champ d'application de la règle les personnes privées qui ramèneraient des produits dans la Communauté après un voyage par exemple. Toutefois la règle n'est pas limitée à la vente; le texte prévoit son application aux produits destinés aux activités de leasing ou de location.
Cette disposition vise à améliorer la situation procédurale du consommateur victime qui n'aura pas à agir contre le fabricant situé hors de la Communauté. Il pourra rechercher la responsabilité de l'importateur établi au sein de celle-ci. Cependant il semble que les auteurs de la directive aient voulu présenter la communauté comme un marché unifié. Toutefois il sera toujours difficile en pratique pour un simple consommateur, par exemple Portugais, de poursuivre un importateur qui serait implanté au Danemark.
Le dernier paragraphe de l'article 3 de la directive indique que le fournisseur du produit défectueux pourra aussi voir sa responsabilité engagée si le producteur n'est pas identifiable. Le terme de fournisseur apparaît ambigu, il fait songer au fournisseur d'une partie composante. La responsabilité de ce dernier ayant déjà été réglée par le texte, il faut interpréter l'expression de fournisseur comme étant la personne qui a commercialisé le produit. Le fournisseur est responsable dans l'hypothèse où le producteur n'est pas identifié. Il est alors considéré comme producteur lui-même. Il peut cependant échapper à cette responsabilité en révélant le nom du producteur ou de son propre fournisseur. Il en va de même lorsque le produit est importé et que l'identité de l'importateur fait défaut. Peu importe d'ailleurs que le producteur soit connu ou non.
Nous venons d'identifier les personnes dont la responsabilité peut être recherchée à la suite d'un dommage causé par le fait d'un produit défectueux. Il nous faut maintenant voir quelles sont les conditions de cette responsabilité.
Chapitre 3 : Les conditions de la responsabilité
Les producteurs ou personnes assimilées au producteur sont responsables du dommage causé par les défauts du produit. La victime devra seulement prouver le lien de causalité existant entre le défaut et le dommage comme nous l'avons déjà dit. Le texte de la directive est muet sur la définition de ce lien de causalité. On n'en trouve trace qu'aux articles premier par déduction, et quatrième textuellement. Nous pouvons alors nous interroger si une définition de ce lien doit être donnée ultérieurement par la Cour de justice des Communautés européennes, ou si la directive laisse la liberté à chaque État membre d'appliquer sa propre notion du lien de causalité. Cette dernière hypothèse pourrait conduire à des divergences entre les États. Or le but de la directive est de rapprocher les législations nationales, aussi nous préférons retenir la première idée tout en notant que la transposition du texte a été réalisée par tous les États membre sans qu'aucune interprétation n'ait été donnée.
Ces précisions données, il nous faut maintenant étudier les notions de produit, de défaut, et de dommage.
Au sens de l'article 2 de la directive, " le terme produit désigne tout meuble, à l'exception des matières premières agricoles et des produits de la chasse, même s'il est incorporé dans un autre meuble ou immeuble ". Cet article doit être lu à la lumière du troisième considérant de la directive d'après lequel " la responsabilité ne saurait s'appliquer qu'aux biens mobiliers faisant l'objet d'une production industrielle ". Le produit peut-il être le fruit de l'artisanat ? Le texte n'apporte aucune information à ce sujet. Nous devons conclure que ces produits sont visés. Cela peut sembler sévère pour l'artisan d'être soumis à un tel régime de responsabilité, mais le but de la directive est de favoriser le consommateur et non le producteur. Si l'on accepte une interprétation large du terme de meuble, nous pouvons penser que les produits sanguins et les produits du corps humain en général seront soumis au système de la directive. Notons aussi que le texte précise que l'électricité est un produit.
Les immeubles sont clairement exclus du champ d'application de la directive. Par contre les meubles incorporés à un immeuble sont couverts par la directive ainsi qu'à plus forte raison les meubles incorporés à un autre meuble. Les équipements d'un bâtiment tels que les canalisations d'eau par exemple, et les matériaux de construction seront donc concernés.
Les prestations de services sont aussi exclues du système mis en place. Une proposition de directive spécifique sur la responsabilité du fait des prestations de service a été présentée au Conseil le 9 novembre 1990.
Les œuvres de l'esprit et les biens incorporels en général peuvent poser problème : sont-ils des produits au sens de la directive ? Nous pouvons illustrer le problème par deux exemples : les indications données par un guide de préparation pharmaceutique sont erronées et le médicament conçu est dangereux ; le programme informatique du pilote automatique d'un avion est défectueux et l'appareil s'écrase. Le livre ou le logiciel ne sont pas dangereux en eux même au contraire de l'information qu'ils diffusent. Un élément de réflexion pourrait consister dans le cas de produits comme le logiciel à se demander s'il fait partie intégrante du produit qui l'utilise. Alors nous pensons qu'en cas d'accident le fabricant du produit intégrant le logiciel serait responsable. Dans les autres hypothèses, il nous semble préférable de retenir la qualification de prestation de service.
La directive exclut les produits agricoles et de la chasse. Elle précise que cela concerne " les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie à l'exclusion des produits ayant subi une première transformation ". Certains justifient cette exclusion par le caractère non industriel des activités agricoles. Toutefois, les produits artisanaux semblant être inclus par la directive, cet argument perd tout son poids. Et en outre l'agriculture moderne tend à être de plus en plus technique et même quasi industrielle pour les grosses exploitations. Par contre, il est très difficile de tracer ces produits ce qui rend très délicate l'identification du producteur. Cela peut justifier cette exclusion. Surtout, cette exclusion est due à des considérations politiques afin de ménager ce secteur sensible de l'économie.
Un dernier point concernant les produits agricole pose problème : c'est la question de la première transformation. La directive n'explique pas ce terme or, c'est cette opération qui permet d'inclure ou d'exclure ces produits de la directive. Rien ne permet véritablement de définir cette expression, il serait souhaitable que les instances européennes éclaircissent ce point.
C'est une condition essentielle du système de responsabilité de la directive. L'article 6 dispose que le " produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment de la présentation du produit ; de l'usage du produit qui peut raisonnablement en être attendu ; du moment de la mise en circulation du produit ". La sécurité est la notion essentielle. Peu importe que le produit ne soit pas conforme ou qu'il soit vicié, s'il offre la sécurité à laquelle on peut s'attendre alors le producteur ne sera pas responsable. La directive utilise le pronom " on " ; nous pouvons penser que ce choix est délibéré afin de ne pas restreindre le système à l'acheteur du produit, mais pour l'étendre au grand public. Il ne faut pas oublier que la directive instaure un système nouveau ni contractuel ni délictuel permettant à la victime tiers au contrat de vente du produit défectueux de rechercher la responsabilité du producteur. Ainsi " on " désigne le grand public, le consommateur.
Le texte donne des indications non restrictives afin d'apprécier le niveau de sécurité qui peut être attendu par le grand public. C'est le juge qui doit se livrer à cette appréciation. Il doit tenir compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit. Il est certain que cela vise l'emballage et les mentions qui y sont portées. De même cela concerne le mode d'emploi et toutes les explications qui l'accompagnent. Selon certains il faudrait prendre aussi en compte la publicité19et même la disposition du produit dans les magasins. En d'autres termes il faut retenir tout ce qui peut laisser croire au consommateur, compte tenu de la présentation, que le produit convient à tel ou tel usage.
La directive met à la charge du producteur un devoir de prévisibilité. Il doit songer à " l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ". Le producteur doit ainsi avoir à l'esprit la mauvaise utilisation éventuelle qui peut être fait de son produit. Le produit doit être sûr dans le cas d'une utilisation potentielle du public mais cela ne doit pas être extrême. On ne peut pas imposer au producteur de prévoir toutes les utilisations possibles. On ne demandera pas au fabricant de fours à micro-onde de prévenir l'utilisateur que le produit ne convient pas au séchage des chats par exemple20. C'est pourquoi l'obligation est limitée à l'usage raisonnable qui peut être fait du produit.
Enfin l'article 6 prévoit à deux reprises une limite temporelle. Le " moment de la mise en circulation du produit " figure parmi les circonstances énumérées. Et le chiffre 2 précise qu'" un produit ne peut pas être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en circulation postérieurement à lui ". Ces dispositions conduisent à ne pas tenir compte du progrès technique qui avec le temps permet d'améliorer la sécurité des produits. L'appréciation doit se faire selon les normes techniques de sécurité qui existaient le jour de la mise en circulation, et non au jour où le dommage est survenu. L'obsolescence en matière de sécurité due au progrès technique ne peut pas rendre un produit défectueux alors qu'il offrait la sécurité à laquelle on pouvait légitimement s'attendre au moment de sa mise en circulation.
Avec le défaut le dommage est l'autre pilier du système mis en place par la directive puisque la victime d'un produit défectueux doit prouver le lien de causalité entre le défaut du produit et le dommage qu'elle a subi. L'article 9 de la directive traite du dommage. Une distinction est faite entre les dommages à la personne et les dommages aux biens. Selon ce texte " le terme dommage désigne le dommage causé par la mort ou par des lésions physiques ". Donc ces dommages sont indemnisables. Par contre, la question de la réparation du préjudice moral est réglée, selon cet article, par les dispositions des droits nationaux. Ce renvoi laisse supposer à une inégalité entre les États membres. Cela conduit à conclure que le dommage patrimonial est indemnisable mais que ce ne sera pas forcement le cas du dommage extrapatrimonial.
Quant aux dommages aux biens, le texte pose une seconde distinction entre le dommage au produit défectueux lui-même et le dommage aux autres biens. Le dommage au produit n'est pas indemnisable sur le fondement de la directive. La réparation devra être demandée sur le fondement du lien contractuel qui existe entre le consommateur et le vendeur du produit défectueux. Pour les autres dommages aux biens, l'article 9 de la directive pose plusieurs conditions à la réparation. La chose doit être " d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privée " et elle doit avoir " été utilisée par la victime pour son usage ou sa consommation privée ". Les biens destinés à un usage professionnel ou utilisés à des fins professionnelles sont exclus. Cela peut poser des problèmes dans le cas de biens qui sont affectés à l'usage professionnel et personnel du consommateur. C'est notamment le cas pour les voitures de fonction. Serait-il nécessaire de distinguer en cas de dommage selon que l'utilisation du véhicule était faite à titre personnel ou professionnel ? Notons enfin que ces exigences ne s'appliquent qu'aux dommages aux biens et non aux dommages à la personne.
La directive pose une dernière limite à la réparation du dommage aux biens. Cette limite est financière. Les dommages dont le montant est inférieur à 500 Ecus ne peuvent pas faire l'objet d'une réparation selon les règles de la directive. Cette disposition a pour but de limiter le nombre de litige. Les termes employés par les rédacteurs, " sous déduction d'une franchise de 500 Ecus ", posent un problème d'interprétation. Faut-il comprendre cette limite comme limitant l'action ou alors comme un montant qui ne peut jamais être remboursé à la victime ? La directive ne donne aucune indication. Les droits nationaux divergent sur ce point comme nous le verrons par la suite.
Les conditions de la responsabilité du producteur ont été traitées, voyons maintenant quels modes d'exonérations lui sont ouverts par la directive.
Chapitre 4 : Les modes d'exonération de responsabilité
Ces modes sont traités par l'article 7 de la directive qui en recense six. Un septième tiré de l'article 8 vient s'y rajouter. Nous allons traiter ces sept modes d'exonération d'importance inégale.
Section 1 : Les défenses basées sur la notion de mise en circulation
Selon l'article 7 lettre a, le producteur n'est pas responsable s'il prouve qu'il n'avait pas mis le produit en circulation. Avant toute chose, nous remarquons que la directive ne donne pas de définition de la mise en circulation. Plusieurs pistes sont possibles. On peut retenir le transfert de propriété de la chose. De même que la chose serait en circulation si le producteur a perdu définitivement son pouvoir de contrôle sur l'objet. Nous préférons retenir que la mise en circulation a lieu quand le fabricant estime le produit terminé et qu'il le lance dans le circuit de distribution. Voyons maintenant quelles hypothèses permettent d'utiliser ce moyen de défense.
Tout d'abord le cas le plus simple est celui où le producteur ne s'est pas dessaisi du produit. Le dommage aurait lieu dans l'usine de production. Ensuite, nous pouvons penser au cas du prototype. Le producteur ne l'a pas encore lancé sur le marché et ne considère sûrement pas le produit comme terminé. Si celui-ci est la source d'un dommage, le recours à l'exonération de l'article 7 lettre a sera possible. Une autre hypothèse est celle du vol du produit. La question ne pose pas de problème si le produit est nouveau et non encore commercialisé. Le producteur sera exonéré. Par contre la solution est moins logique si le produit volé est déjà commercialisé. Toutefois nous la justifions par l'absence de volonté de dessaisissement du producteur. Le caractère de produit achevé peut aussi être discuté, des tests de sécurité pouvaient rester à faire et ainsi révéler le défaut du produit qui n'aurait alors jamais été mis en circulation.
L'article 7 lettre b prévoit un autre moyen de défense basé sur la mise en circulation. Le producteur ne sera pas responsable si " le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ". Le texte est suffisamment clair, il n'appelle pas d'explications. Ce cas de figure pourrait correspondre aux défauts postérieurs à la mise en circulation nés d'un mauvais stockage par un détaillant par exemple. Il pourrait encore s'agir de défauts résultant d'une mauvaise réparation du produit.
Section 2 : l'absence de distribution et la fabrication hors du cadre professionnel
Selon l'article 7, le producteur n'est pas responsable si " le produit n'a été ni fabriqué pour la vente ou pour toute autre forme de distribution dans un but économique du producteur, ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son activité professionnelle ". Cette disposition ambiguë pose donc deux conditions cumulatives : l'absence de but économique à la fabrication, et une fabrication ou une distribution hors du cadre de l'activité professionnelle. Ces deux conditions sont extrêmement restrictives. En pratique peu de situations permettent d'utiliser cette exception. L'exemple des échantillons est souvent cité. Toutefois, même si la distribution n'est pas faite dans un but économique mais simplement pour tester l'accueil d'un nouveau produit auprès des consommateurs, la seconde condition n'est pas remplie puisque la fabrication est effectuée dans le cadre de l'activité professionnelle. Même un particulier qui vendrait sa production personnelle de confiture à des amis ne respecterait pas la première condition. Devant un champ d'application aussi réduit, nous pouvons nous demander quelle est l'utilité de ce mode de défense pour le producteur.
Section 3 : Le respect d'une règle publique impérative
Le producteur peut échapper à sa responsabilité s'il prouve que " le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics ". Le produit ne doit pas simplement respecter ces règles. Le respect d'un code de bonne conduite ou de normes non impératives telles les normes DIN ou AFNOR n'est pas suffisant. " Il faut que se soit le respect des ces normes (publiques) impératives, elle-même défectueuses, qui ait entraîné le défaut du produit "21. Il faut que le producteur soit obligé de respecter ces règles. S'il est prouvé que le respect de ces normes permettait de fabriquer le produit autrement et sans défaut, le producteur ne pourra pas s'exonérer de sa responsabilité en employant ce moyen de défense.
Section 4 : La défense basée sur le risque de développement
Au sens de l'article 7 lettre e, " le producteur n'est pas responsable s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ". Cela correspond à la théorie des risques de développement.
La notion de risque de développement est complexe. Elle a alimenté les débats de la doctrine américaine depuis longtemps avant de constituer un sujet de discorde entre les États européens lors de l'adoption de la directive. Afin de parvenir à un accord, le texte laisse une option aux États membres. Selon l'article 15, ceux-ci ont la liberté d'inclure dans leur législation une exonération de responsabilité fondée sur les risques de développement.
La première difficulté est lexicale. L'expression " risque de développement " n'est pas très explicite en elle-même. Elle correspond à la traduction littérale de developmentrisk que les auteurs continentaux ont utilisée telle quelle. Le risque de développement concerne un défaut du produit existant dès la fabrication mais qui était indécelable par les connaissances scientifiques et techniques de l'époque. Ce sont les principales caractéristiques du risque de développement que l'on retrouve dans toutes les définitions données par les différents auteurs22. Dans le cas du risque de développement, l'existence du défaut n'est pas niée par le producteur. Seulement ce dernier ne pouvait pas le déceler eu égard aux connaissances techniques et scientifiques existantes à l'époque de la fabrication. Comment doit on considérer l'attitude du producteur qui soulève cette exception ? Nous pensons qu'il ne faut pas s'attacher à la situation propre du producteur, mais qu'il faut considérer quelles étaient les connaissances scientifiques et techniques accessibles à un producteur raisonnable placé dans la même situation. Il convient aussi de s'interroger sur le contenu de ces connaissances. Il serait trop strict d'exiger du producteur qu'il tienne compte de la somme mondiale des connaissances et du savoir humain. Il est admis que c'est le savoir reconnu par la majorité de la communauté scientifique mondiale qui doit être compris sous le terme d'état des connaissances scientifiques et techniques. Donc le producteur devra faire des recherches dans tous les domaines scientifiques et techniques concernant son produit, et non pas se limiter uniquement aux connaissances se rapportant à sa branche d'activité.
Les fabricants ont toujours été opposés à la mise en jeu de leur responsabilité en cas de risques de développement. Ils font observer que l'utilisation de tous les moyens techniques connus est impossible en raison du temps que cela demande et surtout insoutenable en ce qui concerne les coûts supportés. De surcroît, les dommages peuvent survenir des dizaines d'années après la mise en circulation du produit sans que le producteur ne se soit jamais douté du défaut. Les réparations qui seraient mises à sa charge ne peuvent alors pas entrer dans les prévisions commerciales ni être répercutées sur les prix de ventes. Donc, tous ces coûts inciteraient les producteurs à limiter les innovations, et le progrès technique serait freiné. Toutefois, les producteurs peuvent s'assurer contre les risques de développement. Peu d'arguments sont en faveur de l'exonération basée sur le risque de développement. " La seule justification de l'exclusion des risques de développement réside dans une décision politique des États membres, dont la majorité a estimé que, selon une balance des intérêts, ceux du producteur étaient supérieurs dans ce cas à ceux du consommateur "23.
Section 5 : L'absence de défaut d'une partie composante
L'article 7 lettre f prévoit ce moyen de défense. Le producteur de la partie composante ne sera pas responsable s'il prouve que son produit n'était pas défectueux. Il devra en outre apporter la preuve que le défaut est dû à la conception du produit fini ou aux instructions données par le fabricant de ce dernier. Cela fait écho aux dispositions de la lettre b du même article puisque le défaut n'existait pas lorsque le producteur de la partie composante a mis son produit en circulation.
Section 6 : La faute de la victime
Ce dernier moyen d'exonération est prévu par l'article 8 de la directive selon lequel " la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable ".
Cette disposition claire n'appelle que peu de remarques.
Elle suit la logique de l'article 6 chiffre 1 lettre
c qui se réfère à l'usage du produit qui peut
être raisonnablement attendu. Ainsi dans le cas d'une utilisation
déraisonnable, ce qui peut constituer une faute de la victime, le
producteur ne sera pas tenu pour responsable des dommages occasionnés.
Notons que le comportement de la victime peut être fautif mais prévisible
pour le producteur ; cela supprime sa responsabilité malgré
tout.
Titre 2 : La transposition de la directive dans les droits nationaux
Le texte communautaire fixant les nouvelles règles de responsabilité pour les produits défectueux est une directive. L’article 189 du traité instituant la Communauté européenne nous apprend que " la directive lie tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens ". La directive impose aux États une obligation de résultat dont ils déterminent en principe les modalités d’exécution. Par conséquent la directive doit être transposée dans le droit national en respectant le délai qu’elle fixe. La directive 85/374 du 25 juillet 1985 dans son article 19 prévoit que " les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard trois ans à compter de la notification de la présente directive ". La notification étant intervenue le 30 juillet 1985, la transposition devait être effectuée au plus tard pour le 30 juillet 1988. Aucun de nos quatre pays d’études n’a respecté ce délai, toutes les lois de transposition ayant été adoptées après 1988. Aux Pays-Bas le projet de loi a été déposé au parlement le 11 septembre 1986, mais l’adoption du texte législatif n’a eu lieu que le 1er novembre 1990. Plus rapide, le Luxembourg a adopté sa loi le 21 avril 1989, celle de la Belgique datant du 25 février 1991. Ces transpositions tardives n’ont pas attiré les foudres de Bruxelles au contraire de la France.
Au 1er janvier 1993, le parlement français n’avait encore adopté aucun texte de transposition. Pourtant un projet de loi avait été déposé sur le bureau de l’Assemblée Nationale en 1990. Son examen avant la première lecture devant l’Assemblée Nationale n’est intervenu qu’en juin 1992. Le processus d’adoption fut long, les questions relatives aux risques de développement constituaient la pierre d’achoppement entre les deux chambres constituant le parlement français. En raison du retard accumulé, la France a été condamnée en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes en 199324. Le travail parlementaire s’est poursuivi, retardé de nouveau par la dissolution de l’Assemblée Nationale. Enfin, le 10 mai 1998 la loi française25 de transposition de la directive sur les produits défectueux était adoptée.
Nous voyons donc que les dispositions de protection du consommateur n’ont pas été adoptées partout de manière uniforme. La France se détachait sensiblement des autres pays par son important retard. Cette situation n’était pas sans conséquence pour le consommateur. Le premier considérant de la directive déclare que la disparité des législations est susceptible " d’entraînerdes différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par un produit défectueux ". Ainsi, la non transposition défavorisait le consommateur français par rapport aux consommateurs belges, néerlandais et luxembourgeois. De plus, l’effort d’harmonisation européenne était de ce fait vain. Nous pouvons toutefois nous interroger sur la possibilité de contourner cet obstacle et d’assurer une égalité entre les consommateurs. Les solutions possibles sont l’utilisation de l’effet direct, et l’attitude de la jurisprudence.
La technique de l’effet direct développée par le droit des Communautés européennes consiste à permettre au particulier d’invoquer directement des textes communautaires, et spécialement lorsqu’un État n’a pas rempli ses obligations de transposition. Les règlements, par leur nature, sont obligatoires et font automatiquement partie intégrante de la législation des États. La question de l’effet direct se pose donc essentiellement pour les directives. Le principe posé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes retient qu’un texte bénéficie de l’effet direct lorsqu’il est inconditionnel et suffisamment précis. Les dispositions de la directive malgré les options laissées aux États membres semblent répondre à cette condition ; le texte devrait être considéré comme directement applicable. Mais la Cour de justice des Communautés européennes a introduit une distinction entre l’effet direct horizontal, et l’effet direct vertical. L’effet direct vertical concerne l’hypothèse où un particulier invoquerait le texte communautaire à l’encontre de l’État qui n’a pas pris les mesures de transposition. Dans le cas de l’effet direct horizontal, un sujet de droit cherchera à invoquer le texte communautaire contre un autre sujet de droit. Dans cette seconde hypothèse, la Cour de justice des Communautés européennes considère que l’effet direct d’une directive est impossible. Donc le consommateur français ne pouvait pas agir contre le fabricant privé d’un produit défectueux. Toutefois, si le fabricant était une entreprise publique, la victime du produit défectueux pouvait invoquer directement la directive contre l’État. Cette possibilité offrait une faible protection à la victime qui pouvait espérer une intervention de la jurisprudence.
Nous pouvons penser que la jurisprudence avait la possibilité de compenser le défaut de transposition. Les tribunaux pouvaient rendre des décisions inspirées par les dispositions de la directive. C’est un mécanisme qui a été utilisé par les juridictions néerlandaises avant l’adoption du nouveau code civil en 1992. Ces dernières s’inspiraient des futures règles afin de réaliser une cohésion entre la jurisprudence rendue et les textes qui allaient entrer en vigueur. Des plaignants français invoquèrent cette solution devant la Cour de cassation26. Sur l’obligation du juge d’interpréter son droit à la lumière de la directive, la Cour a répondu que " c’est à la condition que celle-ci soit contraignante pour l’État membre et ne lui laisse aucune faculté d’option pour l’adaptation de son droit national au droit communautaire ". Dans cette affaire, les héritiers d’une personne décédée des suites du virus d’immuno-déficience humaine contracté par transfusion sanguine agissaient contre le centre de transfusion ayant fourni les produits sanguins. La Cour a considéré que la directive permettait aux États d’inclure ou non l’exonération pour risques de développement. En conséquence, " le moyen qui se réfère aux dispositions de la directive qui renvoient au droit interne, ne peut être accueilli ". La Cour de cassation n’a cependant pas maintenu sa jurisprudence. Dans un arrêt de 199827concernant de nouveau une contamination par le virus du sida par transfusion sanguine, la Cour de cassation fera référence aux " articles 1147 et 1384, alinéa premier, du code civil, interprétés à la lumière de la directive CEE n° 85/374 du 25 juillet 1985 ". Ainsi la situation du consommateur français victime d’un produit défectueux était améliorée. Cependant la solution n’offrait pas la protection du système découlant de la transposition de la directive qui allait intervenir peu de temps après cette décision.
Une dernière remarque comparative mérite d’être faite concernant l’outil d’intégration de la directive dans le droit national de nos pays d’études. Nous savons que " la transposition d’une directive n’exige pas nécessairement une action législative dans chaque État membre "28. La France, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas ont choisi la voie législative. Une option était ouverte ; soit la loi était considérée comme une loi spéciale ; soit elle était intégrée à un code. La solution retenue diverge entre les pays. La Belgique et le Luxembourg ont retenu la première solution. Leur loi sur les produits n’est pas codifiée, elle reste un texte indépendant. Par contre, les Pays-Bas et la France ont intégré leur loi au code civil. Le choix français peut s’expliquer par la volonté de réformer l’ensemble du droit de la responsabilité. La transposition de la directive avait été vue comme une occasion de réaliser ce projet. Cette idée fut abandonnée. L’œuvre était trop complexe. Le projet de loi prévoyait aussi quelques retouches au droit de la vente. Cela ne sera pas non plus suivi. Le texte nouveau a été intégré au code civil par l’ajout des articles 1386-1 à 1386-18. Ils trouvent leur place dans le titre quatre à la fin du chapitre deux consacré aux délits et quasi-délits. La nature de la responsabilité nous l’avons dit n’est ni contractuelle ni délictuelle, mais indépendante de la faute. Il est plus logique de la rattacher aux règles sur la responsabilité extra contractuelle. Le système se rapprochant en effet de celui de l’article 1384 alinéa premier. La solution néerlandaise est semblable. Certains pourront penser que la réforme du code civil aux Pays-Bas a rendu l’intégration plus commode. Mais, comme nous l’avons vu, le texte de transposition fut voté le 1er novembre 1990, avant l’entrée en vigueur donc du nouveau code. Et la loi avait été codifiée dans l’ancien code civil aux articles 1407 et suivant. Le choix de codifier apparaît donc comme délibéré. Dans le nouveau code civil néerlandais, la loi fut intégrée sous les articles 6:185 à 6:193. A l’instar du code civil français, ils se trouvent dans la section consacrée aux principes de responsabilité extra contractuelle.
Les remarques relatives à la transposition de la directive étant closes, il est temps de se consacrer à l’étude des lois sur la responsabilité du fait des produits défectueux dans les quatre pays concernés. La directive laissait la porte ouverte à certaines options. Le texte communautaire comportait aussi des renvois aux dispositions nationales. La transposition était aussi l’occasion de faire des ajouts ou d’apporter des précisions au système de la directive. Nous aborderons successivement ces différents points.
Chapitre
1 : Les options ouvertes par la directive
La directive du 25 juillet 1985 est un ensemble de règles assez rigoureuses et si bien structurées qu’elle peut être transposée telle quelle dans les droits nationaux. Une adaptation n’est pas nécessaire pour aboutir à une loi. D’ailleurs, il nous semble que de telles directives aussi détaillées tendent à ruiner la différence avec le règlement. Toutefois, la directive n’a pas la force contraignante d’un règlement et laisse une marge de liberté aux États membres en ce qui concerne sa transposition. Cette liberté est aussi exprimée par les options ouvertes par le texte de 1985 et qui permet aux États destinataires d’inclure ou non certains éléments. Ces options concernent l’exclusion des risques de développement, l’inclusion des matières premières agricoles, et enfin l’adoption d’un plafond global de réparation.
Section 1 : Le plafond global de réparation
Nous commençons par cette solution qui est la plus simple. Aucun des quatres pays que nous étudions n’a adopté la solution consistant à prévoir un plafond global à l’ensemble des indemnisations qui seraient versées par un producteur pour les dommages résultant d’un même défaut affectant des articles identiques de sa fabrication. Cette possibilité est prévue par l’article 16 de la directive communautaire d’après lequel " tout État membre peut prévoir que la responsabilité globale du producteur pour les dommages résultant de la mort ou de lésions corporelles et causés par des articles identiques présentant le même défaut est limitée à un montant qui ne peut être inférieur à 70 millions d’Ecus ".
L’exclusion de ce plafond dans les États considérés se justifie par le respect de la tradition juridique. Aucun d’eux n’a jamais connu de limite financière maximale pour les dédommagements accordés dans leur système de responsabilité de droit commun. En outre, si le plafond avait été retenu, les victimes d’un produit défectueux auraient pu placer leur action sur le terrain de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle qui ne connaît pas de limite comme nous venons de le dire. L’article 13 de la directive permet en effet de choisir entre les systèmes classiques de responsabilité ou celui prévu par le texte communautaire. Nous pourrions croire que cela conduirait à ruiner le système communautaire si les victimes, espérant un meilleur dédommagement, plaçaient leurs actions sur le terrain de la responsabilité classique. Toutefois, le système de responsabilité objective de la directive est plus favorable aux victimes. Ensuite, le plafond ne peut pas être inférieur à 70 millions d’Ecus soit 500 milliards de francs environs. Il nous apparaît exceptionnel que des personnes lésées obtiennent des dommages supérieurs à cette somme en se fondant sur la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle classique.
En outre, prévoir ce plafond implique de mettre en place un système de répartition des indemnités. Nous pouvons concevoir l’hypothèse où le produit défectueux soit un médicament et que les dommages se réalisent dans la durée. Dans un tel cas il ne serait pas impossible que de nouvelles victimes apparaissent alors que le montant total des indemnités aurait déjà été distribué. Dans ce cas, on imagine mal refuser d’indemniser ces victimes, de même qu’il serait délicat de prélever des sommes sur les indemnités déjà versées aux premières victimes. Ce problème de répartition est délicat. C’est une des raisons qui explique le rejet par la Belgique du plafonnement des indemnités afin " d’éviter les difficultés pratiques liées à l’allocation d’un montant global aux victimes dont les demandes ne seraient connues qu’au fil du temps "29.
Le plafond de responsabilité serait utile lorsque le défaut serait inconnu du producteur qui n’aurait pas pu en conséquence répartir le coût des réparations sur les prix ni faire de réserves financières suffisantes. Nous songeons au cas des risques de développement. Ceux ci sont exclus par la directive, mais le texte laisse une option aux États membres qui peuvent choisir de ne pas retenir ce mode d’exonération de responsabilité du producteur. La rigueur de ce choix à l’égard du fabricant pourrait donc être compensée par la fixation d’un montant global des réparations qu’il devrait. Donc ce ne serait que dans cette hypothèse où le producteur devrait répondre des risques de développement que la limite serait justifiée.
Section 2 : Les risques de développement
Selon l’article 15 lettre b de la directive, chaque État membre peut " maintenir ou […] prévoir dans sa législation que le producteur est responsable même s’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l’existence du défaut ". Cette option permettait d’alourdir la responsabilité du producteur en lui faisant supporter les risques de développement. Quasi unanimement, les pays de la Communauté européenne n’ont pas fait usage de cette option et conservent la faculté pour le producteur de s’exonérer pour de tels risques.
Le texte belge est très fidèle à celui de la directive. Selon l’article 8 lettre e de la loi du 25 février 1991, " le producteur n’est pas responsable en application de la présente loi s’il prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l’existence du défaut ". Cette solution a suscité de grandes controverses. L’administration souhaitait instaurer une responsabilité pour risques de développement. Elle s’est heurtée à la volonté politique du ministre de la justice de l’époque, Monsieur Gol, qui défendait l’exclusion des risques de développement. Cette opposition a conduit à la préparation de deux projets de loi allant dans le sens de chacun. Finalement, la solution ministérielle a été choisie. Le choix du législateur belge permettait la cohérence fonctionnelle avec les règles générales du droit belge de la responsabilité contractuelle et extracontractuelle.
Il est intéressant de noter l’évolution relative à cette question. En effet la Belgique (ainsi que la France et le Luxembourg par ailleurs) avait signé sans la ratifier la convention de Strasbourg sur la responsabilité du fait des produits défectueux qui est l’inspiration de la directive communautaire. Or la convention faisait reposer la responsabilité pour risque de développement sur les épaules du producteur. La Belgique n’a pas opté pour ce système dans sa loi de transposition.
Les Pays-Bas ont suivi assez strictement la directive communautaire. L’article 6:185 chiffre 1 lettre c du code civil néerlandais nous indique que " le producteur est responsable du dommage causé par le vice de son produit à moins que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit n’ait pas permis de déceler le vice ". Cette position est semblable à celle de la Belgique pour les mêmes raisons et n’appelle pas de commentaires supplémentaires.
La position luxembourgeoise sur les risques de développement est à l’opposé de ces deux solutions. Le Luxembourg a refusé de faire du risque de développement une cause d’exonération de responsabilité. Notons que cette solution est exceptionnelle, seule la Finlande a adopté la même position. Le refus luxembourgeois s’explique par le désir de rester en conformité avec l’état de son droit commun de la responsabilité contractuelle et extracontractuelle qui ne connaît pas une telle cause d’exonération. Le législateur ne voulait pas, par conséquent, faire régresser la protection du consommateur. En outre, " le législateur a également relevé que l’absence d’exonération pour risque de développement jouerait pour tous les produits ayant causé un dommage au Luxembourg, qu’il s’agisse de produits étrangers ou nationaux "30. La solution luxembourgeoise a entraîné la protestation des producteurs qui ont soulevé les arguments classiques que nous avons déjà traités pour justifier une exonération pour les risques de développement. Le législateur luxembourgeois n’a pas fléchi. Nous pouvons nous demander si la solution n’aurait pas été différente si la principale activité économique du grand-duché n’était pas la fourniture de services financiers.
La position française est en quelque sorte intermédiaire. Selon le 4° de l‘article 1386-11 du code civil français " le producteur est responsable de plein droit à moins qu’il ne prouve que l’état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il a mis le produit en circulation, n’a pas permis de déceler l’existence du défaut ". Le législateur français rejoint, avec ce texte, la solution adoptée aux Pays-Bas et en Belgique. Il semble que " la notion est inconnue de la tradition juridique française "31. Dans le domaine de la vente et de la garantie des vices cachés, le risque de développement n’est pas exonératoire. Le vendeur doit répondre des vices de la chose, même des vices indécelables. Le risque de développement a bien ce caractère de vice indécelable. Sur le terrain délictuel, le risque de développement pourrait exonérer le fabricant s’il a les caractéristiques de la force majeure. Celle-ci doit être irrésistible, imprévisible et extérieure. Mais en ce qui concerne l’extériorité, l’événement doit être extérieur à la chose elle-même. Or en cas de risque de développement le défaut est inhérent à la chose. Donc le risque de développement n’est pas un cas de force majeure exonératoire de responsabilité. Messieurs Testu et Moitry nuancent cette affirmation ; pour eux " on ne saurait tenir pour responsable quelqu’un qui n’avait en aucune manière les moyens d’agir autrement en accomplissant les meilleures diligences du monde ". Cependant il existe un cas où le risque de développement n’est pas inconnu du droit français. Il concerne les laboratoires pharmaceutiques. La jurisprudence leur permet de s’exonérer en cas de risque de développement. Plusieurs justifications étaient apportées notamment la complexité du produit lié à " l’état toujours relatif des connaissances scientifiques, lesquelles évoluent toujours constamment et de plus en plus vite "32. La loi française a donc instauré un mode d’exonération qui ne lui était pas totalement inconnu. Elle respecte ainsi la directive. Certains justifiant cette disposition ont soutenu que " l’argument majeur, même s’il n’est pas très noble, est que les autres pays en ont fait autant "33.
Par contre, en adoptant la possibilité d’exonérer le producteur pour risque de développement, la France a introduit une limite qui nous fait qualifier la position française d’intermédiaire par rapport à celle du Luxembourg, de la Belgique et des Pays-Bas. D’après l’article 1386-13 du code civil français, " le producteur ne peut invoquer la cause d’exonération prévue au 4° de l’article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par un élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci ". Cette disposition confirme la jurisprudence qui a été rendu en ce qui concerne les contaminations par virus du sida et qui a exclu les exonérations pour risque de développement dans ce cas. Ces affaires ont particulièrement marqué l’opinion publique française. Il n’aurait pas été envisageable de poser une règle qui marquerait un recul dans le domaine de la protection des victimes. Par contre, il est regrettable que le législateur ait retenu une définition aussi large du produit. Il aurait dû limiter la règle aux produits sanguins. L’article 1386-12 s’applique aussi aux organes utilisés pour les greffes et aux autres produits destinés à la médecine in vitro. Si le texte est suivi à la lettre, l’avenir de ces activités pourrait s’avérer compromis en raison de l’obligation qui pèse maintenant sur ces fournisseurs devenus débiteurs d’une obligation de garantie.
Section 3 : Les produits agricoles
Cette option est permise par l’article 15 chiffre 1 lettre a de la directive. Selon ce texte, " chaque État membre peut […] prévoir dans sa législation qu’au sens de l’article 1er, le terme produit désigne également des matières premières agricoles et les produits de la chasse ". Normalement les produits agricoles sont exclus du champ d’application de la directive. Nous avons vu que cela résultait de la volonté politique d’exclure un secteur sensible de l’économie. De même on pouvait chercher à tenir compte du caractère artisanal de la production ce qui justifiait la précision relative à la première transformation. Tous les pays
ne se sont pas montrés sensibles à ces considérations, aussi il a été prévu de leur ouvrir une option. Parmi les pays que nous étudions, deux ont utilisé cette possibilité, le Luxembourg et la France ; les Pays-Bas et la Belgique restant fidèles à la directive.
L’article 6:185 du code civil néerlandais définit la notion de produit. Il exclut les produits agricoles de sa définition. Au sens de cet article, un produit est " une chose mobilière […] à l’exception des produits agricoles et des produits de la chasse ". Il est ensuite précisé que les produits agricoles sont " les produits du sol, de l’élevage, et de la pêche, à l’exception des produits qui ont subi une première transformation ". Nous voyons donc que le législateur n’a rien apporté de neuf aux dispositions communautaires. La raison du maintien de l’exclusion est à rechercher dans la place prépondérante que tient l’agriculture et les activités connexes dans l’économie néerlandaise. Les Pays-Bas sont d’ailleurs le second exportateur mondial de produits agricoles après les USA.
Il est regrettable que le législateur n’ait pas apporté une précision concernant la première transformation. Nous l’avons vu cette expression manque de clarté. A ce sujet il est intéressant de considérer le texte du code civil dans sa version néerlandaise. L’expression utilisée correspondant à première transformation est : een eerste bewerking of verwerking. Littéralement cela signifie " un premier traitement ou transformation. Cet examen linguistique est intéressant car le mot bewerking désigne un traitement au sens application d’un produit chimique, mais il s’emploie aussi dans le sens d’adaptation ou manipulation. Cela donne un jour nouveau à l’expression. Ainsi l’exclusion ne porterait que sur les produits purement artisanaux, un simple traitement pesticide pourrait être qualifié de traitement, donc de transformation. De même les organismes génétiquement modifiés seraient concernés. Et toute opération visant à la conservation du produit telle la lyophilisation le ferait tomber sous le régime des dispositions nouvelles issues de la directive. Il convient donc de rester attentif aux décisions que la jurisprudence sera probablement amenée à rendre au regard de cette question.
La loi belge n’a pas apporté plus de nouveautés que son homologue néerlandaise. L’article 2 de la loi du 25 février 1991 précise que " les produits de l’agriculture, l’élevage, de la chasse et de la pêche sont cependant exclus de l’application de la présente loi, à moins qu’ils n’aient subi une première transformation ". Les premiers avant-projets avaient retenu la solution contraire. Mais le législateur n’a pas voulu braver l’opposition des agriculteurs belges. Il s’est donc limité à reproduire la solution de la directive. Il a justifié son choix par le respect de l’objectif d’harmonisation des législations européennes poursuivi par la directive. Un autre argument peu convaincant était que ces produits résultent d’une activité sujette à des aléas climatiques et autres facteurs difficilement prévisibles. Chacun sera libre d’apprécier ce dernier argument à sa juste valeur.
Pour leur part, le Luxembourg et la France ont fait le choix inverse. Tous deux utilisent l’option qui leur était ouverte et incluent les produits agricoles dans la définition du terme produit.
Seul l’article 2 de la loi du 21 avril 1989 définit le produit. Il s’agit de " tout bien mobilier, même incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble ; le terme produit désigne également l’électricité " . Nulle part ailleurs dans la loi il n’est fait mention des produits agricoles. En l’absence de distinction, il convient de considérer que les produits agricoles sont inclus dans la définition du produit. C’est la volonté du législateur Luxembourgeois. Ce dernier est resté cohérent avec l’état du droit luxembourgeois puisque celui ci ne distingue pas entre les produits, tous sont soumis aux même règles de responsabilité contractuelle et extra contractuelle. Cet argument juridique s’est imposé face aux arguments développés par les chambres professionnelles qui, comme dans les autres pays, soutenaient l’exclusion des matières agricoles.
L’article 1386-3 du code civil français est comparable à la disposition luxembourgeoise. Selon cet article " est un produit tout bien meuble, même s’il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l’élevage, de la chasse et de la pêche ". Les produits agricoles sont donc inclus dans le système français. Comme au Luxembourg, cela respecte la tradition jurisprudentielle qui ne fait pas de distinction entre les produits naturels et les produits industriels en matière de responsabilité ou de vice caché.
§2 : Les perspectives de réformes
Nous venons de présenter l’état actuel des droits nationaux se rapportant à la question des produits agricoles. Il convient de présenter aussi les réformes à venir. La crise dite de la maladie de la vache folle n’a pas plongé les instances européennes dans l’inaction. Un comité temporaire a été mis sur pied afin de trouver des solutions. Sur les conclusions de ce comité, le parlement européen a mis en chantier des projets visant à améliorer la réparation au consommateur des préjudices subis en raison de produits agricoles défectueux. A cette fin, une réforme de la directive CEE du 25 juillet 1985 a été envisagée afin d’inclure les produits agricoles dans la définition du produit, et de couvrir les dommages causés par de tels produits selon les règles de la directive. En réponse à la demande parlementaire, la commission a élaboré un projet de directive34modifiant celle qui a institué le régime de responsabilité du fait des produits défectueux.
Selon l’article premier du projet, deux articles de la directive 85/347 seraient modifiés. La rédaction de l’article 2 serait la suivante : " pour l’application de la présente directive, le terme produit désigne tout meuble, même s’il est incorporé dans un autre produit ou dans un immeuble. Le terme produit désigne également l’électricité ". Et à l’article 15, le point a) du premier paragraphe serait supprimé.
Cette nouvelle rédaction inclut donc les matières premières agricoles dans le régime communautaire de responsabilité objective. Comme nous l’avons dit, la crise dite de la vache folle a constitué le fait générateur de cette réforme. Ainsi, selon le cinquième considérant, la modification vise à réintroduire la confiance des consommateurs dans la sécurité de la production agricole, et à répondre aux exigences d’une protection des consommateurs à un niveau élevé. Les instances européennes avaient été sensibles au résultat d’une étude qu’elles avaient menée en 1997, et qui constatait que 35% des citoyens de l’Union européenne considéraient les produits alimentaires comme peu surs.
En outre, l’inclusion des produits agricoles dans le système de réparation des dommages du fait des produits avait été choisie par plusieurs pays35 . La Commission a observé que cela améliorerait le système de réparation. Par contre, cette différence entre tous les États membres révélait une absence d’uniformité alors que la directive 85/374 poursuivait un but d’harmonisation. La proposition de directive vise à remédier à ce problème. Une dernière motivation qui a présidé à la réécriture du texte de 1985 est constituée par l’embarras que pose l’interprétation du terme première transformation. La modification proposée supprime la difficulté.
Voilà l’état de la réforme envisagée.
Il y a peu de doutes pour que celle-ci échoue. Par conséquent,
les Pays-Bas et la Belgique qui n’ont pas inclus les matières premières
agricoles dans la définition du produit dont le défaut ouvre
droit à réparation sur le fondement du nouveau régime
de responsabilité, devront modifier leur loi. Les dispositions françaises
et luxembourgeoises sont d’ores et déjà conformes au projet
de réforme. Il est intéressant de noter la parfaite ressemblance
de l’article 2(1) de la loi luxembourgeoise du 21 avril 1989 avec la nouvelle
rédaction proposée de l’article 2 de la directive.
Chapitre
2 : Les renvois de la directive aux droits nationaux
La directive du 25 juillet 1985 est un système très complet instituant un régime de responsabilité. Ce domaine du droit est souvent en connexion avec d’autres sujets. Le texte communautaire s’est contenté de poser des règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux. Pour les autres points se rapportant à ce sujet il a été choisi de renvoyer aux droits nationaux. Ainsi ce système est une source de divergence entre les textes de transposition de la directive. Cette dernière opère des renvois en ce qui concerne le recours entre co-responsables, pour la réparation des dommages immatériels, et pour les questions d’interruption et de suspension des délais.
Section 1 : Les recours entre co-responsables
L’article 5 de la directive du 25 juillet 1985 traite de cette question. Il pose le principe que " si plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours ". C’est donc au droit national de résoudre la question du droit de recours des responsables. Les lois de transposition peuvent prendre en charge cette question. La loi luxembourgeoise traite de la question à l’article 6 : " si, en application de la présente loi, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire ". La disposition néerlandaise est sensiblement identique. Selon l’article 6:189 du code civil néerlandais " si plusieurs personnes sont responsables du même dommage, chacune d’elle est responsable pour le tout ". De même en Belgique, l’article 9 de la loi du 25 février 1991 prévoit que " lorsque plusieurs personnes sont, en application de la présente loi, responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des droits de recours ". Enfin le code civil français se détache des dispositions légales des autres pays. L’hypothèse de la pluralité de responsable n’est pas envisagée en tant que telle comme le font les autres droits. Elle est rattachée en France au cas de l’incorporation du produit défectueux dans un produit fini. Mais il ne faut pas douter que cette différence n’est que la traduction de l’article 5 de la directive communautaire. Ainsi selon l’article 1386-8 du code civil français, " en cas de dommage causé par le défaut d’un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l’incorporation sont solidairement responsables ".
Nous voyons donc qu’aucunes des lois de transposition ne règlent la détermination de la contribution de chaque co-responsable. La question doit être tranchée par le droit commun de chaque État.
Aux Pays-Bas lorsque deux personnes sont responsables d’un même dommage, elles sont solidairement obligées de réparer ce dommage. C’est ce qui découle de l’article 6:102 du code civil néerlandais36. Par exemple dans le domaine de la responsabilité contractuelle pour dommage à une chose, lorsque deux débiteurs sont obligés à la garde de la chose (qui doit être restituée sans avoir subi de dégradations), celui qui a payé pour l’entier dommage a un recours contre l’autre débiteur. La répartition du dommage se fait selon les règles de l’article 6:101 du code civil néerlandais. C’est cette disposition qui permettra de fixer la contribution de chaque co-responsable dans le cas d’un dommage subi du fait d’un produit défectueux. L’article 6:101 à l’origine concerne le cas où la victime a joué un rôle causal dans la réalisation de son dommage. Lorsque des circonstances peuvent être imputées à la victime et qu’elles ont contribué au dommage, l’obligation de réparation est diminuée en répartissant le dommage entre la victime et la personne qui a l’obligation de le réparer. La répartition se fait selon le degré de circonstances imputables à chacun dans la réalisation du dommage. L‘obligation à réparation peut être maintenue intégralement ou totalement supprimée si l’équité l’exige en raison de la différence de gravité des fautes commises ou d’autres circonstances de l’espèce. La règle principale de cette disposition consiste en une répartition selon la causalité et non selon la faute. Si le second critère était retenu, il manquerait d’efficacité dans les cas de responsabilité basée sur le risque. Dans le cadre de l’article 6:101 la victime est obligée de prendre toutes les mesures possibles (dans la limite du raisonnable) afin de réduire le dommage. Si elle manque à cette obligation, la victime verra le dommage causé par sa négligence déduit du montant que lui devrait le débiteur. Ces règles sont appliquées mutatis mutandis pour régler la répartition du dommage entre co-responsables.
En Belgique, au Luxembourg et en France, la personne qui est tenue avec d’autres et qui a indemnisé la victime du dommage dispose d’un recours contre les autres co-responsables. Ce recours est de nature subrogatoire selon l’article 1251-3° du code civil qui est commun aux trois pays. En Belgique et au Luxembourg la fixation de la part de chaque responsable se fait en fonction de l’influence de sa faute dans la réalisation du dommage. En France la jurisprudence ne semble pas encore fermement établie, mais il semble que la répartition se fasse " dans la mesure des responsabilités ou, à défaut de précisions par parts viriles, donc de manière purement objective, s’il s’agit de responsabilité de plein droit "37.
La solution néerlandaise, se basant sur l’influence causale et non sur la faute, semble la mieux adaptée au régime de la directive qui pose un système indépendant de la faute. Elle est rejointe en cela par le système français.
Section 2 : Les dommages immatériels
L‘article 9 de la directive traite du dommage réparable. Son alinéa 2 règle le cas des dommages immatériels en précisant que " le présent article ne porte pas préjudice aux dispositions nationales relatives aux dommages immatériels ". Les opinions ont divergé sur la portée à donner à cette disposition. Selon certains l’article prévoit une exclusion des dommages immatériels. Ceux-ci ne seraient pas réparables sur le fondement de la responsabilité instaurée par la directive communautaire et par conséquent la victime devrait baser son action en réparation du dommage immatériel sur le droit commun. Pour d’autres, les règles de la directive détermineraient si le producteur est ou non responsable. Ensuite il appartiendrait à chaque État membre de déterminer si cette responsabilité ouvre droit à l’indemnisation du dommage moral et comment cette indemnisation doit être réalisée.
Les États membres avaient la possibilité, soit de s’en remettre à leurs droits nationaux, soit de profiter de la loi de transposition qu’ils allaient prendre pour régler les dommages immatériels dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux.
La Belgique, la France, et le Luxembourg ont utilisé ce second système. L’article 11 de la loi belge du 25 février 1991 dispose que " l’indemnisation qui peut être obtenue en application de la présente loi couvre les dommages causés aux personnes, y compris les dommages moraux " . Cette disposition soulève une interrogation. Elle utilise le terme de dommage moral autrement connu sous l’appellation de pretium doloris. Or les dommages immatériels ne se limitent pas aux dommages moraux uniquement. Les auteurs belges qui ont commenté la décision ne font aucune référence à ce problème. En droit belge le dommage est défini comme tout désavantage causé à la personne. Il peut concerner la propriété de cette personne qu’elle soit réelle ou personnelle. Le dommage est généralement pécuniaire. Mais " la jurisprudence reconnaît des dommages moraux incluant une très large gamme de pertes non pécuniaires "38. Le terme dommage moral est donc un terme général correspondant aux dommages immatériels.
En France l’article 1386-2 du code civil retient que " les dispositions du présent titre s’appliquent à la réparation du dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui même ". A la différence de la Belgique, le texte ne parle pas explicitement des dommages moraux. Il se contente de l’expression " dommage qui résulte d’une atteinte à la personne ". Aucune distinction n’est donc faite entre le dommage patrimonial et le dommage immatériel. En l’absence de distinction ou d’exclusion, ce texte doit être compris comme incluant les dommages moraux dans le système issu de la directive. Par conséquent, seront intégralement réparés sur la base du nouveau régime de responsabilité les dommages pécuniaires causés à la personne, le dommage moral, et le préjudice constitué par la disparition d’un proche. Nous pouvons nous interroger sur la portée du texte au regard de ce dernier préjudice. Les termes employés sont suffisamment larges pour inclure ce cas dit des victimes par ricochet39. En outre, la Cour de cassation, dans son arrêt du 28 avril 199840rendu à la lumière de la directive CEE du 25 juillet 1985, a reconnu que " tout producteur est responsable des dommages causés par un défaut de son produit, tant à l’égard des victimes immédiates que des victimes par ricochet ". Avec cette jurisprudence, il ne fait aucun doute que l’indemnisation du préjudice moral des victimes par ricochet se fera sur le fondement du nouveau régime de responsabilité issu de la directive.
Au Luxembourg, la loi du 21 avril 1989, à l’instar de la loi française, ne mentionne pas le dommage immatériel. L’article 2 de cette loi définit le dommage comme " tout dommage à l’exclusion " des dommages nucléaires, des dommages causés au produit défectueux, et des dommages causés aux biens professionnels ou utilisés dans le cadre d’une activité professionnelle. Nous constatons que les dommages immatériels ne sont pas exclus de cette liste. Par conséquent ils font partie des dommages couverts par la loi de transposition de la directive.
Aux Pays-Bas la situation est différente. Le dommage immatériel n’est pas mentionné dans les textes non plus. Mais à l’inverse du Luxembourg où le dommage est défini négativement, l’article 6:190 du code civil néerlandais lui donne une définition positive. Ainsi, " la responsabilité visée à l’article 185, est engagée pour les dommages résultant de la mort ou de lésions corporelles " et pour " le dommage causé par le produit à une autre chose ". Cette définition ne permet pas d’inclure le dommage immatériel dans le système néerlandais issu de la directive. Les Pays-Bas ont une position très restrictive quant à l’indemnisation du dommage moral. Ces dommages peuvent être indemnisés comme les dommages patrimoniaux mais, selon l’article 6:9541 du code civil néerlandais, en fonction de l’étendu permise par la loi. L’article 6:101 règle la question du dommage moral : " celui qui subit un préjudice autre que patrimonial a droit à une réparation déterminée suivant l’équité : - si la personne responsable avait l’intention de causer un tel préjudice ;
- si la victime a subi une lésion corporelle, a été atteinte dans son honneur ou sa réputation ou, d’une manière autre, dans sa personne ;Au passage, nous pouvons remarquer au travers de cette disposition très détaillée une influence certaine du style du BGB42 allemand. Parmi les possibilités offertes par le code civil néerlandais, la seconde énoncée est la plus importante. L’ancien code civil néerlandais ne contenait pas de dispositions relatives au dommage immatériel. La jurisprudence du Hoge Raad a admis suite à un arrêt de 194343la réparation du préjudice moral subi en raison de lésions physiques. La décision puisait son inspiration dans l’histoire juridique et dans les solutions dégagées dans les pays voisins. Ce principe était restreint aux réparations réclamées dans le cadre de la responsabilité délictuelle. L’article 6:106 est applicable aussi bien à la responsabilité contractuelle que délictuelle.
- si le préjudice consiste en l’atteinte à la mémoire d’un défunt et a été causé à l’époux non séparé de corps ou à un parent jusqu’au deuxième degré du défunt, pourvu que l’atteinte soit portée d’une manière, qui, du vivant du défunt, lui aurait donné droit à réparation pour atteinte à son honneur ou sa réputation " .
La notion de victime par ricochet est connue et admise par le droit civil néerlandais. Lorsqu’un acte a causé la mort d’une personne les tiers ont un droit à compensation, lui aussi sujet à restriction. Le code civil néerlandais règle la question avec son article 6:108. Il ouvre un droit à réparation à quatre types de personnes. Tout d’abord nous trouvons le conjoint non séparé de corps et les enfants mineurs légitimes ou illégitimes du défunt, au moins jusqu’à concurrence du montant des aliments qui leurs sont accordés par la loi. Puis vient le cas des autres parents et alliés du défunt, si, au moment de son décès, il pourvoyait déjà en tout ou en partie à leur entretien ou s’il y était tenu par une décision judiciaire. En outre une réparation est possible pour ceux qui, avant l’événement qui fonde la responsabilité, habitaient en famille avec le défunt et à l’entretien desquels il pourvoyait en tout ou en grande partie, dans la mesure où il est vraisemblable que, sans le décès, cette situation se serait poursuivie et qu’ils ne peuvent de manière adéquate pourvoir à leur entretien. Enfin le dernier cas ouvrant droit à réparation est celui de la personne qui habitait en famille avec le défunt et à l’entretien duquel contribuait ce dernier en s’occupant du ménage commun, dans la mesure où elle subit un dommage du fait qu’après le décès la bonne marche du ménage doit être assurée d’une autre façon.
Ces énumérations issues de l’article 6:108 sont limitatives. En outre une restriction existe concernant la nature du préjudice subi. Seule la perte d’aliments est réparable, et à la condition que le demandeur à réparation les recevaient du vivant du défunt. Il n’y a aucune réparation ouverte pour les autres dommages subi par les victimes par ricochets tels les frais de notaire ou les frais funéraires par exemple. Les personnes visées à l’article 6:108 ne sont pas autorisées à demander réparation du dommage moral éprouvé par la perte du proche.
Enfin, la personne actionnée en réparation peut faire valoir contre le demandeur les mêmes moyens de défense qu’il aurait pu opposer au défunt.
Donc la France, le Luxembourg et la Belgique, malgré des dispositions textuelles différentes, ont institué une unité entre le dommage matériel et le dommage immatériel. Ces deux types de dommage sont réparables de la même façon et sur le même fondement. Ainsi le dommage immatériel sera entièrement réparé même en l’absence de faute du défendeur. Cette solution est favorable au consommateur victime. Il pourra obtenir une totale réparation de ses préjudices sans avoir à intenter plusieurs actions sur des fondements différents. Ce n’est pas le cas du consommateur néerlandais qui ne peut obtenir réparation que de ses préjudices matériels sur le fondement de la loi de transposition de la directive. Les dommages immatériels devront être réparés selon le droit commun néerlandais, avec peu d’espoir au vu des restrictions que nous venons d’exposer.
Section 3 : L’interruption et la suspension des poursuites
L’article 10 de la directive du 25 juillet 1985 pose les principes de la prescription des actions. Il ne règle pas le cas de l’interruption de la prescription. Selon l’alinéa 2, " les dispositions des États membres réglementant la suspension ou l’interruption de la prescription ne sont pas affectées par la présente directive ". Le texte communautaire opère donc un renvoi aux droits nationaux.
Comme pour les dommages immatériels, les lois nationales de transposition pouvaient prévoir des dispositions qui régleraient la suspension et l’interruption des poursuites. Aucunes des législations que nous étudions ne contiennent de telles dispositions, il faut donc consulter les droits nationaux.
Les quatres pays concernés connaissent la même définition pour le terme interruption. Il y a interruption lorsqu’un événement arrête la prescription. Si celle-ci reprend, le temps écoulé avant l’interruption n’est pas pris en compte, le délai total de prescription est à nouveau ouvert. Dans le cas de suspension, le cours du délai de prescription reprend à partir du point où il était arrivé lorsque l’événement qui a conduit à la suspension est intervenu. La suspension n’est pas envisagée par le droit néerlandais.
En France, en Belgique, et au Luxembourg, les textes posant les règles en matière de prescription sont rigoureusement identiques. Ce sont les articles 2242 à 2250 du code civil pour l’interruption. Les articles 3:116 et suivant du code civil néerlandais contiennent les dispositions relatives à la prescription. Le principal événement qui interrompt la prescription est l’utilisation par le créancier de son droit contre le débiteur (en l’espèce ce sera l’action en réparation du consommateur contre le producteur et les personnes assimilées). L’article 2244 du code civil français, exactement repris en Belgique et au Luxembourg, énumère les actes permettant l’interruption par cette action en justice44. L’article 3:316 alinéa 1er du code civil néerlandais pose une solution similaire : " la prescription d’une action est interrompue par l’intention d’une action en justice par le titulaire, ainsi que pour tout autre recours en justice qu’il exerce dans la forme requise ". Contrairement aux textes francophones, l’article 3:316 alinéa 1er n’énumère pas les actes nécessaires à l’interruption mais il y fait référence en précisant que doit être respectée la forme requise. L’article 2247 du code civil français prévoit les cas où l’interruption doit être considérée comme non avenue, et notamment dans le cas où la demande en justice est rejetée. L’article 3:316 alinéa 2 du code civil néerlandais pose un principe semblable car lorsque l’action n’est pas accueillie, la prescription est interrompue seulement si, dans les six mois après que le litige a pris fin par un jugement qui a force de chose jugée, une nouvelle action est intentée, qui elle, est victorieuse. Lorsqu’un recours en justice est abandonné, il n’interrompt pas la prescription.
La reconnaissance de dette est interruptrice de prescription en France comme en Belgique et au Luxembourg d’après l’article 2248 du code civil. Il en va de même aux Pays-Bas avec l’article 3:318 du code civil disposant que " la reconnaissance des autres droit que sert à protéger une action interrompt la prescription à l’égard de l’auteur de la reconnaissance " . En reconnaissant sa dette le débiteur est censé renoncer à la prescription.
Aux Pays-Bas le code civil a instauré des cas supplémentaires. Selon l’article 3:317, la prescription de l’action en l’exécution d’une obligation est interrompue par une sommation écrite ou par une communication écrite dans laquelle le créancier se réserve sans équivoque son droit à l’exécution. La prescription des autres actions est interrompue par une sommation écrite à la condition qu’elle soit suivie dans les six mois par un acte d’interruption conforme aux dispositions de l’article 3:316.
Quant à la suspension en Belgique, au Luxembourg et en France, les articles 2251 et suivant du code civil règlent la question. Ils donnent des cas légaux de suspension. Ainsi la prescription est suspendue au bénéfice des incapables, des mineurs non émancipés et des majeurs sous tutelle ; et de l’héritier acceptant sous bénéfice d’inventaire qui est aussi créancier de la succession. Elle est aussi suspendue entre époux.
Chapitre 3 : Les particularités nationales
Nous avons déjà dit que le propre d’une directive est d’imposer une obligation de résultat aux États membres destinataires. Par contre ceux-ci ne sont pas liés quant aux moyens à utiliser pour transposer le texte communautaire. Les législateurs nationaux disposent donc d’une marge de liberté. Ils peuvent l’utiliser pour ajouter ou modifier des dispositions de la directive. En ce qui concerne le texte sur la responsabilité du fait des produits défectueux, certains États membres ont profité de cette liberté pour apporter quelques spécificités nationales que nous allons étudier à présent. Plutôt que de se livrer à un examen par pays, nous avons tenté de regrouper ces particularités par thèmes dans la mesure du possible. Ainsi nous verrons la notion de mise en circulation, puis la franchise de 500 Ecus, et enfin les spécificités strictement nationales.
Section 1 : La notion de mise en circulation
La mise en circulation est une notion capitale de la directive. Nous pourrions presque dire qu’elle est la notion capitale du système car beaucoup de mécanismes dépendent d’elle. Elle constitue le point de départ des délais de prescription. C’est au moment de la mise en circulation que s’apprécie l’état des connaissances scientifiques et techniques permettant au producteur de s’exonérer pour risques de développement ; de même que l’absence de défaut n’exonère le producteur que si elle est constatée postérieurement à la mise en circulation. C’est encore au regard de la mise en circulation que le produit est qualifié de défectueux ou non. Or, nous avons dû déplorer l’absence de définition de cette notion dans le texte de la directive. Certains États conscients de cette faiblesse ont profité de la transposition pour tenter d’améliorer les choses.
La Belgique a donné une définition de la mise en circulation dans sa loi du 25 février 1991. La France a fait la même chose avec l’article 1386-5 de son code civil.
L’article 6 de la loi du 25 février 1991 nous apprend que la mise en circulation est " le premier acte matérialisant l’intention du producteur de donner au produit l’affectation à laquelle il le destine par transfert à un tiers ou utilisation au profit de celui-ci ". L’effort du législateur belge est louable, la définition a le mérite d’exister, mais elle manque de clarté. Le texte français dispose " qu’un produit est mis en circulation lorsque le producteur s’en est dessaisi volontairement. Un produit ne fait l’objet que d’une seule mise en circulation ". Dans les deux cas, l’expression de mise sur le marché ou de commercialisation n’a pas été retenue. Les deux dispositions sont plus larges. En outre la mise en circulation n’est pas fondée sur un transfert de propriété, mais sur la détention de la chose. Par contre, une difficulté est suscitée par la disposition belge qui semble prendre en compte le fait que le produit puisse être transféré à plusieurs personnes, chacune considérée comme un producteur par la directive comme dans le cas d’un produit constitué de parties composantes. Il est certain que l’hypothèse du vol n’entraîne pas une mise en circulation du produit ni par conséquent la responsabilité du producteur en cas de dommage. Mais face aux autres cas possibles la disposition est plus obscure. Tout repose sur la notion d’affectation du produit. Nous pensons que la disposition assimile la mise en circulation à la commercialisation, et que le transfert à un tiers correspond au transfert du produit au consommateur. Mais les termes employés ne permettent aucunes certitudes, de même que les critiques doctrinales relatives à cette définition.
L’article 1386-5 du code civil français échappe à ces critiques en prévoyant qu’un produit ne peut faire l’objet que d’une seule mise en circulation. Cela prend en considération la transmission du produit entre les différents intervenants dans la chaîne de production et évite que les délais ne commencent à courir après que chacun d’eux ait remis le produit à l’autre. Cette conception unitaire permet de considérer que la mise en circulation d’un produit constitué de plusieurs éléments correspond à la vente du produit fini composé au consommateur. Cette précision modifie le sens du mot producteur dans l’article 1386-5 du code civil, ce n’est pas ici les personnes assimilées, mais le producteur du produit fini. Si toutefois celui-ci n’est pas identifiable cependant, on retourne au système classique et seront considérés comme producteur les personnes assimilées (c’est à dire l’importateur du produit dans la Communauté européenne ou la personne qui a apposé sa marque).
Section 2 : La franchise de 500 Écus
Dans son article 9, la directive prévoit que les dommages aux biens ne seront indemnisés que sous déduction d’une franchise de 500 Ecus45. Cette disposition sujette à interprétation a fait couler beaucoup d’encre en raison de l’expression anglaise correspondante46qui fait plutôt référence à un seuil. Ainsi il est possible de considérer que le but est d’éliminer les petits litiges du champ d’application de la convention, et seuls les dommages aux biens supérieurs à 500 Ecus seront indemnisables sur le fondement du nouveau régime de responsabilité. La seconde opinion ajoute que les 500 Ecus devront être déduits des dommages que le producteur devra réparer, la victime les supportant ou alors devant intenter une action basée sur le droit commun de la responsabilité pour obtenir réparation du préjudice de 500 Ecus. Devant les hésitations créées par le texte de la directive, il convient de voir comment les lois de transposition ont traité la difficulté.
La solution française a le mérite de la clarté et de la simplicité : la France n’a tout simplement pas intégré la franchise limitant l’indemnisation du dommage causé aux biens. Les dommages aux biens pourront donc être réparés en intégralité sur le fondement des nouvelles dispositions, ce qui est très favorable au consommateur. Nous pouvons nous demander si cette déviation du texte communautaire ne va pas entraîner une réaction des institutions européennes pour manquement de l’État à son obligation de transposition ? Le texte français, même s’il ne reprend pas un élément de la directive, accroît la protection du consommateur et remplit les objectifs posés par le premier considérant. Aussi nous ne pensons pas que la France puisse être pénalisée pour son texte.
Quant à la Belgique, l’article 11 de la loi du 25 février 1991 nous informe que " l’indemnisation des dommages causés aux biens n’est due que sous déduction d’une franchise de 22 500 francs " . La formule n’est pas plus limpide que celle utilisée par la directive. La doctrine belge s’est interrogé sur le sens à retenir. Parmi les deux interprétations possibles, il semble que le législateur belge ait introduit une franchise autorisant la réparation que sous déduction de 22.500 francs du montant total des dommages et intérêts47.
Au Luxembourg la situation est strictement identique. La loi ne donne pas de précisions. Son article 2 dispose que " les dommages causés aux choses ne sont réparés que sous déduction d’un montant de 500 Ecus à convertir en francs luxembourgeois au cours du jour de la survenance du dommage ". L’interrogation suscitée par ce texte est la même qu’en Belgique et la réponse est aussi identique. Selon A.Colomer " dans l’hypothèse où son dommage est inférieur au montant de 500 Ecus ou si elle veut récupérer cette franchise, la victime devra pour ce montant agir sur la base des règles de droit commun de la responsabilité "48.
Aux Pays-Bas la formule de l’article 6:190 alinéa premier du code civil néerlandais49est semblable. Ce texte utilise la formule sous déduction d’une franchise de 1263,85 florins. La même interrogation se pose sur le sens à donner à cette expression. A ce sujet nous ne suivrons pas l’opinion de Catherine Weniger50qui soutient qu’un dommage supérieur à la somme indiquée est entièrement recouvrable. Nous soulèverons un premier argument de texte. L’expression néerlandaise utilisée est met toepassing van een franchise ten belope van Fl 1263,85 dont la traduction littérale nous donne " avec déduction d’une franchise s’élevant à 1263,85 florins ". Le mot franchise utilisé a le même sens qu’en français. Surtout, la traduction anglaise ne reprend pas le mot threshold source d’incertitude, mais le mot franchise ayant aussi le même sens qu’en français. Le second argument est doctrinal. Les auteurs néerlandais51comprennent la disposition comme ne permettant pas, dans le cas d’un dommage aux biens, une réparation complète du préjudice ; le montant de 1263,85 florins restant à la charge de la victime. Si cette dernière souhaite recouvrer cette somme, elle devra agir sur la base du droit commun, en l’occurrence l’article 7:24 du code civil néerlandais.
Section 3 : Les spécificités strictement nationales
Sous ce titre nous allons traiter de dispositions qui n’apparaissent que dans un seul droit national. Nous en trouvons en France qui a institué un système de suivi des produits et en Belgique qui connaît une disposition spéciale interdisant dans un cas spécifique le cumul d’indemnités.
L’article 14 de la loi de transposition semble exclure les bénéficiaires d’un régime de sécurité sociale ou de réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles. Selon ce texte, même pour un dommage couvert par la loi du 25 février 1991, les victimes continuent à percevoir les indemnités prévues par le régime en cause. Mais si le régime de droit social ouvre aux victimes une action de droit commun, et à la condition que leur préjudice ne soit pas intégralement réparé, alors elles pourront demander la réparation de leur préjudice contre le producteur en bénéficiant des règles de la loi du 25 février 1991.
Ce système semble contraire à la directive, spécialement en raison de la condition posée. Toutefois cette question ne se rapporte qu’aux dommages causés à un travailleur par un produit mis en circulation ce qui ne concerne pas tous les dommages causés par un produit de l’employeur fabricant. La disposition ne devrait donc que rarement jouer. Cependant, " il aurait été plus sage d’indiquer le principe de l’interdiction de tout cumul d’indemnités "52 . Précisons enfin, que la seule justification de ce texte est la préservation de la Sécurité sociale belge.
La place de ce développement pourrait être considérée comme une entorse au plan. En effet la disposition que nous allons traiter se rapporte aux risques de développement que nous avons déjà étudiés, mais pas uniquement. En outre, comme il nous apparaît souhaitable d’étendre la mesure en question, nous préférons la traiter à part comme une spécificité française.
La particularité française qui mérite d’être soulevée est l’instauration, à la charge du fabricant, d’une obligation de suivi du produit. Elle est prévue par le second alinéa de l’article 1386-12. D’après ce texte, " le producteur ne peut invoquer les causes d’exonérations prévues aux 4° et 5° de l’article 1386-1153 si, en présence d’un défaut qui s’est révélé dans le délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n’a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables ".
Cette obligation est d’inspiration allemande. L’Allemagne s’est dotée d’une loi spéciale sur le droit des médicaments54. Cette loi prévoit des cas de responsabilité du fait des médicaments. Notamment elle oblige le producteur à un suivi du produit ; celui-ci doit tenir compte de toutes les découvertes scientifiques relatives à son produit qui en améliorerait la sécurité. Si un dommage est causé par un défaut de son médicament alors que les informations permettant de l’éviter étaient disponibles, le producteur ne pourra pas s’exonérer de sa responsabilité.
Cette obligation fait partie du dispositif de protection des consommateurs mis en place par la directive CEE du 29 juillet 1992 relative à la sécurité générale des produits. La France a consacré une obligation semblable dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux. Pendant dix ans, qui est le délai de péremption de la responsabilité nouvelle imposée au producteur, ce dernier est obligé de prendre toutes les mesures utiles pour prévenir les conséquences dommageables en présence d’un défaut de son produit. Parmi ces mesures utiles, nous pensons à celles destinées à prévenir le défaut. Le producteur doit tenir à jour l’état des connaissances techniques et scientifiques applicables à son produit et qui en amélioreraient la sécurité. Ce sont des mesures de prévention du défaut. En outre, si le défaut vient à naître, il incombe au producteur de prévenir tout dommage. Dans ce cas les mesures utiles pourront être une mise en garde à destination du grand public, un rappel du produit pour révision (pratique déjà utilisée par l’industrie automobile), ou en dernier ressort, le retrait du marché.
Cette obligation est étroitement liée à
la question des risques de développement. Elle alourdit encore la
responsabilité du producteur en posant une condition supplémentaire
à l’utilisation du moyen de défense précité.
Mais c’est aussi une mesure de bon sens améliorant la sécurité
du consommateur, même si les conséquences peuvent être
néfastes pour l’image de marque du producteur comme l’ont montrées
en France les retraits du marché de certains produits fromagers.
Il serait souhaitable à notre avis que cette obligation soit généralisée
à l’ensemble du système de responsabilité au lieu
d’être limitée aux cas de risques de développement
et au respect de normes publiques impératives.
Deuxième partie : Le droit commun de la responsabilité du fait des produits
Nous avons vu que la directive se superpose au régime
de droit commun. Celui-ci peut être choisi par la victime afin d’obtenir
la réparation de son préjudice. Elle devra choisir entre
les règles de la responsabilité délictuelle ou celles
de la responsabilité contractuelle. Le droit français connaît
le principe du non-cumul de responsabilité. En vertu de ce principe,
lorsqu’une faute est commise dans l’exécution d’une obligation contractuelle,
seules les règles de la responsabilité contractuelle s’appliquent.
Ainsi l’acheteur victime d’un produit défectueux ne pourra agir
que sur la base de son contrat. Seul le tiers victime du même produit
pourra agir en responsabilité délictuelle. Les Pays-Bas ne
connaissent pas ce principe. La victime néerlandaise aura donc une
véritable option entre les systèmes que nous allons étudier.
Titre 1 : La responsabilité contractuelle en droit néerlandais : les droits issus de la vente
Avant de commencer l’étude de la vente en droit néerlandais, il convient de donner quelques définitions.
D’après l’article 6:1 du code civil néerlandais, les obligations ne peuvent naître que si cela résulte de la loi. Le terme obligation est une expression générale utilisée dans le livre six du code civil, et s’applique entre autres aux contrats, aux faits juridiques délictueux, et à l’enrichissement sans cause. Le contrat est un acte juridique multilatéral par lequel une ou plusieurs parties s’obligent envers une ou plusieurs autres. Les règles générales relatives au contrat sont comprises dans le livre six, celles se rapportant à la vente sont au livre sept comme nous l’avons dit. Nous allons étudier le droit de la vente en commençant par présenter ses principales caractéristiques, puis les obligations des parties au contrat de vente ainsi que la sanction de leurs obligations.
Chapitre 1 : Les caractéristiques principales de la vente
Section 1 : La vente contrat consensuel
Le droit néerlandais de la vente est construit autour du principe romain de emption-venditio, c’est à dire qu’un contrat consensuel crée pour les parties l’obligation de transférer la possession (et en pratique la propriété) d’une chose contre le paiement du prix fixé. Nous le voyons, le contrat et le transfert de propriété ne sont pas la même chose. Ce système est très semblable de celui qui existe en Allemagne. Par contre, il est très différent du droit français de la vente où le contrat affecte en lui-même le transfert de propriété puisqu’il suffit à lui seul à réaliser ce transfert. C’est ce qui découle de l’article 1583 du code civil français selon lequel la vente " est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l’acheteur à l’égard du vendeur, dès qu’on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n’ait pas encore été livrée ni le prix payé ". Cet article est identique en Belgique et au Luxembourg. En droit néerlandais, le principe qui a été exposé emporte pour conséquence qu’il n’est pas exigé que le vendeur soit propriétaire de la chose vendue. Il peut acquérir la propriété par la suite ou amener un tiers à réaliser le transfert ; ce tiers étant le propriétaire de la chose vendue.
Le droit français prohibe la vente de la chose d’autrui. C’est un corollaire du transfert immédiat de la propriété. Selon l’article 1599 du code civil français55, elle est sanctionnée par la nullité. Toutefois la pratique tend à s’écarter de la théorie des textes. Lorsqu’une personne commande une marchandise à un commerçant qui lui-même la commande à son fournisseur, il y a vente de la chose d’autrui à la stricte lumière des textes.
Si le vendeur est incapable de remplir son obligation par le fait qu’il ne soit pas propriétaire, le vendeur est autoriser à utiliser les règles sur la responsabilité contractuelle.
L’article 7:1 du code civil néerlandais définit la vente comme un contrat par lequel une partie s’oblige à donner une chose, et l’autre à payer un prix en argent. Donner une chose signifie dans ce cas de figure transférer la propriété et délivrer la chose. Nous le voyons, la vente est donc consensuelle et le contrat revêt un caractère obligatoire. Ce contrat est qualifié de synallagmatique56.
L’objet du contrat de vente doit exister ou venir à exister dans le futur. Cette solution est la même en France. Elle provient de l’article 1130 alinéa 1 du code civil qui dispose que " les choses futures peuvent être l’objet d’une obligation ". Par conséquent les choses futures peuvent faire l’objet d’une vente. L’objet du contrat doit être déterminé ou déterminable.
Sous l’empire du code de 1838, la distinction entre les choses certaines et déterminées, d’une part et les choses de genre d’autre part était cruciale parce que la distinction emportait une différence de régime. Par exemple il y a avait une différence dans la détermination du moment auquel les risques de la chose étaient transférés à l’acheteur. La distinction a très nettement perdu de son intérêt avec le nouveau code civil néerlandais dont les dispositions sur la vente sont applicables quasi identiquement aux choses de genre et aux corps certains.
Le prix est aussi un élément important du contrat de vente. L’ancien code civil néerlandais suivait le code civil français en disposant qu’en l’absence de prix déterminé expressément ou tacitement il n’y a pas vente. Le nouveau code civil néerlandais n’a pas repris cette règle. Selon lui, si un prix n’a pas été déterminé entre les parties au contrat de vente, la vente reste valable ; l’acheteur devra alors payer un prix raisonnable. Le prix déterminé sera celui que le vendeur aura stipulé au moment où il s’est engagé.
Section 4 : La consumentenkoop
Le code civil néerlandais contient des dispositions relatives à la consumentenkoop57. Ces dispositions sont impératives et ont pour but de renforcer la position du consommateur. Elles ont été jugées nécessaires pour compléter le dispositif relatif aux produits défectueux, aux conditions générales et à la publicité mensongère58.
La consumentenkoop est la vente d’un bien meuble conclue par un vendeur agissant dans le cours normal de ses affaires ou de son commerce, et l’acheteur est une personne physique qui n’agit pas dans le cadre de ses affaires ou de son commerce. L’expression " les affaires ou le commerce " fait référence à l’activité commerciale. Ces dispositions ne sont cependant pas applicables aux contrats relatifs aux biens enregistrés59 ; ni aux contrats de fourniture d’eau et de gaz par pipeline.
La particularité de la consumentenkoop est de n’autoriser aucune dérogation aux dispositions du droit de la vente qui seraient faites au détriment de l’acheteur. En outre, il ne peut y avoir aucunes limitations ou exclusions aux droits et actions que la loi apporte à l’acheteur pour remédier à la défaillance du vendeur qui n’exécuterait pas ses obligations. Parmi ces droits et actions sont particulièrement concernés ceux relatifs à la responsabilité contractuelle, aux dommages, et à la résiliation. Les limitations peuvent ne pas toucher les droits et actions en eux même, mais conduire à un résultat similaire. Ce serait le cas d’une stipulation qui modifie la charge de la preuve au détriment de l’acheteur. Ces dispositions ne sont pas applicables aux articles relatifs aux risques, aux frais de la vente, au paiement du prix ou à sa modification. Par contre des conditions générales qui dérogeraient aux dites dispositions en défaveur de l’acheteur sont sujettes à annulation.
La consumentenkoop connaît une dernière règle originale applicable à toutes ventes. Elle concerne l’envoi de marchandises à une personne sans que celle ci en ait fait la demande préalablement. Cette personne peut raisonnablement penser que l’envoi a pour but de lui faire commander d’autres produits similaires. En l’absence de notification par l’expéditeur informant le destinataire que l’envoi poursuit un autre but ; le destinataire est autoriser à conserver la chose à moins que l’on puisse prouver contre lui que l’envoi a eu lieu. Si le destinataire retourne la chose, les frais seront supportés par l’expéditeur.
Chapitre 2 : Les obligations du vendeur
Le vendeur est obligé de transférer la propriété de la chose vendue. Il doit délivrer la chose qui doit être conforme au contrat.
Section 1 : Le transfert de propriété
L’obligation de transférer la propriété est obligatoire. Sinon il n’y aurait pas vente, le propre de ce contrat en droit néerlandais comme en droit français est d’être translatif de propriété. Le vendeur doit entreprendre tous les actes nécessaires à la réalisation du transfert de propriété. Il doit exécuter son obligation lorsque l’acheteur est effectivement devenu propriétaire. Comme nous l’avons vu, le transfert de propriété peut ne pas se faire du vendeur vers l’acheteur. Il peut être réalisé par transfert de propriété de la part d’un tiers directement au profit de l’acheteur.
L’obligation de transférer la propriété peut constituer une obligation conditionnelle. L’obligation peut être subordonnée à la survenance d’un événement comme le paiement du prix par exemple. Les parties peuvent prévoir qu’il devra intervenir en premier. Dans ce cas le vendeur conserve son titre de propriété jusqu’à complet paiement du prix. Lorsque celui-ci est intégralement réglé, la propriété passe de droit à l’acheteur. C’est le mécanisme utilisé pour la clause de réserve de propriété.
Si le vendeur n’est pas le propriétaire et n’obtient pas le droit de disposer de la propriété, quelle est la situation de l’acheteur ? S’il s’agit de transférer des biens meubles ou des biens enregistrés, le transfert de propriété est valable si l’acquéreur est de bonne foi. La bonne foi est définie négativement par l’article 3:11 du code civil néerlandais. Selon ce dernier " dans les cas où la bonne foi d’une personne est requise pour que se produise un effet juridique, elle fait défaut non seulement si la personne connaissait les faits ou le droit sur lesquels doit porter sa bonne foi, mais encore si, dans les circonstances, elle aurait dû les connaître ". Par comparaison, l’article 550 du code civil français donne une définition positive de la bonne foi : " le possesseur est de bonne foi quand il possède comme un propriétaire, en vertu d’un titre translatif de propriété dont il ignore les vices. Il cesse d’être de bonne foi du moment que les vices lui sont connus ". Les deux articles se réfèrent à la connaissance d’un élément. Cet élément est le vice du titre pour le droit français. Le texte néerlandais a une vision plus large puisqu’il se réfère aux faits ou aux droits. Cette formule présente l’avantage de pouvoir être utilisée pour toutes les situations auxquelles la notion de bonne foi peut être nécessaire. Un élément d’explication provient de la technique de rédaction du code civil néerlandais. Le livre trois est consacré au droit patrimonial en général. Sa première section, où est placé l’article 3:11, est constituée d’une suite de définitions. Celles-ci seront appliquées à tout le reste du code civil. Remarquons au passage l’inspiration très germanique dans la construction du code. La disposition française est aussi explicative, elle donne le sens de l’expression " bonne foi " employée à l’article 549 qui vise à régir une situation. Enfin, signalons que l’article 3:11 du code civil néerlandais oblige en quelque sorte la personne à se renseigner puisqu’il est précisé " qu’elle aurait dû connaître ". En effet la personne ne sera pas de bonne foi si elle avait pu connaître la situation réelle en consultant un registre public par exemple
La personne qui a perdu son droit de possession à la suite d’un vol, peut revendiquer la chose dans un délai de trois ans à compter du vol, à moins que l’acheteur ne l’ait acquise dans un magasin ou à titre gratuit.
Le vendeur doit délivrer la chose. Une condition est appliquée à cette chose : elle doit être libre de toutes charges à moins que l’acheteur les ait expressément acceptées. Sans qu’il soit tenu compte de dispositions contraires, le vendeur doit garantir l’absence de charges résultant de faits qui nécessitent une inscription sur les registres publics, mais qui n’ont pas encore été enregistrés au moment où le contrat est conclu.
Signalons pour terminer que si une action est intentée contre l’acheteur pour l’évincer ou pour obtenir la reconnaissance de droits qui n’auraient pas dû grever le bien, le vendeur doit se joindre à l’action afin de défendre les intérêts de l’acheteur. Terminons en précisant que l’acheteur dans le cas d’une vente forcée, ne peut pas exciper que le bien est grevé de charges alors qu’il aurait dû être libre. Cette règle découle de l’article 7:19 alinéa premier du code civil néerlandais selon lequel ; " dans le cadre d’une vente forcée l’acheteur ne peut faire valoir que la chose est encombrée d’une charge ou restriction qui n’aurait pas dû la grever, ou qu’elle n’est pas conforme au contrat, à moins que le vendeur ne l’ait su ".
§1 : Le régime de la délivrance
L’obligation de délivrance est la seconde obligation mise à la charge du vendeur par le code civil néerlandais. La même obligation pèse sur le vendeur en droit français et belge en vertu de l’article 1604 du code civil60. Au Pays-Bas, le vendeur accomplit la délivrance en mettant l’acheteur en possession de la chose, ou, en cas de réserve de propriété, en mettant la chose sous le contrôle de l’acheteur.
La possession consiste à détenir une chose pour soi même. La détention du bien ainsi que la volonté de détenir pour soi ou pour autrui est déterminée par l’opinion commune et l’apparence selon l’article 3:108 du code civil néerlandais61 .
Le transfert de possession a lieu lorsque le vendeur met l’acheteur en situation de contrôler le bien de la même manière que le faisait le vendeur. La délivrance nécessite la coopération de l’acheteur. A défaut celui ci est fautif et devra supporter la responsabilité de son manque de coopération.
Le moment de la délivrance est réglé par les dispositions générales du droit des obligations. En dehors de toute stipulation contractuelle contraire, une obligation peut être exécutée immédiatement. Cependant, les exigences de la raison et l’équité62offrent au créancier un délai raisonnable afin qu’il réalise son obligation. L’obligation de délivrance peut, comme toute obligation, être assortie d’un terme suspensif. Le lieu de la délivrance doit être prévu par les parties au contrat. A défaut, s’il s’agit d’un corps certain, la délivrance devra être faite au lieu où se trouvait la chose lors de la conclusion du contrat de vente. Dans le cas d’une chose de genre, la délivrance est faite au lieu d’établissement professionnel du vendeur, ou en cas d’absence, à son domicile.
La délivrance détermine aussi le transfert des risques. Les risques de la chose sont transférés à l’acheteur par la délivrance. Même si la propriété n’est pas transférée, l’acheteur supportera les risques. En outre le prix de vente reste dû indépendamment de toute perte ou détérioration de la chose qui ne serait pas imputable au vendeur.
L’acheteur peut demander la résiliation du contrat en vertu de l’article 6:265 du code civil néerlandais selon lequel " tout manquement d’une partie dans l’exécution de l’une de ses obligations donne à l’autre le pouvoir de résilier le contrat en tout ou en partie, à moins que le manquement, vu sa nature particulière ou son importance mineure, ne justifie pas cette résiliation avec ses effets ". Si l’acheteur use de cette faculté ou demande le remplacement de la chose, cette dernière reste aux risques du vendeur. Le risque sera transféré à l’acheteur s’il décide de conserver une chose défectueuse. Lorsque après la délivrance les risques sont pour le vendeur, il supporte la détérioration ou la perte de la chose due aux actes de l’acheteur. Toutefois, lorsqu’il est admis que l’acheteur devait raisonnablement prévoir la restitution de la chose, il lui incombe de prendre soin de la chose en bon père de famille63 . A défaut, il perdra son droit de remplacement.
Le transfert des risques a lieu sans que l’on tienne compte de la conformité de la chose au contrat.
§1 : L’abandon de la notion de vice caché
C’est sur le fondement de la conformité que la victime du fait d’un produit défectueux va pourvoir agir si elle choisit de fonder son action en réparation sur le droit de la vente. C’est aussi par ce moyen que la victime qui a utilisé le système issu de la directive communautaire du 25 juillet 1985 va pouvoir être indemnisée de la franchise prévue à l’article 6:190 du code civil néerlandais. La personne qui agit a été victime du défaut d’un produit. La notion de défaut fait tout de suite penser à la garantie du vice caché. Comment expliquer alors que l’action soit basée sur la conformité ? Là encore, il faut tenir compte de l’histoire juridique néerlandaise pour apporter une réponse.
L’ancien code civil néerlandais de 1838 suivait l’exemple français. Il incombait au vendeur, selon ses dispositions, de délivrer une chose conforme, et de garantir l’acheteur contre les vices cachés de la chose. Mais les juristes néerlandais se sont avérés incapables d’adapter cette partie du droit de la vente à une société tournée vers l’industrie et les services. Ils ont restreint le régime des vices cachés aux ventes de biens particuliers, et aux ventes pour lesquelles aucune garantie n’avait été donnée. Par conséquent le régime applicable était devenu tellement obscure que " les juristes néerlandais n’étaient plus capables de savoir quelles règles s’appliquaient au vu des complications auxquelles les contrats courants étaient sujets "64. Le nouveau code civil est donc intervenu pour clarifier la situation.
Du point de vue de la vente, le nouveau code civil néerlandais a été rédigé en s’inspirant d’un projet créé dans le cadre du Benelux. Ce projet ressemble fortement à la convention de Vienne sur la vente internationale de marchandises65. L’inspiration puisée dans la section consacrée par la convention à la " conformité des marchandises et droits ou prestations de tiers " est indéniable. Ainsi, la notion de conformité a remplacé la notion de vices cachés dans le nouveau code civil néerlandais.
Une chose n’est pas conforme au contrat si elle ne possède pas les qualités que l’acheteur était en droit d’attendre d’après les stipulations du contrat. L’acheteur est en droit d’attendre que la chose possède les qualités nécessaires à un usage normal, ainsi que les qualités nécessaires pour remplir un usage particulier précisé par des stipulations contractuelles. Pour déterminer ce que l’acheteur était en droit d’attendre ; il faut tenir compte de la connaissance réelle que le vendeur avait (ou aurait dû avoir) quant à l’usage auquel l’acheteur destinait la chose. On pourra aussi tenir compte, par exemple, de la nature de la chose ( est ce un bien neuf ou acheté d’occasion), du prix (s’il est normal ou réduit) et du type de commerce où le bien fut acquis.
En outre, si la chose n’est pas celle qui avait été convenue entre les parties, ou si elle présente des caractéristiques différentes de celles fixées au contrat, il y a alors défaut de conformité. Ce sera aussi le cas si la chose n’est pas conforme en quantité, en taille ou en poids à celle qui a fait l’objet du contrat de vente.
Pour les choses de genre, le débiteur de l’obligation de délivrance aura rempli son obligation si les biens ne sont pas d’une qualité inférieure par rapport à la qualité moyenne attendue d’un tel produit.
Dans le cas de modèles ou d’échantillons donnés à l’acheteur ; la chose doit leur être conforme, à moins qu’il ait été indiqué que la qualité de la chose pouvait varier par rapport au modèle ou à l’échantillon.
Lorsqu’il s’agit d’une vente d’immeuble, les mentions relatives à la surface du bien sont considérées comme n’étant qu’une indication et il n’y a pas d’obligation de conformité entre les dimensions réelles et les dimensions indiquées. Par contre, s’il résulte des stipulations contractuelles que la mention relative à la surface constitue un élément essentiel, toutes différences entre cette indication et la surface réelle rendent la chose non conforme.
Dans le cadre d’une consumentenkoop, les éléments à prendre en compte pour déterminer si la délivrance est conforme sont complétés par une disposition originale très favorable au consommateur. Tout ce qui vient d’être dit s’applique à ce type de vente. En outre il sera tenu compte des informations relatives au produit et rendues publiques par, ou au nom du vendeur précédent ; celui-ci agissant dans le cadre normal de son activité professionnelle. Ces informations sont présumées émaner du vendeur lui même sauf si ce dernier ne les connaissait pas ou ne pouvait pas les connaître, ou enfin s’il a clairement contredit ces informations. L’exposé théorique de cette règle posée par l’article 7:18 du code civil néerlandais apparaîtra certainement obscure pour le civiliste habitué à la tradition du code civil français. Un exemple simple permettra de mieux situer les choses. Imaginons que le fabricant (étranger), ou l’importateur du produit affirme dans une publicité que ce dernier répond à certaines caractéristiques de performances par exemple. Si un consommateur, ayant fait l’acquisition du bien, constate une différence dans les performances par rapport à la publicité, alors ce dernier peut invoquer la publicité pour établir le défaut de conformité contre le vendeur auprès duquel il a acquis le bien.
Terminons en disant que les différences mineures ne constituent pas un défaut de conformité. Et dans le cas de vente forcée, l’acheteur ne peut pas faire valoir que la chose est non conforme au contrat, à moins que l’acheter ne l’ait su.
§3 : L’articulation du défaut de conformité avec le vice caché
Les règles régissant la conformité et le défaut de conformité ont été exposées. Il convient maintenant de nous interroger sur l’articulation qui existe avec le vice caché. Nous avons vu que le nouveau code civil néerlandais contrairement au code civil français ne traite plus la question de manière autonome, mais au travers du défaut de conformité. Nous l’avons dit, le défaut de conformité est apprécié au travers de l’usage auquel l’acheteur destine la chose. Si un vice affecte la chose et la rend impropre à l’usage auquel elle est destinée, la chose viciée délivrée ne sera pas conforme. Il y a aussi un aspect objectif dans l’appréciation de la non conformité. L’article 7:17 dans son paragraphe second se réfère bien à cette notion lorsqu’il dit que l’acheteur est en droit d’attendre du produit qu’il présente les qualités nécessaires à un usage normal sans qu’il ait à douter de la présence de ces qualités. Il y a donc un aspect intentionnel qui est utile en présence du vice caché. En effet, l’acheteur d’un bien en fait l’acquisition en pensant pouvoir utiliser le bien, ce qui est rendu impossible par le défaut. Ou alors, le vice peut réduire la fonctionnalité de l’objet à tel point que celui-ci ne puisse plus remplir la fonction qui a décidé l’achat du consommateur.
Enfin, en se fondant sur cet aspect intentionnel, le consommateur aura à cœur de faire l’acquisition d’un produit sûr qui ne mettra pas en danger sa propre vie ou celle de tiers. Aussi un produit qui ne répondrait pas à un certain niveau de qualité et de sécurité ne serait pas conforme. Or, cela correspond à la définition du défaut du produit donnée par la directive et transposé à l’article 6:186 du code civil néerlandais. Il nous semble donc que la directive, à l’instar du droit néerlandais, ne fasse pas de différence entre le défaut au sens du vice, et la non conformité.
Nous venons d’établir quelles sont les obligations du vendeur. Examinons maintenant quelles solutions sont offertes à l’acheteur lorsque le vendeur ne remplit pas une de ces obligations.
Chapitre 3 : Les sanctions des obligations du vendeur
Si le vendeur ne remplit pas ses obligations, et que cette défaillance lui est imputable ; l’acheteur a le droit de demander l’exécution du contrat, la résolution de celui-ci, et des dommages et intérêts.
Section 1 : La présentation des règles applicables à la défaillance du vendeur
Ces sanctions ne sont pas inconditionnées. L’acheteur qui souhaite soulever le défaut de conformité est limité dans le temps. Il ne pourra plus agir s’il n’a pas notifié à son vendeur, dans un délai raisonnable à partir du moment où il l’a découverte, la non conformité ; ou à partir du moment où il aurait dû la découvrir. Toutefois, lorsqu’il manque une qualité que la chose possédait selon les affirmations du vendeur ; ou que le manque de qualité est dû à des faits que ce dernier connaissait ou devait connaître, mais ne les a pas communiqués, la notification doit avoir lieu dans un délai raisonnable après la découverte. Par opposition à la première proposition, dans le cas de faits dissimulés, l’acheteur n’est pas tenu de connaître ces faits. Aussi le point de départ du délai est fixé à la découverte du défaut. Dans le premier cas mentionné, il n’y a pas de volonté de tromper, donc on considère que si l’acheteur ne s’est pas aperçu du manque de qualité, c’est par négligence, ou alors le défaut est mineur, ce qui n’ouvre pas droit à réparation comme nous l’avons déjà vu. Cette disposition vise à protéger les intérêts du vendeur en lui permettant de prendre connaissance, dans un court délai, des actions qui pourraient être ouvertes à son égard. Toutes les circonstances se rapportant à la situation seront prises en compte pour la détermination du délai raisonnable.
Selon l’article 7:23 du code civil néerlandais les droits et actions se prescrivent dans un délai de deux ans à compter du jour de la notification par l’acheteur. Ce dernier conserve le pouvoir d’opposer à une action en paiement du prix son droit à la résiliation partielle de la vente, ou à la réparation du dommage.
Les articles 7:20 et 7:21 du code civil néerlandais ouvrent au profit de l’acheteur plusieurs moyens afin d’obtenir l’exécution correcte du contrat de vente, sans préjudice de tous autres droits et actions selon l’article 7:22 du code civil néerlandais.
En cas de défaut de conformité, l’acheteur peut demander la livraison de ce qui manque. Il peut aussi demander la réparation de la chose livrée, pourvu que le vendeur soit raisonnablement en mesure d’y pourvoir. On vise par cette exception tant les capacités techniques du vendeur que ses possibilités économiques.
Si dans une consumentenkoop le vendeur n’a pas rempli son obligation de réparer la chose délivrer, dans un délai raisonnable après la notification qui lui a été faite par l’acheteur demandant la réparation, ce dernier est en droit de faire effectuer la réparation par un tiers. Les frais seront alors mis à la charge du vendeur. Cette règle est une interprétation qui a été donnée de l’article 3:299 du code civil néerlandais selon lequel, " lorsqu’une personne n’exécute pas ce à quoi elle est obligée, le juge peut autoriser le créancier qui le demande à effectuer lui même ce qui aurait résulté de l’exécution ".
L’acheteur peut aussi demander le remplacement de la chose livrée, à moins que l’écart par rapport à ce qui a été convenu soit trop peu important pour le justifier ou que la chose, après le moment où l’acheteur doit normalement tenir compte de l’anéantissement, soit perdue ou détériorée du fait qu’il n’a pas pris soin de sa conservation comme un bon père de famille.
Parmi ces solutions, le vendeur peut choisir laquelle il souhaite accomplir. Cependant, si dans le cas d’une consumentenkoop, l’acheteur demande le remplacement ou la réparation d’une chose qui est susceptible d’être remplacée, le vendeur peut choisir le remplacement, ou le remboursement intégral du prix de vente. Le vendeur doit faire son choix dans un délai raisonnable ; à défaut, l’acheteur peut faire valoir ses droits à la réparation ou au remplacement. Donc si le vendeur effectue son choix tardivement, il perd cette option. L’article 7:21 du code civil néerlandais vise ainsi à protéger l’acheteur en écourtant le délai laissé au vendeur et pendant lequel il se trouve en pleine incertitude quant à la réparation qui sera apportée au défaut de conformité dont il est victime.
Les dommages et intérêts sont une sanction au défaut de délivrance conforme de la part du vendeur. Ils ne figurent pas, à proprement parler, parmi les remèdes que propose le code civil néerlandais face à cette défaillance du débiteur. Mais, le droit général des obligations applique la section relative à la réparation du préjudice du dommage66 à tous les cas d’inexécution d’une obligation. Il peut s’agir d’une obligation contractuelle ou autre, d’une obligation extracontractuelle, ou d’une obligation liée à l’enrichissement sans cause.
En outre, le droit de la vente contient des dispositions relatives à la résiliation du contrat. Quand elle survient, la chose a une certaine valeur. Les dommages et intérêts seront équivalents à la différence entre cette valeur, évaluée au jour de l’inexécution de l’obligation, et le prix versé qui était fixé par le contrat.
Si le vendeur, ou l’acheteur, compte tenu de ce que nous avons dit précédemment, a choisi le remplacement de la chose livrée, et qu’il agit raisonnablement, il recevra la différence entre le prix de la chose et les frais de remplacement.
La disposition de l’article 7:24 du code civil néerlandais nous intéresse particulièrement. Elle est consacrée aux dommages et intérêts dans le cadre de la responsabilité du fait des produits défectueux ; et concerne plus spécialement la franchise de 1263,85 florins relative à la réparation du dommage.
Selon cet article, " lorsque le manquement consiste en un vice visé à la section 3 du titre 3 du livre sixième67,le vendeur n’est pas responsable du dommage visé à cette section, à moins qu’il n’ait connu ou n’ait dû connaître le vice ; qu’il n’ait promis l’absence du vice ; qu’il s’agisse de dommages aux choses ne donnant, en vertu de la section 3 du titre 3 du livre sixième, pas droit à la réparation en raison de la franchise qui y est prévue, sans préjudice des défenses en vertu des sections 9 et 10 du titre premier du livre sixième ".
Donc, seuls les dommages aux choses sont visés. C’est dans la parfaite logique du système puisque les lésions corporelles sont intégralement réparées sur le fondement de la responsabilité du fait des produits. Tout aussi logique est la limitation relative aux biens, car seuls ceux dont le dommage est évalué à moins de 1263,85 florins pourront bénéficier de cet article ; les autres dommages aux biens étant intégralement réparés s’ils sont supérieurs à cette limite. Il faut noter que cet article n’est applicable qu’au seul cas de la consumentenkoop. Donc si l’acheteur a passé le contrat de vente dans le cadre de son activité professionnelle, il ne pourra pas bénéficier de cette règle. Il devra utiliser les autres moyens que nous avons exposés.
Nous devons enfin signaler la dernière disposition de l’article 7:24. Si le vendeur a indemnisé la victime dans les deux premiers cas prévus par l’article, " l’acheteur est tenu de lui transférer tous les droits qui lui reviennent de la section 3 du titre 3 du livre sixième ". Le vendeur sera subrogé dans les droits de l’acheteur victime. Il pourra agir contre la personne qui lui a fourni le produit défectueux. Cela est conforme à l’esprit du système. Les deux hypothèses visées sont basées sur la connaissance du vice par le vendeur. Il a donc commis une faute en vendant une chose affectée de ce vice. Il est normal que la victime puisse rechercher sa responsabilité. Or, en cas de dommages du fait des produits, c’est la responsabilité du producteur qui est recherchée, et plus largement celle de toute personne qui a pris part au circuit de fabrication ; ce qui n’est pas le cas du vendeur. Ce ne serait pas non plus conforme à la définition du producteur puisque selon l’article 3 de la directive le fournisseur du produit défectueux n’est responsable que s’il n’indique pas l’identité de son fournisseur.
Cet état du droit néerlandais risque de subir rapidement des transformations. Le parlement de l’Union européenne a adopté la directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation68 .
B - La directive 1999/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation
Cette directive a plusieurs objectifs et notamment selon
son cinquième considérant elle vise à " la création
d’un socle minimal commun de règles de droit de la consommation,
valables indépendamment du lieu de vente des biens dans la Communauté
". Le texte de la directive commence par donner la définition d’un
ensemble de termes tels que consommateur, bien de consommation, garantie
pour ne citer qu’eux. Ensuite est définie la notion de conformité
au contrat qui est suivie de l’article trois présentant les droits
auxquels l’acheteur
peut prétendre lorsque la chose qu’il a achetée
n’est pas conforme. Les remèdes proposés sont la mise du
bien dans un état conforme par réparation ou par remplacement.
Si ces modes de réparation ne sont pas ou plus possibles pour les
raisons détaillées par les autres alinéas de l’article,
l’acheteur pourra alors demander la réduction adéquate du
prix ou la résolution du contrat de vente. Ces quatres modes de
réparations sont les seuls prévus par la directive. Aucunes
réparations pécuniaires n’ont été instaurées.
Aussi, le droit néerlandais, prévoyant la possibilité
de recevoir des dommages et intérêts pour défaut de
conformité, tel le cas de l’article 7:24 du code civil, n’est pas
en conformité avec la directive. Cette solution devrait disparaître.
Il y a aussi un problème par rapport à la franchise. Les
dommages ne sont réparés que sous déduction du montant
prévu par l’article 6:190
du code civil néerlandais. La victime souhaitant obtenir une réparation
intégrale doit agir selon les règles de droit commun. Or,
si elles sont mises en conformité avec la directive de 1999, l’allocation
de dommages et intérêts n’est plus possible. Imaginons que
sur la base des dispositions nouvelles la personne a pu percevoir des dommages
et intérêts pour le préjudice causé à
ses biens, alors pour le complément correspondant à la franchise
elle pourrait choisir entre le remplacement ou la mise en état des
biens. Là encore surgit une difficulté, la directive
de 1999 ne vise qu’à résoudre le défaut de conformité
du bien acquis, elle ne vise pas la réparation des dommages aux
biens personnels. Or, selon le droit néerlandais les règles
applicables sont celles qui régissent le défaut de conformité.
Nous en arrivons donc à des situations complexes. Dans ce cas, la
suppression de la franchise serait une bonne solution. Cependant, la directive
sur la garantie des biens de consommation comporte une soupape de sûreté
; l’article 8 alinéa premier prévoit que " les droits
résultant de la […] directive sont exercés sans préjudice
des autres droits dont le consommateur peut se prévaloir au titre
des règles nationales relatives au droit de la responsabilité
contractuelle ou extracontractuelle ". Comme la directive sur les produits
défectueux, le consommateur pourra à son choix se fonder
sur les solutions du droit commun antérieur, ou sur les règles
nouvelles. Cela permettra de régler les difficultés, même
si la solution n’est pas satisfaisante car elle ne fait que repousser le
problème. Or nous pouvons nous demander si à terme cette
possibilité de choix ne sera pas supprimée afin de pousser
encore plus loin le degré d’harmonisation. Cette dernière
remarque est aussi valable pour la directive du
25 juillet 1985.
Cette sanction est d’une importance moindre au regard des dommages causés par un produit défectueux car elle ne permet pas une réparation au sens matériel du terme (comme le remplacement ou la réparation) ni au sens pécuniaire.
L’acheteur insatisfait peut demander la résiliation du contrat. Selon le principe de droit général des obligations exposé à l’article 6:265 du code civil néerlandais, tout manquement d’une partie dans l’exécution de l’une de ses obligations donne à l’autre le pouvoir de résilier le contrat en tout ou en partie. Ce principe s’applique au contrat de vente.
En outre, le droit de la vente ajoute une disposition particulière69 au droit de résiliation dans le cadre d’une consumentenkoop. Si en vertu d’une stipulation contractuelle le vendeur augmente le prix de la chose après la conclusion du contrat, l’acheteur est autorisé à résilier le contrat par une déclaration écrite ; à moins qu’il ait été stipulé que la délivrance aurait lieu plus de trois mois après la vente. Le prix dont il est fait mention doit s’entendre du montant provisoirement fixé comme prix de vente au moment où le contrat est devenu sujet à une modification de prix.
Section 2 : Considérations comparatistes
Nous avons vu que le droit néerlandais avait fusionné vice caché et défaut de conformité. Cela présente un intérêt de simplification et de sécurité pour le consommateur par rapport à l’ancien système et par rapport au système français. Ce dernier conserve la distinction. Cette distinction a conduit la jurisprudence française dans une voie obscure où vice et conformité se trouvaient mêlés. Selon l’article 1641 du code civil français, les vices cachés rendent la chose impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage que l’acheteur n’aurait pas fait l’acquisition de cette chose ou à un prix moindre. Au premier abord le vice semble clairement différencié du défaut de conformité. Si une personne commande des pommes et se voit livrer des carottes, sans aucun doute il y a défaut de conformité. De même si une personne fait l’achat d’un véhicule dont une pièce moteur mal usinée entraîne une surconsommation importante et une diminution notable des performances, le défaut est certain. Mais il y existe des hypothèses où la solution n’est pas aussi évidente. Prenons le cas de quelqu’un qui achèterait une friteuse de type sans odeurs. Or, lors de l’utilisation de l’appareil il s’avère que celui-ci produit des odeurs dues à un mauvais fonctionnement. Sommes-nous face à un vice caché ou face à un défaut de conformité ? La réponse n’est pas aisée car les deux solutions sont envisageables. La difficulté soulevée par cette distinction est due à la différence du régime applicable aux deux actions, et surtout à la prescription qui leur est applicable. L’action en garantie des vices cachés doit être intentée dans un bref délai selon l’article 1648 du code civil français. Ce bref délai est déterminé souverainement par le juge. L’action en réparation du défaut de conformité est une action de droit commun. En vertu de l’article 2262 du code civil français, elle se prescrit par trente ans. Cette différence a conduit les plaignants forclos sur le terrain des vices cachés à agir sur le terrain du défaut de conformité lorsque cela était possible. Et la Cour de cassation ne s’y est pas opposée.
En comparaison, le système unitaire du droit néerlandais présente l’avantage de ne plus laisser la voie ouverte à ces difficultés. Peu importe les cas où la distinction entre le vice et le défaut est délicate, puisque dans les deux cas les règles sont les mêmes, le demandeur ne dispose pas d’une action plus favorable qu’une autre.
En outre, l’identification même du vice n’est pas si simple en droit français. Les auteurs proposent deux thèses. Une thèse dite matérielle assimile le vice à un défaut, à une anomalie qui affecte le bien. A cette conception est opposée la thèse dite fonctionnelle ; elle définit le vice par rapport à l’aptitude de la chose à remplir l’usage auquel l’acquéreur la destine. Si la chose n’a pas les qualités nécessaires pour remplir cette usage, elle serait viciée. Cette seconde conception est avantageuse car " il n’y a pas à établir un défaut d’une part et d’autre part la conséquence de celui-ci, c’est à dire l’inaptitude de la chose à procurer à son propriétaire l’utilité qu’il en attend ; seule cette dernière preuve suffit "70 . Le droit néerlandais ne définie pas expressément le vice. Il ne se réfère qu’à la conformité. Ceci n’est pas un handicap, toujours en raison de règles unitaires la preuve à apporter est la même quelque soit le sens à donner au mot défaut.
La personne victime d’un produit défectueux peut choisir d’agir sur le fondement du droit commun antérieur à la directive du 25 juillet 1985, ou alors de bénéficier du nouveau régime de responsabilité. En droit français, il fait peu de doutes que l’action soit basée sur les vices cachés. Il est intéressant de comparer la notion de défaut utilisé par la directive. Selon
l’article 6 de ce texte, le produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut s’attendre. Il n’est fait aucune référence à un vice quelconque. L’expression " à laquelle on peut s’attendre " rappelle les exigences néerlandaises en matière de défaut de conformité. En outre il n’est pas impossible que dans certains cas un produit n’offre pas le niveau de sécurité que l’acheteur attendait sans qu’il soit néanmoins vicié. La définition du vice au sens de la directive se rapprocherait du défaut de conformité (et par conséquent de la position néerlandaise). Il est intéressant de noter que la France a transposé cette définition communautaire à l’article 1386-4 ; par conséquent un produit défectueux serait traité comme un produit non conforme sur la base de l’action intentée sur le fondement du nouveau régime. Par contre, face au même cas on considérera qu’il y a vice au sens du droit commun. Si l’analyse du défaut de conformité au sens de la directive est exacte, nous pouvons nous demander si son introduction dans le droit français ne préfigure pas une modification à venir de la garantie des vices cachés et du défaut de conformité en droit français allant vers l’adoption d’une solution proche du système néerlandais, et surtout proche du système de la convention de Vienne que la France a ratifiée.
Le code civil néerlandais met à la charge de l’acheteur un certain nombre d’obligations. Dans le cadre d’une étude sur la responsabilité du fait des produits défectueux ces obligations sont sans importance. Mais, comme notre étude se veut pratique et que les principaux traits du droit de la vente aux Pays-Bas ont été abordés, nous allons terminer ce survol rapide et décrire les obligations de l’acheteur, ainsi que les droits du vendeur en cas d’inexécution.
Chapitre 4 : Les obligations à la charge de l’acheteur et leurs sanctions
Section 1 : Les obligations de l’acheteur
Selon l’article 7:26 du code civil néerlandais71 , la principale obligation de l’acheteur est de payer le prix. Le paiement doit être fait au moment et au lieu de la délivrance. Nous retrouvons la même règle avec l’article 1650 du code civil français en ce qui concerne l’obligation principale. Par contre, ce même article renvoie aux stipulations contractuelles pour définir du lieu et du moment où le paiement devra intervenir. Ce n’est qu’à défaut que l’article 1651 pose une règle identique à celle de l’article 7:26 BW. La démarche est différente, le code civil agissant en deux étapes laisse une place à l’autonomie de la volonté des parties en se référant aux stipulations contractuelles en priorité.
Dans une consumentenkoop, l’acheteur ne peut pas être obligé de payer d’avance plus de la moitié du prix d’achat.
La règle sur le lieu de paiement provient des règles générales du droit des obligations72 prévoyant que le paiement doit être fait au domicile du créancier. Le paiement est donc portable. En pratique la délivrance sera très souvent faite au domicile du créancier.
Dans le cas où l’acheteur a reçu le bien mais qu’il a l’intention de le retourner, il doit prendre soin de sa conservation en bon père de famille. De plus, il peut exercer un droit de rétention à l’encontre du vendeur qui ne l’aurait pas indemnisè des impenses nécessaires que cette conservation lui a occassioné.
L’acheteur n’a pas l’obligation de prendre livraison de la chose. Toutefois, s’il ne coopère pas, il peut devenir fautif à l’égard du vendeur avec toutes les conséquences que cela comporte. En outre, le manque de coopération ouvre la possibilité au vendeur de demander la résiliation du contrat.
Section 2 : Les sanctions des obligations de l’acheteur
En cas d’inexécution de ses obligations par l’acheteur, le vendeur peut demander l’exécution forcée du contrat, c’est à dire réclamer le prix. Dans une consumentenkoop, l’action en paiement se prescrit par deux ans, et dans les autres cas par cinq ans. Le vendeur peut demander des dommages et intérêts ainsi que la résiliation du contrat. Enfin dans certains cas, le vendeur pourra revendiquer le bien. Intéressons nous plus particulièrement à la résiliation et à la revendication.
§1 : La résiliation du contrat par le vendeur
Selon l’article 7:33 du code civil néerlandais, les biens meubles doivent être délivrés un jour précis. Si l’acheteur ne prend pas livraison du bien au jour où il le devrait, ce refus est une cause de résiliation ouverte au profit du vendeur. Ce dernier peut alors mettre fin au contrat par une notification écrite adressée à l’acheteur, à la condition que le vendeur ait des raisons sérieuses et suffisantes de croire que le prix ne sera jamais payé.
La résiliation du contrat met à la charge de l’acheteur l’obligation de restituer la chose au vendeur. Le vendeur peut cependant revendiquer la chose en tant que propriétaire dans le cas de figure où il l’aurait vendue sous réserve de propriété.
§2 : Le droit de revendication
Le vendeur d’un bien meuble non immatriculé peut, après l’avoir livré à l’acheteur, revendiquer ce bien en envoyant une notification écrite à l’acheteur ; si le prix n’a pas encore été payé et que les autres conditions de la résiliation sont remplies.
Par la revendication, le vendeur récupère la propriété de la chose. Outre le fait que le contrat soit résilié, la déclaration faite par le vendeur met fin aux droits de l’acheteur et des tiers à qui ce dernier aurait pu revendre le bien.
En cas de paiement partiel, seule la partie impayée sera restituée si la chose est un bien divisible.
Dans Plusieurs hypothèses le droit de revendication ne pourra pas être utilisé. Ce sera le cas si la chose livrée n’est plus dans l’état où elle se trouvait lorsqu’elle a été livrée. De même il ne pourra pas y avoir revendication si la chose a été transférée, donnée en usufruit ou gagée autrement que par un titre gratuit, à un tiers qui ne pouvait raisonnablement pas avoir en vue d’affronter la revendication. Cette exception n’a pas lieu de jouer si le bien était resté entre les mains du vendeur.
La revendication pourra être fermée au vendeur pour des raisons tenant au paiement du prix. Cette situation se rencontre lorsque l’acheteur a accepté un effet de commerce pour le complet paiement du prix, et que simultanément, six semaines se sont écoulées depuis le moment où le paiement du prix était devenu exigible. Il faut aussi qu’un délai de soixante jours se soit écoulé depuis le moment où la chose a été remise à l’acheteur ou à une autre personne pour son compte.
Titre 2 : La responsabilité délictuelle pour dommages causés du fait des produits
Sans l’empire de l’ancien code civil de 1838, le droit néerlandais de la responsabilité délictuelle s’est surtout développé sous l’impulsion de la jurisprudence. La codification de 1992 n’a pas cherché à museler la création prétorienne, au contraire, le nouveau code civil a été construit afin de laisser la place aux développements jurisprudentiels du droit.
L’acte illicite73 , comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire, est une source d’obligations. Par conséquent, son régime se trouve dans le livre six du nouveau code civil néerlandais dédié au droit général des obligations. Le droit néerlandais des obligations distingue les droits in rem des droits in personam ; cette distinction provient du droit romain, on en trouve trace dans les institutes de Gaius. Les droits in personam ne peuvent être opposés qu’à une personne déterminée avec laquelle existe une relation juridique. Les droits in rem sont opposables à quiconque. L’acte illicite donne naissance à un droit in personam.
Avant d’exposer les dispositions qui règlent le droit de la responsabilité, un exposé sur le développement du droit de la responsabilité délictuelle aux Pays-Bas doit être dressé.
Introduction : Développements historiques du droit de la responsabilité civile aux Pays-Bas
L’ancien code civil néerlandais contenait un article général sur la responsabilité délictuelle : l’article 1401. Selon cet article, " tout acte illicite qui cause un dommage à autrui, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ". Cette disposition est une copie quasi similaire de l’article 1382 du code civil français74 . La seule différence réside dans l’ajout du terme " illicite ". L’article 1401 du code civil néerlandais a été considéré comme posant un principe général. Par conséquent, la jurisprudence a développé les règles du droit de la responsabilité délictuelle au cas par cas. Cela a donné lieu à de très célèbres décisions, dont l’arrêt Lindenbaum contre Cohen75 . Dans cet arrêt, le Hoge Raad a renversé sa jurisprudence sur l’interprétation du caractère illicite qui était limité au non-respect d’un devoir légal, ou à la violation d’un droit. Cette conception restrictive était compensée par l’utilisation de l’article 1402 du code civil néerlandais qui est la pure copie de l’article 1383 du code civil français : " chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ". Cela permettait de réparer les dommages purement économiques. Mais un arrêt de 1883 a fait perdre son rôle correcteur à l’article 1402. Le droit de la responsabilité délictuelle restait dominé par la limitation au non-respect d’un devoir légal, ou à la violation d’un droit. Cette orientation de la jurisprudence doit être reliée à la situation socio-économique du moment. On estimait aux Pays-Bas que la réparation du dommage purement économique et plus généralement tout système de responsabilité sans faute serait préjudiciable à l’industrie naissante. En 1919, le Hoge Raad a mis fin à la restriction dans une décision qui est souvent considérée comme la plus importante. Dans cette affaire, Cohen, imprimeur, a versé un pot de vin à un employé de son concurrent, Lindenbaum, afin qu’il lui révèle certaines informations sur le commerce de ce dernier. Lindenbaum a intenté une action en responsabilité délictuelle contre Cohen. Il fut victorieux en première instance, alors que la Cour d’appel a infirmé le jugement. L’affaire a été portée devant le Hoge Raad qui a rendu cet important arrêt. Le Hoge Raad a décidé que le terme illicite doit être compris comme un acte ou une omission qui viole les droits d’une autre personne, qui s’oppose aux devoirs légaux du défendeur, ou qui est contraire à la bonne morale ainsi qu’aux règles de respect de la vie en société eu égard aux autres personnes et à leur propriété.
Cette construction a été reprise par les rédacteurs du nouveau code civil et se retrouve à l’article 6:162 que nous allons à présent étudier.
Chapitre 1 : Le régime général de la responsabilité délictuelle
La disposition essentielle du droit de la responsabilité délictuelle aux Pays-Bas est l’article 6:162 du code civil. Selon ce texte, " celui qui commet envers autrui un acte illicite pouvant lui être imputé est tenu de réparer le dommage que ce dernier en subit. Sont réputés illicites, sauf fait justificatif, l’atteinte à un droit ainsi que l’acte ou l’omission contraire à un devoir légal ou à une règle non écrite qui énonce ce qui est convenable dans le commerce social. L’acte illicite est imputable à l’auteur s’il résulte de sa faute ou d’une cause dont il doit répondre en vertu de la loi ou suivant l’opinion généralement admise ".
Il ressort de cet article que la mise en jeu de la responsabilité délictuelle nécessite quatre éléments : un caractère illicite, une faute, un dommage et un lien de causalité entre l’acte et le dommage. Ces conditions sont assez proches de celles exigées par le droit français, à savoir, un dommage, un fait générateur du dommage et un lien de causalité entre les deux. Les omissions sont assimilées au Pays-Bas à des actes positifs.
Ces éléments sont nécessaires lorsque la victime d’un produit défectueux agit sur ce terrain. Notons que la simple vente d’un tel produit ne suffit pas pour engager une action en responsabilité délictuelle contre le vendeur. Il faudra, à cette fin, que la mise en circulation d’un produit défectueux ait causé un dommage physique ou une atteinte aux biens.
Précisons aussi que, selon l’article 3:310 du code civil néerlandais, l’action en réparation d’un dommage se prescrit par cinq ans à compter du lendemain du jour où la victime a eu connaissance du préjudice et, dans tous les cas, par vingt ans à compter de l’événement qui a causé le préjudice.
Section 1 : Le caractère illicite
Le caractère illicite peut provenir de la violation d’une loi ou d’une norme de comportement, c’est à dire une norme non écrite. La loi ici désigne la loi au sens strict mais aussi tout texte assimilé à la loi au sens général et qui contient des dispositions générales et contraignantes. Ce sont le cas des décrets et arrêtés par exemple. Notons la disposition intéressante à cette égard constitué par l’article 6:163 du nouveau code civil selon lequel " l’obligation de réparation n’existe pas lorsque la norme transgressée n’a pas pour objet la protection contre le dommage tel que la personne lésée l’a subi ".
Il est plus difficile d’identifier les principes non écrits. Le devoir de diligence peut se rencontrer dans une multitude de situations. Le plus souvent il se rencontre lorsqu’il s’agit de respecter les préceptes de sécurité envers une personne ou sa propriété
La faute est l’élément subjectif de l’acte illicite. Cela signifie que l’auteur de cet acte doit être tenu pour responsable de sa faute. En l’absence de faute, aucune action en réparation du dommage n’est possible. Pourtant le caractère illicite de l’acte demeure, ce qui permet d’obtenir un jugement déclaratoire ou une injonction.
En droit néerlandais, une omission constitue aussi une faute. Le droit français a aussi admis ce principe mais avec plus de réticences. Notons pour mémoire que dans le cadre de l’omission, les juristes français distinguent entre l’abstention dans l’action, et l’abstention pure et simple. Nous ne détaillerons pas plus ce point qui est d’une importance mineure au regard des produits défectueux.
Il peut ne pas y avoir de faute en raison de l’âge de l’auteur. Selon l’article 6:164 du code civil néerlandais, un acte illicite ne peut pas être imputé à un enfant qui n’a pas atteint l’âge de quatorze ans. En corollaire, une présomption de faute pèse sur ses parents ou la personne qui en a la garde. Par contre, le handicap physique ou mental d’une personne âgée de plus de quatorze ans n’est pas une excuse, elle sera responsable de ses actes illicites. Les parents ou le gardien peuvent faire échec à cette présomption en apportant la preuve qu’ils ne pouvaient pas empêcher la réalisation de l’acte illicite.
Le plaignant doit prouver la faute du défendeur. Dans beaucoup de cas, une fois que l’acte et son caractère illégitime sont établis, la faute du défendeur est si probable que la cour présumera l’existence de la faute sauf preuve contraire apportée par le défendeur.
En matière de produits défectueux, le défaut est avant tout un manquement du producteur à ses obligations. Il pourrait y avoir faute sans qu’il y ait défaut. La faute consiste avant tout au non-respect du devoir de diligence et de sécurité. La faute pourra alors se manifester au stade de la conception comme à celui de la fabrication. De même, si le producteur manque à son devoir d’information sur la sécurité et les précautions d’emploi du produit, il commet une faute. En outre, en France, la simple " mise sur le marché du produit défectueux constitue en soi une faute délictuelle "76 . Rien ne s’oppose à ce que cela ne soit pas accepté non plus aux Pays-Bas. La Belgique et le Luxembourg retiennent la même conception.
Au regard des dommages causés du fait des produits, la preuve de la faute peut constituer une charge insupportable pour le demandeur. En effet, la jurisprudence exige que la victime prouve tous les éléments nécessaires à la mise en jeu de la responsabilité délictuelle du producteur dont le caractère illicite de l’acte. Le recours fait par le droit néerlandais aux comportements sociaux comme élément permettant d’établir le caractère illicite, et par conséquent la faute, simplifie la tâche de la victime. En effet, mettre en circulation un produit défectueux qui ne respect pas les diligences normales de sécurité que l’on doit observer à l’égard d’autrui dans le commerce social semble constituer une faute.
La question du dommage moral a déjà été traitée dans la première partie, nous renvoyons donc le lecteur à ce qui a été dit à ce sujet.
L’article 6:95 du code civil néerlandais apporte des informations sur le type de dommage réparable. Selon cet article, " le dommage sur lequel porte l’obligation légale de réparation englobe le dommage patrimonial et d’autres pertes, celles-ci dans la mesure où la loi donne droit à leur réparation ". Les dommages patrimoniaux comprennent la perte subie et le gain manqué. Le dommage pourra être causé à la personne en cas de lésions corporelles, mais aussi ses biens auront pu être atteints. Pour les biens détruits du fait du produit défectueux, dans tous les droits il est possible d’en obtenir le remplacement ou la contre-valeur.
Le code civil néerlandais assimile au dommage patrimonial certains débours. Les frais raisonnables engagés afin de réduire le dommage prévisible à la suite de l’événement sur lequel se fonde la responsabilité devront être réparés. Il en va de même pour les frais engagés en vue de déterminer le dommage et la responsabilité. Les frais raisonnables engagés en vue d’obtenir paiement par voie extrajudiciaire donnent droit à réparation.
En France, en Belgique, et au Luxembourg, il n’y a aucune restriction quant aux types de dommage, alors que nous l’avons vu, les Pays-Bas ont une position très stricte vis à vis du dommage moral.
Section 4 : Le lien de causalité
Le défendeur ne devra réparer le dommage résultant de son acte illégitime que si la victime prouve le lien de causalité existant entre cet acte et le dommage. Ce lien de causalité pourrait se définir comme la conditio sine qua non du dommage. C’est ce qui résulte de l’article 6:98 du code civil néerlandais. Ce texte nous apprend que " la réparation ne s’étend qu’au dommage dont le rapport avec l’événement sur lequel se fonde la responsabilité du débiteur est tel que, compte tenu de la nature de la responsabilité et du dommage, il peut être imputé au débiteur comme étant la conséquence de cet événement ".
Les tribunaux néerlandais, sous l’empire de l’ancien code civil, utilisaient la théorie de la causalité adéquate, résultant d’une construction issue de la théorie générale des obligations et basée sur la prévisibilité du dommage. Les tribunaux se demandaient si le débiteur pouvait raisonnablement prévoir, lors de la conclusion du contrat, le dommage qui résulterait de l’inexécution contractuelle. Ce test était transposé en matière délictuelle, le moment d’appréciation pris en considération était le moment de réalisation de l’acte illégitime.
Cette théorie a perdu de son importance au cours des années soixante-dix. Le 2 février 1973, le Hoge Raad a rendu une décision77 très importante en matière de responsabilité délictuelle. Il a décidé de modifier la charge de la preuve. La faute du producteur est présumée à moins qu’il puisse prouver l’absence de faute. Cette tâche est très lourde pour le producteur qui doit prouver qu’il a pris tous les soins nécessaires à chaque étape de la production afin de prévenir la mise sur le marché d’un produit défectueux. En outre, il devra tenir compte du non respect par le consommateur des mises en garde et des informations sur l’utilisation de son produit.
Par exemple, une faute dans la fabrication d’un élément de direction d’une automobile a été établie contre le fabricant qui a été tenu pour responsable de toutes les conséquences découlant de ce défaut car l’erreur commise pendant la fabrication était contraire à la prudence qui doit être observée dans la vie en société.
Section 5 : Les modes d’exonération
La lecture de l’article 6:162 du code civil néerlandais nous révèle que des faits justificatifs permettent à la personne responsable de s’exonérer de cette responsabilité. Les justifications possibles " sont la force majeure, l’auto défense, le respect d’une obligation légale, et le respect de l’ordre donné par une autorité compétente. "78 .
Nous allons nous limiter à l’étude de la force majeure.
L’article 6:74 du code civil néerlandais exonère le débiteur du non-accomplissement de son obligation lorsque cela ne lui est pas imputable. L’article 6:75 précise que la défaillance ne peut lui être opposée s’il n’est pas responsable en vertu de la loi, en vertu d’un acte juridique, ou d’après l’opinion commune. La force majeure est fondée sur ce texte d’après l’interprétation donnée par les juristes néerlandais.
La doctrine néerlandaise a découvert deux théories quant à la force majeure. La théorie objective exige une impossibilité absolue, personne n’aurait pu éviter le dommage. Par contre, la théorie subjective examine si la personne pouvait concrètement éviter le préjudice. Le code civil néerlandais est construit autour de cette seconde théorie. En France, la même théorie semble s’imposer. Pour le droit français, l’événement doit être imprévisible. La jurisprudence avait d’abord été sévère, elle exigeait la survenance d’un événement absolument imprévisible. Puis, elle a nuancé sa position. Son exigence ne concerne plus qu’une imprévisibilité normale. Sans plus de précision de la part de la Cour de cassation, nous pensons qu’il est possible de rapprocher la théorie française de la théorie néerlandaise.
En France, la force majeure ne doit pas résulter seulement d’un événement imprévisible, celui-ci doit aussi être insurmontable. La personne actionnée en réparation devait être dans l’impossibilité d’éviter le dommage. Ce caractère est apprécié in abstracto, mais la jurisprudence tient compte des circonstances. Nous venons de le voir, les Pays-Bas se différencient sur ce point en retenant une conception subjective. Il y aura force majeure s’il n’était pas possible ou s’il était trop problématique pour la personne concernée d’éviter la réalisation du préjudice.
Compte tenu de cette précision, le producteur ne peut être responsable que s’il a ignoré des connaissances scientifiques et techniques qui lui étaient accessibles. C’est pourquoi les risques de développement nous apparaissent comme constitutifs d’une force majeure au sens du droit néerlandais. Par contre, en France, une condition relative à la force majeure est ajoutée en matière de responsabilité du fait des choses : l’événement dommageable doit être extérieur au produit. Ce n’est pas le cas du vice qui est inhérent à la chose, donc la force majeure ne pourra pas être invoquée. En outre, nous savons que la mise sur le marché d’un produit défectueux constitue une faute. Cette présomption est irréfragable, donc même en cas de risque de développement le producteur ne sera pas exonéré de toute façon. Le Luxembourg retient la même solution. Une nuance est apportée par le droit belge puisqu’il reconnaît la même présomption mais autorise la preuve contraire. Les risques de développement constituent donc un fait justificatif.
Chapitre 2 : Un régime spécial de responsabilité : la responsabilité du fait des choses
Nous venons de décrire les règles du régime général de la responsabilité délictuelle contenues dans la section première du titre 3 du livre premier du code civil néerlandais. Le reste du titre 3 est dédié à des régimes spéciaux de responsabilité. Nous le savons déjà, il contient les dispositions relatives aux produits défectueux. Mais d’autres dispositions instituent des régimes spéciaux de responsabilité où la faute est présumée. Tout d’abord cela concerne la responsabilité des parents et gardiens pour les actes des mineurs qu’ils ont sous leur garde. Nous avons déjà étudié cette question. Les employeurs sont tenus des actes illicites commis par leurs employés. Si l’acte a eu lieu dans le cadre de l’activité professionnelle, la responsabilité professionnelle est plus stricte que dans les hypothèses où aucune activité professionnelle est en cause, ou lorsque l’employeur est une personne physique. Dans ce dernier cas la responsabilité est moins stricte puisqu’elle ne s’applique qu’aux actes commis dans l’exercice des tâches professionnelles. Citons aussi le cas d’une personne représentée qui se trouvera engagée par l’acte illicite de son représentant.
Ce qui nous intéresse le plus sera le cas posé par l’article 6:173 du code civil néerlandais ; cette disposition est relative aux dommages du fait d’une chose. En résumé, cet article couvre tous les dommages causés par une chose, qu’elle soit dangereuse ou non. Mais, il est exigé que le dommage soit dû à un vice inhérent de la chose. Cette restriction est emprunté au droit belge. Tout comme en France, un régime de responsabilité du fait des choses est prévu par l’article 1384 alinéa premier du code civil. Le texte est identique : " on est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ". En France la jurisprudence a reconnu qu’il y avait une responsabilité générale du fait des choses, la jurisprudence belge s’est ralliée à cette opinion. En France, les tribunaux se sont orientés vers une responsabilité sans preuve de la faute du gardien, la notion de garde de la chose dispensant de rapporter cette preuve. La jurisprudence belge a aussi admis ce principe, mais a en outre apporté une restriction ; il faut néanmoins rapporter la preuve du vice de la chose. Ainsi le principe du droit belge peut se résumer de la sorte : il y a une responsabilité générale du fait des choses ; une fois établi le lien de causalité entre le dommage et le vice de la chose, le gardien de cette dernière est présumé responsable.
La restriction en droit néerlandais ne s’applique plus en vertu de l’article 6:175 du code civil lorsqu’il s’agit de matières dangereuses.
En substance, le possesseur d’une chose, qui de commune renommée, constitue un danger particulier pour les personnes ou les choses si elle ne remplit pas les conditions habituellement requises pour une telle chose, est responsable lorsque le danger se réalise, à moins que la responsabilité, selon les principes généraux, n’eut été engagée s’il avait eu connaissance du danger au moment où celui-ci s’est déclaré. Si la chose ne répond pas à ces conditions en raison d’un défaut permettant de qualifier le produit de défectueux, la responsabilité du fait des choses ne peut pas être retenue sur le fondement des règles qui viennent d’être exposées. Cette disposition connaît une exception lorsqu’en vertu de toutes les circonstances, il était possible que le vice n’existait pas au moment où le produit a été mis en circulation. La seconde exception se rencontre lorsque le dommage du fait d’un produit défectueux ne donne pas droit à réparation en raison de la franchise de 1263,85 florins.
Toutes ces règles ne s’appliquent pas aux animaux, aux véhicules à moteur, aux navires, ni aux aéronefs.
Chapitre 3 : Responsabilité délictuelle du fait des produits et market share liability aux Pays-Bas : l’arrêt D.E.S.
L’arrêt D.E.S.79 est une retentissante décision rendue par le Hoge Raad lors d’une action en réparation d’un dommage du fait d’un produit avant l’entrée en vigueur des dispositions transposées de la directive CEE du 25 juillet 1985.
De 1953 à1967, une substance sédative connu sous le nom de D.E.S. était utilisée aux Pays-Bas dans la fabrication de médicaments destinés à prévenir les fausses couches. Mais l’utilisation de ce médicament a entraîné de graves effets secondaires. Les filles des femmes ayant utilisé ce produit ont développé une forme particulière de cancer utéro-vaginal dix à vingt ans plus tard. La question était de savoir si les producteurs pouvaient être tenus responsables du préjudice.
Le 28 avril 1986, six victimes du médicament ont assigné dix compagnies pharmaceutiques devant la Cour d’Amsterdam. La demande a été rejetée en première instance comme en appel pour le même motif. Aucune des demanderesses ne pouvaient identifier lequel des fabricants avait produit les médicaments utilisés par leur mère. Le produit avait été commercialisé avant 1985, le régime de la directive ne pouvait pas être appliqué. Dans le cas contraire, l’action des victimes aurait été facilitée car, outre la responsabilité du producteur, elles auraient pu rechercher celle du distributeur. L’affaire est parvenue devant le Hoge Raad. L’avocat général Hartkamp a demandé l’annulation de l’arrêt d’appel en se fondant sur la théorie de la responsabilité des parts de marché qui n’était pas appliquée à l’époque aux Pays-Bas. Cette théorie a vu le jour aux États-Unis sous le nom de market share liability. Les tribunaux américains l’ont développée afin de surmonter les difficultés rencontrées par les plaignants dans l’identification du producteur. La théorie fut créée en 1980 par la Cour suprême de Californie à l’occasion de l’arrêt Sindell c. Abbott Laboratories. L’hypothèse était la même que dans l’arrêt D.E.S. ; le plaignant était confronté à l’impossibilité de déterminer lequel des fabricants avait produit les pilules ayant causés le préjudice. La Cour a reconnu que le cheminement et l’identification du produit dans la chaîne de fabrication et de distribution ne pouvait pas être établi. La Cour a alors construit la théorie des parts de marché. Elle a décidé que chaque producteur sera tenu pour responsable en proportion de ses parts de marché, à moins qu’il puisse démontrer qu’il n’a pas pu produire les médicaments défectueux. Pratiquement tous les États américains ont repris cette solution qui place les demandeurs dans une position très favorable.
Le Hoge Raad n’a pas suivi cette solution qui lui était proposée. Il est allé plus loin. L’arrêt de la Cour d’appel a été cassé pour refus d’application de l’article 6:99 du code civil néerlandais. Rappelons la teneur de ce texte : " lorsque le dommage peut être la conséquence de plusieurs événements, chacun étant la responsabilité d’une personne différente, et qu’il est établi que le dommage résulte d’au moins un de ces événements, l’obligation de réparation incombe à chacune de ces personnes, à moins qu’elle ne justifie que le dommage n’est pas la conséquence d’un événement dont elle-même est responsable ".
Le Hoge Raad a estimé que cet article pouvait s’appliquer. Il doit être présumé que les compagnies pharmaceutiques, ayant commercialisé le produit pendant la période de consommations, sont chacune responsables pour leur faute. La Cour présume en outre que l’entier dommage des victimes résulte de la mise en circulation du produit. Si la Cour d’appel impose que les faits allégués doivent comporter un acte spécifique, elle ajoute un élément au texte. L’application de ce texte dans le cas présent correspond à sa finalité. Les victimes devraient supporter le dommage parce qu’elles n’ont pas pu prouver quel acte particulier est la source de leur dommage. Cette situation présente un caractère particulièrement déraisonnable auquel l’article 6:99 vise à corriger. Le Hoge Raad se justifie en invoquant les travaux préparatoires relatifs à cet article, et reconnaît que la situation présentée ne compte pas parmi celles qui ont été envisagées. Toutefois on ne peut pas en conclure que l’article 6:99 ne s’applique pas en l’espéce.
Toujours selon la Cour, l’inapplication du texte conduit au résultat inacceptable que, les producteurs ayant commercialisé le produit sont fautifs, le dommage subi résulte de l’usage de ce produit, mais les victimes ne peuvent prétendre à réparation parce qu’elles sont incapables d’identifier quel fabricant a produit les pilules prises par leur mère.
Le Hoge Raad explique son rejet de la responsabilité pour parts de marché car il présente l’inconvénient majeur de faire reposer sur les victimes le risque d’insolvabilité de l’un des fabricants. De même les victimes supporteraient la disparition de l’un des fabricants ainsi que l’impossibilité de retrouver tous les producteurs ayant pris part à la commercialisation. Il n’y a, enfin, aucun besoin de mettre en œuvre la théorie des parts de marché dans le cas présent, car chaque producteur est responsable pour l’entier dommage comme il en a été jugé.
La Cour a précisé enfin que les producteurs sont mutuellement et solidairement responsables. Celui qui a indemnisé les victimes pour le tout, conserve cependant son recours contre les autres co-responsables ; il ne peut être tenu pour plus de dommages que ceux qu’il a lui même causés.
Cette décision est très favorable aux victimes.
L’interprétation de l’article 6:99 du code civil néerlandais
est une évolution importante. Toutefois il ne faudrait pas surestimer
l’avantage procuré. Les demandeurs doivent toujours prouver la faute,
l’acte illicite du défendeur. De surcroît, " il est peu
probable qu’un producteur puisse supporter la charge de l’entier dommage
résultant de l’utilisation du produit D.E.S., et l’assurance risque
d’être problématique à moins que les pouvoirs publics
apporte leur contribution "80.
Nous n’allons pas reprendre tout ce qui a pu être écrit à ce sujet, mais après avoir étudié les mécanismes qui permettent à la victime d’un produit défectueux d’obtenir la réparation de son dommage, il convient d’examiner quel fut l’impact de la directive. Annoncée comme un coup de tonnerre dans le ciel de la responsabilité, il semble que ce texte n’ait finalement " donné lieu qu’à une tempête dans un verre d’eau "81 .
Le bilan concernant la France ne peut pas encore être dressé en raison de la nouveauté des textes transposant la directive. La jurisprudence n’a pas encore eu l’occasion de se prononcer sur une affaire mettant en œuvre ces textes. Par contre, malgré l’ancienneté des textes correspondant en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, la jurisprudence n’a pas eu non plus à connaître de telles affaires. Une première raison tient à la vitesse à laquelle une affaire remonte jusqu’aux cours de cassation. En tout état de cause, si les premières affaires ont été introduites vers 1992, elles ne peuvent pas raisonnablement faire l’objet d’une décision des cours de cassation avant 1997 ou 1998.
Ensuite, il est certain que de telles affaires révélées au grand public sont très préjudiciables pour un producteur. Nous pouvons raisonnablement penser que ceux-ci vont avant tout chercher un accord extrajudiciaire avec les victimes plutôt que de s’engager dans une procédure longue et préjudiciable. Il est d’ailleurs de coutume aux Pays-Bas de chercher un accord extrajudiciaire plutôt que de se lancer dans une action devant les tribunaux. De surcroît, il semble aussi que les lois n’ont suscité aucun intérêt chez les praticiens.
La directive n’a pas mis sur pied un système impératif. Elle laisse un libre choix, à la victime du fait d’un produit défectueux, entre une action fondée soit sur le droit commun de la responsabilité délictuelle ou contractuelle, soit sur les règles nouvelles transposées. Or, dans tous les pays pris en compte, un constat s’impose : le droit commun était avant l’entrée en vigueur des dispositions nouvelles déjà très protecteur. On y trouve des dispositions sur la sécurité des produits comme la loi sur les biens aux Pays-Bas, ou la loi française du 25 mai 1983 sur la sécurité des produits. De plus, la jurisprudence a créé dans nos quatres pays étudiés des obligations à la charge du professionnel visant à protéger le consommateur. Nous songeons ici aux obligations de sécurité et de renseignement. Le régime de droit commun interprété par la jurisprudence c’est développé dans un sens tel qu’il ne présente pas de profondes différences avec le régime communautaire. De plus la directive s’en remet sur de nombreux points aux droits nationaux pour combler ses espaces vides si nous pouvons nous exprimer ainsi. Nous pensons que les praticiens préfèrent continuer à utiliser le droit commun antérieur plutôt que de se hasarder dans une construction encore obscure basée sur un mélange des deux systèmes.
Surtout nous pouvons supposer que cet arsenal juridique a contribué à pousser les producteurs à concevoir des produits de plus en plus sûrs. Même si le risque existe toujours, nous pensons que son existence est aujourd’hui très restreinte.
Toutefois, il ne faut pas nier l’importance de la directive. Même si les règles applicables antérieurement à la directive sont très proches entre les États qui faisaient l’objet de cette étude, il faut reconnaître le mérite de l’effort fourni par la Communauté européenne afin de proposer des règles uniformes aux consommateurs européens. Même si le but de libre circulation des biens et des personnes peut être contesté82 , il est louable à l’Union européenne de fournir au consommateur des règles uniformes visant à lui assurer un haut niveau de protection. La directive du 25 juillet 1985 fut la pionnière dans ce domaine, elle a été suivie par d’autres, notamment la directive du 29 juin 1992 relative à la sécurité des produits, et la directive du 25 mai 1999 relative à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation. Autour de cette protection du consommateur commence donc à se construire un corps de règles européennes modifiant le droit privé des États membres. Souvenons nous, en 1957 certains européens ont rêvé de construire une union européenne fédérale. Pour y parvenir ils choisirent l’instrument économique afin de réaliser ultérieurement cette unification. Aujourd’hui l’Europe est une union peuplée de citoyens européens. Est-ce que la protection du consommateur n’est pas aussi un thème poursuivant un grand objectif ? Est-ce que la directive du 25 juillet 1985 n’a pas ouvert un chemin au bout duquel le citoyen de l’Europe trouvera un code civil européen ?
Section 1 : Histoire des Pays du BENELUX
Section 2 : Histoire juridique moderne et développement du droit civil
§1 : Le code civil au royaume des Pays-Bas (1815-1830)
§2 : Le code civil en Belgique depuis 1830
§3 : Le code civil Néerlandais et sa révision
A - La révision du code de 1838
B - Présentation du nouveau code civil néerlandais
Section 3 : L'organisation judiciaire des Pays-Bas
§1 : L'organisation actuelle
§2 : La réforme de l'organisation judiciaire
Section 4 : L'organisation judiciaire du Royaume de Belgique et du grand-duché du Luxembourg
§1 : La Belgique
§2 : Le Luxembourg
Premiére partie : Le nouveau régime de responsabilité du fait des produits issu de la directive du 25 juillet 1985
Titre 1 : Les dispositions de la directive CEE n.85-374 du 27 juillet 1985
Chapitre premier : La nature de la responsabilité
Chapitre 2 : Les personnes responsables
Section 1 : Le producteur
Section 2 : Les importateurs et les fournisseurs
Chapitre 3 : Les conditions de la responsabilité
Section 1 : Le produit
Section 2 : Le défaut
Section 3 : Le dommage
Chapitre 4 : Les modes d'exonération de responsabilité
Section 1 : les défenses basées sur la notion de mise en circulation
Section 2 : l'absence de distribution et fabrication hors du cadre professionnel
Section 3 : Le respect d'une règle publique impérative
Section 4 : La défense basée sur le risque de développement
Section 5 : L'absence de défaut d'une partie composante
Section 6 : La faute de la victime
Titre 2 : La transposition de la directive dans les droits nationaux.
Chapitre 1 : Les options ouvertes par la directive
Section 1 : Le plafond global de réparation
Section 2 : Les risques de développement
Section 3 : Les produits agricoles
§1 : L’état actuel du droit
§2 : Les perspectives de réformes
Chapitre 2 : Les renvois de la directive aux droits nationaux
Section 1 : Les recours entre co-responsables
Section 2 : Les dommages immatériels
Section 3 : L’interruption et la suspension des poursuites
Chapitre 3 : Les particularités nationales
Section 1 : La notion de mise en circulation
Section 2 : La franchise de 500 Écus
Section 3 : Les spécificités strictement nationales
§1 : En Belgique
§2 : En France.
Deuxième partie : droit
commun de la responsabilité du fait des produits
Titre 1 : La responsabilité
contractuelle en droit néerlandais : les droits issus de la vente
Chapitre 1 : Caractéristiques principales de la vente
Section 1 : La vente contrat consensuel
Section 2 : La chose vendue
Section 3 : Le prix
Section 4 : La consumentenkoop
Chapitre 2 : Les obligations du vendeur.
Section 1 : le transfert de propriété
Section 2 : la délivrance
§1 : le régime de la délivrance
§2 : Le transfert des risques
Section 3 : la conformité
§1 : l’abandon de la notion de vice caché
§2 : le défaut de conformité
§3 : l’articulation du défaut de conformité avec le vice caché
Chapitre 3 : Les sanctions des obligations du vendeur
Section 1 : La présentation des règles applicables à la défaillance du vendeur
§1 : L’exécution du contrat
§2 : les dommages et intérêts
A - L’état actuel du droit
B - La directive 1999/44/CE sur
certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation
§3 : la résolution du contrat
Section 2 : Considérationscomparatistes
Chapitre 4 : Les obligations à la charge de l’acheteur
Section 1 : Les obligations de l’acheteur
Section 2 : Les sanctions des obligations de l’acheteur
§1 : La résiliation du contrat par le vendeur
§2 : Le droit de revendication
Titre 2 : La responsabilité délictuelle pour dommages causés du fait des produits
Introduction : développements historiques du droit de la responsabilité civile aux Pays-Bas
Chapitre premier : Le régime général de la responsabilité délictuelle
Section 1 : Le caractère illicite
Section 2 : La faute
Section 3 : Le dommage
Section 4 : Le lien de causalité
Section 5 : Les modes d’exonération
Chapitre 2 : Un régime spécial de responsabilité : la responsabilité du fait des choses
Chapitre 3 : Responsabilité délictuelle du fait des produits et market share liability aux Pays-Bas : l’arrêt D.E.S
Conclusion : bilan de la directive
CEE du 25 juillet 1985
Droit Européen
Directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
Directive
1999/44/CE du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties
des biens de consommation.
Loi belge du 5 février 1991 sur la responsabilité du fait des produits défectueux.
Articles 1386-1 à 1386-18 du code civil français.
Loi luxembourgeoise du 21 avril 1989 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Articles 6:185 à
6:193a du code civil néerlandais.
Responsabilité du fait des produits défectueux
DIRECTIVE n.85-374 du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux (JOCE n. L 210, 7 août 1985).
LE CONSEIL DES COMMUNAUTÉS EUROPEENNES,
Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment son article 100, Vu la proposition de la Commission, Vu l'avis de l'Assemblée, Vu l'avis du Comité économique et social,
CONSIDÉRANT qu'un rapprochement des législations des Etats membres en matière de responsabilité du producteur pour les dommages causés par le caractère défectueux de ses produits est nécessaire du fait que leur disparité est susceptible de fausser la concurrence, d'affecter la libre circulation des marchandises au sein du Marché commun et d'entraîner des différences dans le niveau de protection du consommateur contre les dommages causés à sa santé et à ses biens par un produit défectueux ;
CONSIDÉRANT que seule la responsabilité sans faute du producteur permet de résoudre de façon adéquate le problème, propre à notre époque de technicité croissante, d'une attribution juste des risques inhérents à la production technique moderne;
CONSIDÉRANT que la responsabilité ne saurait s'appliquer qu'aux biens mobiliers faisant l'objet d'une production industrielle ; qu'en conséquence, il y a lieu d'exclure de cette responsabilité les produits agricoles et les produits de la chasse, sauf lorsqu'ils ont été soumis à une transformation de caractère industriel qui peut causer un défaut dans ces produits ; que la responsabilité prévue par la présente directive doit jouer également pour les biens mobiliers qui sont utilisés lors de la construction d'immeubles ou incorporés à des immeubles ;
CONSIDÉRANT que la protection du consommateur exige que la responsabilité de tous les participants au processus de production soit engagée si le produit fini ou la partie composante ou la matière première fournie par eux présentait un défaut ; que, pour la même raison, il convient que soit engagée la responsabilité de l'importateur de produits dans la communauté ainsi que celle de toute personne qui se présente comme producteur en apposant son nom, sa marque ou tout autre signe distinctif ou de toute personne qui fournit un produit dont le producteur ne peut être identifié ;
CONSIDÉRANT que, lorsque plusieurs personnes sont responsables du même dommage, la protection du consommateur exige que la victime puisse réclamer la réparation intégrale du dommage à chacune d'elles indifféremment ;
CONSIDÉRANT que, pour protéger l'intégrité physique et les biens du consommateur, la détermination du Caractère défectueux d'un produit doit se faire en fonction non pas de l'inaptitude du produit à l'usage, mais du défaut de sécurité à laquelle le grand public peut légitimement s'attendre ; que cette sécurité s'apprécie en excluant tout usage abusif du produit, déraisonnable dans les circonstances ;
CONSIDÉRANT qu'une juste répartition des risques entre la victime et le producteur implique que ce dernier doive pouvoir se libérer de la responsabilité s'il prouve l'existence de certains faits qui le déchargent ;
CONSIDÉRANT que la protection du consommateur exige que la responsabilité du producteur ne soit pas affectée par l'intervention d'autres personnes ayant contribué à cause le dommage ; que, toutefois, la faute concurrente de la victime peut être prise en considération pour réduire ou supprimer une telle responsabilité ;
CONSIDÉRANT que la protection du consommateur exige la réparation des dommages causés par la mort et par les lésions corporelles ainsi que la réparation des dommages aux biens ; que cette dernière doit cependant être limitée aux choses d'usage privé ou de consommation privée et être soumis à la déduction d'une franchise d'un montant fixe pour éviter un nombre excessif de litiges ; que la présente directive ne porte pas préjudice à la réparation du pretium doloris et d'autres dommages moraux, le cas échant, prévue par la loi applicable en l'espèce ;
CONSIDÉRANT qu'un délai de prescription unifom1e pour l'action en réparation est dans l'intérêt de la victime comme dans celui du producteur;
CONSIDÉRANT que les produits s'usent avec le temps, que des normes de sécurité plus strictes sont élaborées et que les connaissances scientifiques et techniques progressent ; qu'il serait, dès lors, inéquitable de rendre le producteur responsable des défauts de son produit sans une limitation de durée ; que sa responsabilité doit donc s'éteindre après une période de durée raisonnable, sans préjudice toutefois des actions pendantes ;
CONSIDÉRANT que, pour assurer une protection efficace des consommateurs, il ne doit pas pouvoir être dérogé par clause contractuelle à la responsabilité du producteur à l'égard de la victime;
CONSIDÉRANT que, selon les systèmes juridiques des Etats membres, la victime peut avoir un droit à réparation au litre de la responsabilité extra contractuelle différent de celui prévu par la présente directive ; que, dans la mesure où de telles dispositions tendent également à atteindre l'objectif d'une protection efficace des consommateurs, elles ne doivent pas être affectées par la présente directive; que, dans la mesure où une protection efficace des consommateurs dans le secteur des produits pharmaceutiques est déjà également assurée dans un Etat membre par un régime spécial de responsabilité, des actions basées sur ce régime doivent rester également possibles ;
CONSIDÉRANT que, dans la mesure où la responsabilité des dommages nucléaires est déjà régie dans tous les Etats membres par des dispositions particulières suffisantes, il est possible d'exclure ce type de dommages du champ d'application de la présente directive ;
CONSIDÉRANT que l'exclusion des matières premières agricoles et des produits de la chasse du champ d'application de la présente directive peut être ressentie dans certains Etats membres, compte tenu des exigences de la protection des consommateurs, comme une restriction injustifiée de cette protection ; qu'il doit, dès lors, être possible à un Etat membre d'étendre la responsabilité à ces produits ;
CONSIDÉRANT que, pour des raisons analogues, la possibilité offerte à un producteur de se libérer de la responsabilité s'il prouve que l'état des connaissances scienti1iques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l'existence du défaut peut être ressentie dans certains Etats membres comme une restriction injustifiée de la protection des consommateurs ; qu'il doit donc être possible pour un Etat membre de maintenir dans sa législation ou de prescrire par une législation nouvelle l'inadmissibilité de cette preuve libératoire ; qu'en cas de législation nouvelle, le recours à cette dérogation doit toutefois être subordonné à une procédure de stand-still communautaire pour accroître, si possible, le niveau de protection dans la Communauté de manière uniforme ;
CONSIDÉRANT que compte tenu des traditions juridiques dans la plupart des Etats membres, il ne convient pas de fixer un plafond financier à la responsabilité sans faute du producteur ; que, dans la mesure, toutefois, où il existe des traditions différentes, il semble possible d'admettre qu'un Etat membre puisse déroger au principe de la responsabilité illimitée en prescrivant une limite à la responsabilité globale du producteur pour la mort ou les lésions corporelles causées par des articles identiques présentant le même défaut, à condition que cette limite soit fixée à un niveau suffisamment élevé pour garantir une protection adéquate des cons9mmateurs et le fonctionnement correct du Marché commun ;
CONSIDÉRANT que l'harmonisation résultant de la présente directive ne peut, au stade actuel, être totale, mais ouvre la voie vers une harmonisation plus poussée ; qu'il y a lieu, dès lors, pour le Conseil de se saisir à intervalles réguliers de rapports de la Commission sur l'application de la présente directive, accompagnés le cas échéant de propositions appropriées ;
CONSIDÉRANT que, dans cette perspective, il est particulièrement important de procéder à un réexamen des dispositions de la présente directive concernant les dérogations ouvertes aux Etats membres, à l'expiration d'une période suffisamment longue pour accumuler une expérience pratique sur les effets de ces dérogations sur la protection des consommateurs et sur le fonctionnement du Marché commun,
Art 2. - Pour l'application de la présente directive, le terme " produit" désigne tout meuble, à l'exception des matières premières agricoles et des produits de la chasse, même s'il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Par " matières premières agricoles ", on entend les produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, à l'exclusion des produits ayant subi une première transformation. Le terme "produit" désigne également l'électricité.
Art 3. - I. Le terme " producteur" désigne le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première ou le fabricant d'une partie composante, et toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
2. Sans préjudice de la responsabilité du producteur, toute personne qui importe un produit dans la Communauté en vue d'une vente, location, leasing ou toute autre forme de distribution dans le cadre de son activité commerciale est considérée comme producteur de celui-ci au sens de la présente directive et est responsable au même titre que le producteur.
3. Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. Il en est de même dans le cas d'un produit importé, si ce produit n'indique pas l'identité de l'importateur visé au paragraphe 2, même si le nom du producteur est indiqué.
Art. 4. - La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Art. 5. - Si, en application de la présente directive, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours.
Art. 6. - 1. Un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment :
a) de la présentation du produit ;
b) de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ;
c) du moment de la mise en circulation du produit.
2. Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en circulation postérieurement à lui.
Art. 7. - Le producteur n'est pas responsable en application de la présente directive s'il prouve :
a) qu'il n'avait pas mis le produit en circulation ;
b) que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;
c) que le produit n'a été ni fabriqué pour la vente ou pour toute autre forme de distribution dans un but économique du producteur, ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son activité professionnelle ;
d) que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics ;
e) que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui n'a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
f) s'agissant du fabricant d'une partie composante, que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel la partie composante a été incorporée ou aux instructions données par le fabricant du produit.
Art. 8. - 1. Sans préjudice des dispositions du droit national relatives au droit de recours, la responsabilité du producteur n'est pas réduite lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par l'intervention d'un tiers.
2. La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
Art.9. - Au sens de l'article 1, le terme " dommage" désigne :
a) le dommage causé par la mort ou par des lésions corporelles ;
b) le dommage causé à une chose ou la destruction
d'une chose, autre que le produit défectueux lui-même, sous
déduction d'une franchise de 500 Ecus, à conditions que cette
chose :
- soit d'un type normalement destiné à
l'usage ou à la consommation privée
et
- ait été utilisée par la victime
principalement pour son usage ou sa consommation privés.
Le présent article ne porte pas préjudice
aux dispositions nationales relatives aux dommages immatériels.
Art 10. - 1. Les Etats membres prévoient dans leur législation que l'action en réparation prévue par la présente directive se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
2. Les dispositions des Etats membres réglementant la suspension ou l'interruption de la prescription ne sont pas affectées par la présente directive.
Art. 11. - Les Etats membres prévoient dans leur législation que les droits conférés à la victime en application de la présente directive s'éteignent à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit même, qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre celui-ci.
Art. 12. - La responsabilité du producteur en application de la présente directive ne peut être limitée ou écartée à l'égard de la victime par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité.
Art. 13. - La présente directive ne porte pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité existant au moment de la notification de la présente directive.
Art. 14. - La présente directive ne s'applique pas aux dommages résultant d'accidents nucléaires et qui sont couverts par des conventions internationales ratifiées par les Etats membres.
Art. 15. - 1. Chaque Etat membre peut :
a) par dérogation à l'article 2, prévoir dans sa législation qu'au sens de l'article 1, le terme " produit " désigne également les matières premières agricoles et les produits de la chasse ;
b) par dérogation à l'article 7 point e), maintenir ou, sous réserve de la procédure définie au paragraphe 2 du présent article, prévoir dans sa législation que le producteur est responsable même s'il prouve que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l'existence du défaut.
2. L'Etat membre qui souhaite introduire la mesure prévue au paragraphe I point b) communique à la Commission le texte de la mesure envisagée. Celle-ci en informe les autres Etats membres. L'Etat membre concerné surseoit à prendre la mesure envisagée pendant un délai de neuf mois à compter de l'information de la Commission et à condition que celle-ci n'ait pas entre-temps soumis au Conseil une proposition de modification de la présente directive portant sur la matière visée. Si, toutefois, la Commission, dans un délai de trois mois à compter de la réception de ladite information, ne communique pas à l'Etat membre concerné son intention de présenter une telle proposition au Conseil, l'Etat membre peut prendre immédiatement la mesure envisagée.
Si la Commission présente au Conseil une telle proposition de modification de la présente directive dans Ic délai de neuf mois précité, l'Etat membre concerné surseoit à la mesure envisagée pendant un nouveau délai de dix-huit mois à compter de la présentation de ladite proposition.
3. Dix ans après la date de notification de la présente directive, la Commission soumet au Conseil un rapport sur l'incidence pour la protection des consommateurs et le fonctionnement du Marché commun de l'application faite par les tribunaux de l'article 7 point e) ct du paragraphe I point b) du présent article. A la lumière de rapport le Conseil, statuant dans les conditions prévues à l'article 100 du traité sur proposition de la Commission, décide de l'abrogation de l'article 7 point e).
Art. 16. - I. Tout Etat membre peut prévoir que la responsabilité globale du producteur pour les dommages résultant de la mort ou de lésions corporelles et causés par des articles identiques présentant le même défaut est limitée à un montant qui ne peut être inférieur à 70 millions d'Ecus.
2. Dix ans après la date de notification de la présente directive, la Commission soumet au Conseil un rapport sur l'incidence pour la protection des consommateurs et le fonctionnement du Marché commun de l'application de la limite financière de la responsabilité par les Etats membres qui ont fait usage de la faculté prévue au paragraphe I. A la lumière de ce rapport, le Conseil, statuant dans les conditions prévues à l'article 100 du traité sur proposition de la Commission, décide de l'abrogation du paragraphe I.
Art. 17. - La présente directive ne s'applique pas aux produits mis en circulation avant la date à laquelle les dispositions visées à l'article 19 entrent en vigueur.
Art. 18. - 1. Au sens de la présente directive, l'Ecu est celui défini par le règlement (CEE) n. 318O/78, modifié par le règlement (CEE) n. 2626/84. La contre-valeur en monnaie nationale est initialement celle qui est applicable le jour de l'adoption de la présente directive.
2. Le Conseil, sur proposition de la Commission, procède tous les cinq ans à l'examen et, le cas échéant, à la révision des montants visés par la présente directive, en fonction de révolution économique et monétaire dans la Communauté.
Art. 19. - 1. Les Etats membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard trois ans à compter de la notification de la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.
2. La procédure définie à l'article 15 paragraphe 2 est applicable à compter de la date de notification de la présente directive.
Art. 20. - Les Etats membres veillent à communiquer à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Art. 21. - La Commission adresse tous les cinq ans au Conseil un rapport concernant l'application de la présente directive et lui soumet, le cas échéant, des propositions appropriées.
Art. 22. - Les Etats membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 25 juillet 1985.
Par le Conseil Le Président
J. Poos
Directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 mai 1999, modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
Journal officiel n° L 141 du 04/06/1999 p. 0020 - 0021
DIRECTIVE 1999/34/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 10 mai 1999 modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 95,
vu la proposition de la Commission(1),
vu l'avis du Comité économique et social(2);
statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité(3),
Article premier
La directive 85/374/CEE est modifiée comme suit.
1) L'article 2 est remplacé par le texte suivant:
"Article 2
Pour l'application de la présente directive, le terme 'produit' désigne tout meuble, même s'il est incorporé dans un autre meuble ou dans un immeuble. Le terme 'produit' désigne également l'électricité."
2) À l'article 15, paragraphe 1, le point a) est supprimé.
Article 2
1. Les États membres adoptent et publient les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive. Ils en informent immédiatement la Commission.
Ils appliquent ces dispositions à partir du 4 décembre 2000.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 3
La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Article 4
Les États membres sont destinataires de la présente
directive.
Fait à Bruxelles, le 10 mai 1999.
Par le Parlement européen
Le président
J. M. GIL-ROBLES
Par le Conseil
Le président
H. EICHEL
DIRECTIVE 1999/44/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation
LE PARLEMENT EUROPÉEN ET LE CONSEIL DE L'UNION EUROPÉENNE,
vu le traité instituant la Communauté européenne, et notamment son article 95,
vu la proposition de la Commission,
vu l'avis du Comité économique et social,
statuant conformément à la procédure visée à l'article 251 du traité, au vu du projet commun approuvé le 18 mars 1999 par le comité de conciliation,
Article premier : Champ d'application et définitions
1. La présente directive a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation, en vue d'assurer une protection uniforme minimale des consommateurs dans le cadre du marché intérieur.
2. Aux fins de la présente directive on entend par:
a) "consommateur": toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale;
b) "bien de consommation": tout objet mobilier corporel, sauf:
- les biens vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice,
- l'eau et le gaz lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée,
- l'électricité;
c) "vendeur": toute personne physique ou morale qui, en vertu d'un contrat, vend des biens de consommation dans le cadre de son activité professionnelle ou commerciale;
d) "producteur": le fabricant d'un bien de consommation, l'importateur d'un bien de consommation sur le territoire de la Communauté ou toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le bien de consommation son nom, sa marque ou un autre signe distinctif;
e) "garantie": tout engagement d'un vendeur ou d'un producteur à l'égard du consommateur, donné sans supplément de coût, de rembourser le prix payé, ou de remplacer, de réparer ou de s'occuper d'une façon quelconque du bien s'il ne correspond pas aux conditions énoncées dans la déclaration de garantie ou dans la publicité y afférent;
f) "réparation": en cas de défaut de conformité, la mise du bien de consommation dans un état conforme au contrat.
3. Les États membres peuvent prévoir que la notion de "bien de consommation" n'inclut pas les biens d'occasion vendus aux enchères publiques, lorsque les consommateurs ont la possibilité de participer personnellement à la vente.
4. Aux fins de la présente directive, sont également réputés être des contrats de vente les contrats de fourniture de biens de consommation à fabriquer ou à produire.
Article 2 : Conformité au contrat
1. Le vendeur est tenu de livrer au consommateur un bien conforme au contrat de vente.
2. Le bien de consommation est présumé conforme au contrat:
a) s'il correspond à la description donnée par le vendeur et possède les qualités du bien que le vendeur a présenté sous forme d'échantillon ou modèle au consommateur;
b) s'il est propre à tout usage spécial recherché par le consommateur, que celui-ci a porté à la connaissance du vendeur au moment de la conclusion du contrat et que le vendeur a accepté;
c) s'il est propre aux usages auxquels servent habituellement les biens du même type;
d) s'il présente la qualité et les prestations habituelles d'un bien de même type auxquelles le consommateur peut raisonnablement s'attendre, eu égard à la nature du bien et, le cas échéant, compte tenu des déclarations publiques faites sur les caractéristiques concrètes du bien par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l'étiquetage.
3. Le défaut de conformité est réputé ne pas exister au sens du présent article si, au moment de la conclusion du contrat, le consommateur connaissait, ou ne pouvait raisonnablement ignorer, ce défaut, ou si le défaut de conformité a son origine dans les matériaux fournis par le consommateur.
4. Le vendeur n'est pas tenu par des déclarations publiques visées au paragraphe 2, point d), s'il:
- démontre qu'il ne connaissait pas, et n'était pas raisonnablement en mesure de connaître, la déclaration en cause,
- démontre que la déclaration en cause avait été rectifiée au moment de la conclusion du contrat
ou
- démontre que la décision d'acheter le bien de consommation n'a pas pu être influencée par la déclaration.
5. Tout défaut de conformité qui résulte d'une mauvaise installation du bien de consommation est assimilé au défaut de conformité du bien lorsque l'installation fait partie du contrat de vente du bien et a été effectuée par le vendeur ou sous sa responsabilité. Cette disposition s'applique également lorsque le bien, destiné à l'installation par le consommateur, est installé par lui et que le montage défectueux est dû à une erreur des instructions de montage.
Article 3: Droits du consommateur
1. Le vendeur répond vis-à-vis du consommateur de tout défaut de conformité qui existe lors de la délivrance du bien.
2. En cas de défaut de conformité, le consommateur a droit soit à la mise du bien dans un état conforme, sans frais, par réparation ou remplacement, conformément au paragraphe 3, soit à une réduction adéquate du prix ou à la résolution du contrat en ce qui concerne ce bien, conformément aux paragraphes 5 et 6.
3. Dans un premier temps, le consommateur a le droit d'exiger du vendeur la réparation du bien ou son remplacement, dans les deux cas sans frais, à moins que cela ne soit impossible ou disproportionné.
Un mode de dédommagement est considéré comme disproportionné s'il impose au vendeur des coûts qui, par rapport à l'autre mode, sont déraisonnables compte tenu:
- de la valeur qu'aurait le bien s'il n'y avait pas défaut de conformité,
- de l'importance du défaut de conformité
et
- de la question de savoir si l'autre mode de dédommagement peut être mis en oeuvre sans inconvénient majeur pour le consommateur.
Toute réparation ou tout remplacement est effectué dans un délai raisonnable et sans inconvénient majeur pour le consommateur, compte tenu de la nature du bien et de l'usage recherché par le consommateur.
4. L'expression "sans frais" figurant aux paragraphes 2 et 3 désigne les frais nécessaires exposés pour la mise des biens dans un état conforme, notamment les frais d'envoi du bien et les frais associés au travail et au matériel.
5. Le consommateur peut exiger une réduction adéquate du prix ou la résolution du contrat:
- s'il n'a droit ni à la réparation ni au remplacement du bien
ou
- si le vendeur n'a pas mis en œuvre le mode de dédommagement dans un délai raisonnable
ou
- si le vendeur n'a pas mis en œuvre le mode de dédommagement sans inconvénient majeur pour le consommateur.
6. Le consommateur n'est pas autorisé à demander la résolution du contrat si le défaut de conformité est mineur.
Article 4 : Action récursoire
Lorsque la responsabilité du vendeur final est engagée vis-à-vis du consommateur en vertu d'un défaut de conformité qui résulte d'un acte ou d'une omission du producteur, d'un vendeur antérieur placé dans la même chaîne contractuelle ou de tout autre intermédiaire, le vendeur final a le droit de se retourner contre le ou les responsable(s) appartenant à la chaîne contractuelle. Le droit national détermine le ou les responsable(s) contre qui le vendeur final peut se retourner, ainsi que les actions et les conditions d'exercice pertinentes.
Article 5 : Délais
1. La responsabilité du vendeur prévue à l'article 3 est engagée lorsque le défaut de conformité apparaît dans un délai de deux ans à compter de la délivrance du bien. Si, en vertu de la législation nationale, les droits prévus à l'article 3, paragraphe 2, sont soumis à un délai de prescription, celui-ci n'expire pas au cours des deux ans qui suivent la délivrance.
2. Les États membres peuvent prévoir que le consommateur, pour bénéficier de ses droits, doit informer le vendeur du défaut de conformité dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle il l'a constaté.
Les États membres informent la Commission de la façon dont ils mettent en œuvre le présent paragraphe. La Commission surveille la manière dont l'existence de cette option pour les États membres se répercute sur les consommateurs et sur le marché intérieur.
Au plus tard le 7 janvier 2003, la Commission élabore un rapport sur la mise en œuvre par les États membres de la présente disposition. Ce rapport est publié au Journal officiel des Communautés européennes.
3. Sauf preuve contraire, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf lorsque cette présomption n'est pas compatible avec la nature du bien ou la nature du défaut de conformité.
Article 6 : Garanties
1. Une garantie doit lier juridiquement celui qui l'offre selon les conditions fixées dans la déclaration de garantie et dans la publicité y afférente.
2. La garantie doit:
- indiquer que le consommateur a des droits légaux au titre de la législation nationale en vigueur régissant la vente de biens de consommation et indiquer clairement que ces droits ne sont pas affectés par la garantie,
- établir, en termes simples et compréhensibles, le contenu de la garantie et les éléments essentiels nécessaires à sa mise en œuvre, notamment sa durée et son étendue territoriale, ainsi que le nom et l'adresse du garant.
3. À la demande du consommateur, la garantie lui est remise par écrit ou se présente sous un autre support durable, mise à sa disposition et auquel il a accès.
4. L'État membre où le bien de consommation est commercialisé peut, dans le respect des règles du traité, imposer sur son territoire que la garantie figure dans une ou plusieurs langues qu'il détermine parmi les langues officielles de la Communauté.
5. Si une garantie va à l'encontre des exigences des paragraphes 2, 3 et 4, la validité de cette garantie n'est nullement affectée et le consommateur peut toujours se fonder sur elle pour exiger qu'elle soit honorée.
Article 7 : Caractère contraignant
1. Les clauses contractuelles ou les accords conclus avec le vendeur, avant que le défaut de conformité ne soit porté à l'attention de celui-ci et qui écartent ou limitent directement ou indirectement les droits résultant de la présente directive, ne lient pas, dans les conditions prévues par le droit national, le consommateur.
Les États membres peuvent prévoir que, dans le cas de biens d'occasion, le vendeur et le consommateur peuvent convenir de clauses contractuelles ou passer des accords prévoyant, pour la responsabilité du vendeur, un délai plus court que celui prévu à l'article 5, paragraphe 1. Ce délai ne peut être inférieur à un an.
2. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que le consommateur ne soit pas privé de la protection accordée par la présente directive par le choix du droit d'un État non membre comme droit applicable au contrat, lorsque le contrat présente un lien étroit avec le territoire des États membres.
Article 8 : Droit national et protection minimale
1. Les droits résultant de la présente directive sont exercés sans préjudice d'autres droits dont le consommateur peut se prévaloir au titre des règles nationales relatives au droit de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle.
2. Les États membres peuvent adopter ou maintenir en vigueur, dans le domaine régi par la présente directive, des dispositions plus strictes compatibles avec le traité pour assurer un niveau de protection plus élevé du consommateur.
Article 9
Les États membres prennent les mesures appropriées pour informer le consommateur des dispositions de droit national qui transposent la présente directive et incitent, le cas échéant, les organisations professionnelles à informer les consommateurs de leurs droits.
Article 10
L'annexe de la directive 98/27/CE est complétée par le point suivant: "10. Directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO L 171 du 7.7.1999, p. 12)."
Article 11 : Transposition
1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 1er janvier 2002. Ils en informent immédiatement la Commission.
Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.
2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive.
Article 12 : Révision
La Commission réexamine, au plus tard le 7 juillet 2006 l'application de la présente directive et présente un rapport au Parlement européen et au Conseil. Ce rapport examine, notamment, l'éventuelle introduction de la responsabilité directe du producteur et est, le cas échéant, accompagné de propositions.
Article 13 : Entrée en vigueur
La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes.
Article 14
Les États membres sont destinataires de la présente directive.
Fait à Bruxelles, le 25 mai 1999.
Par le Parlement européen
Le président
J. M. GIL-ROBLES
Par le Conseil
Le président
H. EICHEL
25 FEVRIER 1991. - Loi relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
(modifiée par loi du 12 DECEMBRE 2000)
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit.
Au sens de la présente loi, on entend par " produit " tout bien meuble corporel, même incorporé à un autre bien meuble ou immeuble, ou devenu immeuble par destination.
L'électricité est également un produit au sens de la présente loi.
(Alinéa 3 abrogé) L 2000-12-12/32, art. 3, 002 ; En vigueur : 29-12-2000
Au sens de la présente loi, on entend par " producteur " le fabricant d'un produit fini, le fabricant d'une partie composante d'un produit fini ou le producteur d'une matière première, et toute personne qui se présente comme fabricant ou producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
§ 1. Sans préjudice de la responsabilité du producteur, toute personne qui, dans le cadre de son activité économique, importe dans la Communauté européenne un produit dans le but de le vendre ou d'en transférer l'usage à un tiers, est considérée comme producteur de celui-ci au sens de la présente loi et est responsable au même titre que le producteur.
§ 2. Le fournisseur du produit ayant causé le dommage est considéré comme producteur lorsque :
1° dans le cas d'un produit fabriqué sur le territoire d'un Etat membre de la Communauté européenne, le producteur ne peut être identifié, à moins que le fournisseur n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit ;
2° dans le cas d'un produit importé dans la Communauté européenne, l'importateur ne peut être identifié, même si le nom du producteur est indiqué, à moins que le fournisseur n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité de l'importateur ou de celui qui lui a fourni le produit.
Au sens de la présente loi, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances et notamment :
a) de la présentation du produit;
b) de l'usage normal ou raisonnablement prévisible du produit;
c) du moment auquel le produit a été mis en circulation.
Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu'un produit plus perfectionné a été mis en circulation ultérieurement.
Au sens de la présente loi, on entend par " mise en circulation " le premier acte matérialisant l'intention du producteur de donner au produit l'affectation à laquelle il le destine par transfert à un tiers ou utilisation au profit de celui-ci.
La preuve du défaut, du dommage et du lien de causalité entre le défaut et le dommage incombe à la personne lésée.
Le producteur n'est pas responsable en application de la présente loi s'il prouve :
a) qu'il n'avait pas mis le produit en circulation;
b) que, compte tenu des circonstances,
il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement;
c) que le produit n'a été ni fabriqué pour la vente ou pour toute autre forme de distribution dans un but économique du producteur, ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son activité professionnelle;
d) que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives émanant des pouvoirs publics;
e) que l'état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit par lui ne permettait pas de déceler l'existence du défaut;
f) s'agissant du producteur d'une partie composante ou du producteur d'une matière première, que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel la partie composante ou la matière première a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.
Lorsque plusieurs personnes sont, en application de la présente loi, responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire, sans préjudice des droits de recours.
§ 1. La responsabilité du producteur ne peut être limitée ou écartée à l'égard de la victime par une clause limitative ou exonératoire de responsabilité.
§ 2. Elle peut être limitée ou écartée lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
Sans préjudice des droits de recours, elle n'est pas limitée ou écartée à l'égard de la victime lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par l'intervention d'un tiers.
§ 1. L'indemnisation qui peut être obtenue en application de la présente loi couvre les dommages causés aux personnes, y compris les dommages moraux et, sous réserve des dispositions qui suivent, les dommages causés aux biens.
§ 2. Les dommages causés aux biens ne donnent lieu à indemnisation que s'ils concernent des biens qui sont d'un type normalement destiné à l'usage ou à la consommation privée et ont été utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée.
Les dommages causés au produit défectueux lui-même ne donnent pas lieu à indemnisation.
L'indemnisation des dommages causés aux biens n'est due que sous déduction d'une franchise de 22 500 francs.
§ 3. Le Roi peut modifier le montant prévu au paragraphe 2 afin de le rendre conforme aux décisions prises par le Conseil, en application de l'article 18.2, de la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
§ 1. Le droit de la victime d'obtenir du producteur la réparation de son dommage sur le fondement de la présente loi s'éteint à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle celui-ci a mis le produit en circulation, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire fondée sur la présente loi.
§ 2. L'action fondée sur la présente loi se prescrit par trois ans à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, ou à compter du jour où il aurait dû raisonnablement en avoir connaissance.
Les dispositions du Code civil relatives à l'interruption et à la suspension de la prescription sont applicables à cette action.
La présente loi ne porte pas préjudice aux droits dont la victime peut se prévaloir par ailleurs au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extra-contractuelle.
Les bénéficiaires d'un régime de sécurité sociale ou de réparation des accidents du travail ou des maladies professionnelles restent soumis, même pour l'indemnisation d'un dommage couvert par la présente loi, à la législation organisant ce régime.
Dans la mesure où ce dommage n'est pas réparé en application d'un des régimes visés à l'alinéa premier, et pour autant qu'une action de droit commun contre le responsable leur soit ouverte, ces bénéficiaires ont le droit de demander réparation de leur dommage conformément à la présente loi.
Les personnes ou organismes qui, en vertu des régimes visés à l'alinéa premier, ont fourni des prestations aux victimes d'un dommage couvert par la présente loi ou à leurs ayants droit peuvent exercer contre le producteur, conformément à la présente loi, les droits de recours que leur confèrent ces régimes.
La présente loi n'est pas applicable à la réparation des dommages couverts par la loi du 22 juillet 1985 sur la responsabilité civile dans le domaine de l'énergie nucléaire et par les arrêtés pris en exécution de celle-ci.
La présente loi régit la réparation
des dommages causés par le défaut des produits mis en circulation
après son entrée en vigueur.
12 DECEMBRE 2000. - Loi modifiant la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Article 1.
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2.
Elle met en œuvre les principes de la directive 1999/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 mai 1999 modifiant la directive 85/374/CEE du Conseil relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux.
Art.3.
L'article 2, alinéa 3, de la loi du 25 février 1991 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux est abrogé.
Art. 4.
La présente loi s'applique à la réparation des dommages causés par le défaut des produits qui ont été mis en circulation après son entrée en vigueur.
Art.5. La présente loi entre en vigueur le 4 décembre 2000.
Promulguons la présente loi, ordonnons qu'elle soit revêtue du sceau de l'Etat et publiée par le Moniteur belge.
Donné à Bruxelles, le 12 décembre 2000.
ALBERT
Par le Roi :
Le Ministre de la Justice,
M. VERWILGHEN
La Ministre de la Protection de la consommation et de la Santé publique,
Mme M. AELVOET
Le Ministre de l'Agriculture,
J. GABRIELS
Le Ministre de l'Economie,
CH. PICQUE
Scellé du sceau de l'Etat :
Le Ministre de la Justice,
M. VERWILGHEN.
Art. 1382. Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer
Art. 1383. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Art. 1384. On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Le père et la mère sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs
Les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés;
Les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance.
La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans, ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité
Art. 1385. Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé
Art. 1386. Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par une suite du défaut d'entretien ou par le vice de sa construction
Art. 1386bis. Lorsqu'une personne se trouvant en état de démence, ou dans un état grave de déséquilibre mental ou de débilité mentale la rendant incapable du contrôle de ses actions, cause un dommage à autrui, le juge peut la condamner à tout ou partie de la réparation à laquelle elle serait astreinte si elle avait le contrôle de ses actes.
Le juge statue selon l'équité, tenant compte des circonstances et de la situation des parties
Art. 1633. Si la chose vendue se trouve avoir augmenté de prix à l'époque de l'éviction, indépendamment même du fait de l'acquéreur, le vendeur est tenu de lui payer ce qu'elle vaut au-dessus du prix de la vente
Art. 1634. Le vendeur est tenu de rembourser ou de faire rembourser à l'acquéreur, par celui qui l'évince, toutes les réparations et améliorations utiles qu'il aura faites au fonds
Art. 1635. Si le vendeur avait vendu de mauvaise foi le fonds d'autrui, il sera obligé de rembourser à l'acquéreur toutes les dépenses, même voluptuaires ou d'agrément, que celui-ci aura faites au fonds
Art. 1636. Si l'acquéreur n'est évincé que d'une partie de la chose, et qu'elle soit de telle conséquence, relativement au fout, que l'acquéreur n'eût point acheté sans la partie dont il a été évince, il peut faire résilier la vente
Art. 1637. Si, dans le cas de l'éviction d'une partie du fonds vendu, la vente n'est pas résiliée, la valeur de la partie dont l'acquéreur se trouve évincé, lui est remboursée suivant l'estimation à l'époque de l'éviction, et non proportionnellement au prix total de la vente, soit que la chose vendue ait augmenté ou diminué de valeur.
Art. 1638. Si l'héritage vendu se trouve grevé, sans qu'il en ait été fait de déclaration, de servitudes non apparentes, et qu'elles soient de telle importance qu'il y ait lieu de présumer que l'acquéreur n'aurait pas acheté s'il en avait été instruit, il peut demander la résiliation du contrat, si mieux il n'aime se contenter d'une indemnité
Art. 1639. Les autres questions auxquelles peuvent donner lieu les dommages et intérêts résultant pour l'acquéreur de l'inexécution de la vente, doivent être décidées suivant les règles générales établies au titre Des Contrats ou des Obligations conventionnelles en général.
Art. 1640. La garantie pour cause d'éviction cesse lorsque l'acquéreur s'est laissé condamner par un jugement en dernier ressort, ou dont l'appel n'est plus recevable, sans appeler son vendeur, si celui-ci prouve qu'il existait des moyens suffisants pour faire rejeter la demande
Art. 1641. Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise. Ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus
Art. 1642. Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même
Art. 1643. Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie
Art. 1644. Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix, telle qu'elle sera arbitrée par experts
Art. 1645. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur
Art. 1646. Si le vendeur ignorait les vices de la chose, il ne sera tenu qu'à la restitution du prix, et à rembourser à l'acquéreur les frais occasionnés par la vente
Art. 1647. Si la chose qui avait des vices a péri par suite de sa mauvaise qualité, la perte est pour le vendeur, qui sera tenu envers l'acheteur à la restitution du prix, et aux autres dédommagements expliqués dans les deux articles précédents
Mais la perte arrivée par cas fortuit sera pour le compte de l'acheteur
Art. 1648. L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires et l'usage du lieu où la vente a été faite
Art, 2229. Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire.
Art. 2230. On est toujours présumé posséder pour soi, et à titre de propriétaire, s'il n'est prouvé qu'on a commencé à posséder pour un autre.
Art. 2231. Quand on a commencé à posséder pour autrui, on est toujours présumé posséder au même titre, s'il n'y a preuve du contraire,
Art. 2232. Les actes de pure faculté et ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription.
Art. 2233. Les actes de violence ne peuvent fonder non plus une possession capable d'opérer la prescription.
La possession utile ne commence que lorsque la violence a cessé.
Art. 2234. Le possesseur actuel qui prouve avoir possédé anciennement, est présumé avoir possédé dans le temps intermédiaire, sauf la preuve contraire.
Art. 2235. Pour compléter la prescription, on peut joindre à sa possession celle de son auteur, de quelque manière qu'on lui ait succédé, soit à titre universel ou particulier, soit à titre lucratif ou onéreux.
Art. 2236. Ceux qui possèdent pour autrui, ne prescrivent jamais, par quelque laps de temps que ce soit.
Ainsi, le fermier, le dépositaire, l'usufruitier, et tous autres qui détiennent précairement la chose du propriétaire, ne peuvent la prescrire.
Art. 2237. Les héritiers de ceux qui tenaient la chose à quelqu'un des titres désignés par l'article précédent, ne peuvent non plus prescrire
Art. 2238. Néanmoins, les personnes énoncées dans les articles 2236 et 2237 peuvent prescrire, si le titre de leur possession se trouve interverti, soit par une cause venant d'un tiers, soit par la contradiction qu'elles ont opposée au droit du propriétaire.
Art. 2239. Ceux à qui les fermiers, dépositaires et autres détenteurs précaires ont transmis la chose par un titre translatif de propriété, peuvent la prescrire
Art. 2240. On ne peut pas prescrire contre son titre, en ce sens que l'on ne peut point se changer à soi-même la cause et le principe de sa possession.
Art. 2241. On peut prescrire contre son titre, en ce sens que l'on prescrit la libération de l'obligation que l'on a contractée
Art. 2242. La prescription peut être interrompue ou naturellement ou civilement.
Art. 2243. Il y a interruption naturelle, lorsque le possesseur est privé, pendant plus d'un an, de la jouissance de la chose, soit par l'ancien propriétaire, soit même par un tiers.
Art. 2244. Une citation en justice, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, forme l'interruption civile.
Art. 2245. []
(abr L 15 XII 1949)
Art. 2246. La citation en justice, donnée même devant un juge incompétent, interrompt la prescription
Art. 2247. Si l'assignation est nulle par défaut de forme,
Si le demandeur se désiste de sa demande,
[…]
Ou si sa demande est rejetée,
L'interruption est regardée comme non avenue
(L 15 XII 1949)
Art. 2248. La prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait
Art. 2249. L'interpellation faite, conformément aux articles ci-dessus, à l'un des débiteurs solidaires, ou sa reconnaissance, interrompt la prescription contre tous les autres, même contre leurs héritiers.
L'interpellation faite à l'un des héritiers d'un débiteur solidaire, ou la reconnaissance de cet héritier, n'interrompt pas la prescription à l'égard des autres cohéritiers, quand même la créance serait hypothécaire, si l'obligation n'est indivisible.
Cette interpellation ou cette reconnaissance n'interrompt la prescription, à l'égard des autres codébiteurs, que pour la part dont cet héritier est tenu .
Pour interrompre la prescription pour le tout, à l'égard des autres codébiteurs, il faut l'interpellation faite à tous les héritiers du débiteur décédé, ou la reconnaissance de tous ses héritiers
Art. 2250. L'interpellation faite au débiteur principal, ou sa reconnaissance, interrompt la prescription contre la caution.
Art. 2251. La prescription court contre toutes personnes, à moins qu'elles ne soient dans quelque exception établie par une loi.
Art. 2252. La prescription ne court pas contre les mineurs et les interdits, sauf ce qui est dit à l'article 2278, et à l'exception des autres cas déterminés par la loi.
Art. 2253. Elle ne court point entre époux.
Art. 2254. [La prescription court contre celui des époux qui est dessaisi de la gestion de ses biens, sauf son recours contre son conjoint ou le mandataire en cas de négligence]
(L 14V111976)
Art. 2255. []
(abr L 14Vll1976)
Art. 2256. []
(abr L 14V111976)
Art. 2257. La prescription ne court point :
A l'égard d'une créance qui dépend d'une condition, jusqu'à ce que la condition arrive;
A l'égard d'une action en garantie, jusqu'à ce que l'éviction ait lieu;
A l'égard d'une créance à jour fixe, jusqu'à ce que ce jour soit arrivé
Art. 2258. La prescription ne court pas contre l'héritier bénéficiaire, à l'égard des créances qu'il a contre la succession
Elle court contre une succession vacante, quoique non pourvue de curateur
Art. 2259. Elle court encore pendant les trois
mois pour faire inventaire, et les quarante jours pour délibérer
Titre Quatrième bis De la responsabilité du fait des produits défectueux
Art 1386-1: Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime.
Art 1386-2 : Les dispositions du présent titre s'appliquent à la réparation du dommage qui résulte d'une atteinte à la personne ou à un bien autre que le produit défectueux lui-même.
Art 1386-3 : est un produit tout bien meuble même s'il est incorporé dans un immeuble, y compris les produits du sol, de l'élevage, de la chasse et de la pêche. L'électricité est considérée comme un produit.
Art 1386-4 : Un produit est défectueux au sens du présent titre lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre.
Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation.
Un produit ne peut être considéré comme défectueux par le fait qu'un autre, plus perfectionné, a été mis postérieurement en circulation.
Art 1386-5: Un produit est mis en circulation lorsque le producteur s'en est dessaisi volontairement.
Un produit ne fait l'objet que d'une seule mise en circulation.
Art 1386-6 : Est producteur, lorsqu'il agit à titre professionnel, le fabricant d'un produit fini, le producteur d'une matière première, le fabricant d'une partie composante.
Est assimilée à un producteur pour l’application du présent titre toue personne agissant à titre professionnel :
1° Qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autre signe distinctif.
2° Qui importe un produit dans la communauté européenne en vue d'une vente, d'une location avec ou sans promesse de vente ,ou de toute autre forme de distribution.
Ne sont pas considérés comme producteurs, au sens du présent titre, les personnes dont la responsabilité peut être recherchée sur le fondement des articles 1792à 1792-6 et 1646-1.
Art 1386-7 : Le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel est responsable du défaut de sécurité du produit dans les mêmes conditions que le producteur.
Le recours du fournisseur contre le producteur obéit aux mêmes règles que la demande émanant de la victime directe du défaut. Toutefois, il doit agir dans l'année suivant la date de sa citation en justice.
Art 1386-8 : En cas de dommage causé par le défaut d'un produit incorporé dans un autre, le producteur de la partie composante et celui qui a réalisé l'incorporation sont solidairement responsables.
Art 1386-9 : Le demandeur doit prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage.
Art 1386-10 : Le producteur peut être responsable du défaut alors même que le produit a été fabriqué dans le respect des règles de l'art ou de normes existantes ou qu'il a fait l'objet d'une autorisation administrative.
Art 1386 -11 : Le producteur est responsable de plein droit à moins qu'il ne prouve :
1° Qu'il n ' avait pas mis le produit en circulation ;
2° Que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement ;
3° Que le produit n'a pas été destiné à la vente ou toute autre forme de distribution ;
4° Que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment il a mis le produit en circulation, n ' a pas permis de déceler l'existence du défaut ;
5° Ou que le défaut est dû à la conformité du produit avec des règles impératives d'ordre législatif ou réglementaires.
Le producteur de la partie composante n'est pas non plus responsable s'il établit que le défaut est imputable à la conception du produit dans lequel cette partie a été incorporée ou aux instructions données par le producteur de ce produit.
Art 1386-12 : Le producteur ne peut invoquer la cause d'exonération prévue au 4° de l'article 1386-11 lorsque le dommage a été causé par élément du corps humain ou par les produits issus de celui-ci.
Le producteur ne peut invoquer les causes d'exonération prévues au 4° et 5° de l'article 1386-11 si, en présence d'un défaut qui s'est révélé dans un délai de dix ans après la mise en circulation du produit, il n'a pas pris les dispositions propres à en prévenir les conséquences dommageables.
Art 1386-13 : La responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée , compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.
Art 1386-14 : La responsabilité du producteur envers la victime n'est pas réduite par le fait d'un tiers ayant concouru à la réalisation du dommage.
Art 1386-15 : Les clauses qui visent à écarter ou à limiter la responsabilité des produits défectueux sont interdites et réputées non écrites.
Toutefois, pour les dommages causés aux biens qui ne sont utilisés par la victime principalement pour son usage ou sa consommation privée, les clauses stipulées entre professionnels sont valables.
Art 1386-16 : Sauf faute du producteur, la responsabilité de celui ci , fondée sur les dispositions du présent titre ,est éteinte dix après la mise en circulation du produit même qui a causé le dommage à moins que durant cette période , la victime n'ait engagé une action en justice .
Art 1386-17 : L'action en réparation fondée sur les dispositions du présent titre se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur.
Art 1386-18: Les dispositions du présent titre ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité.
Le producteur reste responsable des conséquences
de sa faute et de celle des personnes dont il répond.
Loi du 21 avril 1989 relative à la responsabilité civile du fait des produits défectueux au Luxembourg
Le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit
Pour l'application de la présente loi, on entend par :
Si le producteur du produit ne peut être identifié, chaque fournisseur en est considéré comme producteur, à moins qu'il n'indique à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité du producteur ou de celui qui lui a fourni le produit. Il en est de même dans le cas d'un produit importé à partir d'un État non membre la communauté économique européenne, si le nom du producteur est indiqué.
(3)'défaut' : le fait par un produit de ne pas offrir la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de toutes les circonstances, et notamment :
(b) de l'usage du produit qui peut être raisonnablement attendu ;
(c) du moment de la mise en circulation du produit.
(4)'dommage' : tout dommage à l'exclusion :
La victime est obligée de prouver le dommage, le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage.
Le producteur n'est pas responsable en application de la présente loi s'il prouve :
(b) que, compte tenu des circonstances, il y a lieu d'estimer que le défaut ayant causé le dommage n'existait pas encore au moment où le produit a été mis en circulation par lui ou que ce défaut est né postérieurement
(c) que le produit n'a été ni fabriqué pour la vente ou pour toute autre forme de distribution dans un but économique du producteur, ni fabriqué ou distribué dans le cadre de son activité professionnelle.
Lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont celle-ci est responsable, le producteur n'est responsable que dans la mesure où le défaut du produit a contribué à la réalisation du dommage.
Le producteur ne peut pas s'exonérer par la preuve que le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par l'intervention d'un tiers la responsabilité du producteur en application de la présente loi ne peut être limitée ou écartée à l'égard de la victime par une cause limitative ou exonératoire de responsabilité
Si, en application de la présente loi, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, leur responsabilité est solidaire.
L'action en réparation prévue par la présente loi se prescrit dans un délai de trois ans à compter de la date à laquelle la victime a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur, sans préjudice des dispositions de droit commun réglementant la suspension ou l'interruption de la prescription.
Le droit à réparation conféré à la victime en application de la présente loi s'éteint à l'expiration d'un délai de dix ans à compter de la date à laquelle le producteur a mis en circulation le produit défectueux qui a causé le dommage, à moins que durant cette période la victime n'ait engagé une procédure judiciaire contre le producteur.
Les dispositions de la présente loi ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit commun de la responsabilité contractuelle ou extra contractuelle ou au titre d'un autre régime spécial de responsabilité.
Les dispositions de la présente loi sont applicables qu'il y ait ou non un contrat entre la victime et le producteur ou les autres personnes visées par l'article 2, 2.
La présente loi ne s 'applique pas aux produits
mis en circulation avant son entrée en vigueur.
Livre sixiéme : partie générale du droit des obligations
Titre troisième: de l’acte illicite
Section troisiéme : de la responsabilité
du fait des produits
1) Le producteur est responsable du dommage causé par le vice de son produit, à moins
a. Qu’il n’ait pas mis en circulation le produit ;
b. Que, compte tenu des circonstances, il y ait lieu d’estimer que le vice ayant causé le dommage n’existait pas au moment de la mise en circulation du produit, ou est né postérieurement ;
c. Que le produit n’ait été ni fabriqué pour la vente ou pour une autre forme de distribution dans un but économique du producteur, ni fabriqué ou distribué dans le cadre d’une entreprise ou activité professionnelle ;
d. Que le vice soit dû à la conformité du produit aux régles impératives émanant des pouvoirs publiques ;
e. Que l’état des connaissances scientifiques et techniques au moment de la mise en circulation du produit n’ait pas permis de déceler le vice ;
f. S’agissant du producteur d’une matière première ou du fabricant d’une partie composante, que le vice soit imputable à la conception du produit dans lequel la matière incorporée ou la partie composante a été incorporée ou aux instructions données par le fabricant du produit.
2) La responsabilité du producteur est réduite ou supprimée, compte tenu des circonstances, si le dommage est causé tant par le vice du produit que par la faute de la personne lesée ou d’une personne dont elle et responsable.
3) La responsabilité du producteur n’est pas réduite si le dommage est causé conjointement par le conduite d’un tiers.
1) Un produit est défectueux, s’il n’offre pas la sécurité qu’on peut en attendre, compte tenu de toutes les circonstances et en particulier
a. De la présentation du produit ;
b. De l’usage du produit auquel on peut raisonablement s’attendre ;
c. Du moment de la mise en circulation du produit.
2) Le produit ne peut être considéré comme défectueux par le seul fait qu’un produit plus perfectionné a été mis en circulation postérieurement à lui.
1) Par "produit", on entend, aux fins de l’application des articles 185 à 193a compris, une chose mobiliére, même aprés qu’elle a été incorporée à une autre chose mobiliére ou immobiliére, ainsi que l’électricité mais à l’exception des produits agricoles et de la chasse. Par "produits agricoles", on entend les produits du sol, de l’élevage et de la pêche, à l’exception des produits qui ont subi une première transformation.
2) Par "producteur", on entend, aux fins de l’application des articles 185 à 193a compris, le fabricant d’un produit fini, le productuer d’une matière première ou le fabricant d’une partie composante, de même que toute personne qui se présente comme producteur en apposant sur le produit son nom, sa marque ou un autres signe distinctif.
3) Sans préjudice de la responsabilité du producteur, est considéré comme productueur toute personne qui importe un produit dans la Communauté économique européenne en vue de la vente, de louage, de crédit-bail ou d’une autre forme de distribution dans le cadre de ses activités commerciales ; sa responsabilité est identique à celle du producteur.
4) Si le producteur du produit ne peut être identifié, tout fournisseur en sera considéré comme producteur, à moins qu’il ne communique à la personne lésée, dans un délai raisonnable, l’identité du producteur ou de la personne qui lui a fourni le produit. Si, en ce qui concerne un produit importé dans la Communauté économique européenne, le producteur ne peut être identifié, tout fournisseur en sera de même considéré comme producteur, à moins qu’il ne communique à la personne lesée, dans un délai raisonnable, l’identité de l’importateur dans la communauté économique européenne ou du fournisseur à l’intérieur de la communauté qui lui a fourni le produit.
La personne lésée est obligée de prouver le dommage, le vice et le lien de causalité entre le vice et le dommage.
Si, en application de l’article 185, paragraphe premier, plusieurs personnes sont responsables du même dommage, chacune d’elles est responsable pour le tout.
1) La responsabilité visée à l’article 185, paragraphe premier, est engagée pour
a. Le dommage résultant de la mort ou de la lésion corporelle
b. Le dommage causé par le produit à une autre chose normalement destinée à l’usage ou à la consommation privée et principalement utilisée ou consommée ainsi par la personne lésée, sous déduction d’une franchise de fl. 1263.85.
2) Le montant mentionné au paragraphe premier est rectifié par décret, si en vertu de l’article 18, paragraphe deuxième, de la directive européenne du 25 juillet 1985 (JO CE n° L210) les montants mentionnés à cette directive sont révisés.
1) L’action en réparation du dommage intentée par la personne lésée contre le producteur en application de l’article 185, paragraphe premier, se prescrit par trois ans à compter du début du jour suivant celui où la personne lésée a eu ou aurait du avoir connaissance du dommage, du vice et de l’identité du producteur.
2) Le droit de la réparation du dommage qu’à la personne lésée à l’encontre du producteur en application de l’article 185, paragraphe premier, s’éteint à l’expiration d’un délai de dix ans à compter du début du jour où le producteur a mis en circulation le produit qui a causé le dommage. Il en est de même du droit de recours du tiers coresponsable du dommage contre le producteur.
1) La responsabilité du producteur en vertu des articles 185 à 193a compris ne peut être limitée ou exclue à l’égard de la personne lésée.
2) Lorsqu’un tiers qui ne se sert pas du produit dans l’exercice d’une activité professionnelle ou d’une entreprise est également responsable à l’égard de la personne lésée, il ne peut être dérogé, au détriment du tiers, aux règles concernant le droit de recours.
Le droit à la réparation du dommage à l’encontre du producteur en application des articles 185 à 193a compris revient à la personne lésée sans préjudice de tous autres droits ou actions.
1) L’article 185, paragraphe premier, ne s’applique pas
a. Aux fins de la détermination du montant global qu’engagerait la responsabilité selon le droit civil, cette détermination étant nécessaire pour calculer le montant pour lequel un recours existe en vertu des articles 90, paragraphe premier, de la Wet op de Arbeidsongeschiktheidsverzekering, 52a de la Ziektewet, 83b, paragraphe premier, de la Ziekenfondswet et 8 de la Wet Arbeidsgeschiktheidsvoorziening Militairen ;
b. Aux fins de la détermination du montant visé à l’article 3 de la Verhaalswet ongevallenambtenaren constituant le maximum de la responsabilité en vertu de cette loi ou de l’article N11 de la Algemene Burgerlijke Pensioenwet.
2) Le droit à la réparation du dommage à l’encontre du producteur en vertu des articles 185 à 193a compris est insuceptible de subrogation par application de l’article 284 du code de commerce, sauf dans la mesure oú la prestation de l’assureur concerne la responsabilité de l’assuré et qu’une autre personne était coresponsable en vertu de ces dispositions.
3) Celui dont le recours ou la subrogation est exclu par l’effet des paragraphes premier et deuxième par contrat ne peut plus obtenir les droits visés au paragraphe deuxième par contrat ni les faire exercer à son profit par le titulaire au nom de celui-ci.
BIBLIOGRAPHIE
(outre les ouvrages figurant en note de fin, la bibliographie regroupe tous les ouvrages consultés pour la réalisation de ce mémoire)
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Ouvrages et manuels
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Fabrice Leduc, La responsabilité du fait des choses réflexions autour d’un centenaire, Economica, 1997.
Jean Mazeaud et François Chabas, Leçons de droit civil Tome2 (1er volume) obligations théorie générale, 9éme édition, Montchrestien.
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François Xavier Testu - Jean Hubert Moitry, La responsabilité du fait des produits défectueux commentaire de la loi 98-389 du 19 mai 1998, dalloz affaire 1998, supplément au n° 125.
Geneviéve Viney, L’introduction de la directive
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du fait des produits défectueux, dalloz 1998, chronique p.291.
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1 J.M.J Chorus, introduction to dutch law, troisième édition, Kluwer, 1999, p8.
2 J.Gillissen, introduction historique au droit civil seconde partie, presses universitaires de Bruxelles, 1961, p185.
3 Code civil en néerlandais se traduit par Burgerlijk Wetboek, abrégé par BW.
4 A. Hartkamp, in P.P.C. Haanappel Nouveau code civil néerlandais Kluwer 1990.
6 Contraction des premières syllabes de Belgique, Nederlands (nom néerlandais des Pays-Bas) et Luxembourg, le Benelux est une union douanière signée entre les trois pays en 1943 et 1944. Cette union deviendra économique en 1958.
7 Wet op de rechtlijke organisatie.
8 Plutôt que d'utiliser des traductions qui ne correspondraient pas exactement à la réalité, les noms néerlandais seront le plus souvent conservés et expliqués afin de facilité la compréhension.
9 La dénomination Arrondissementrechtbank est aussi utilisée pour désigner cette juridiction.
10 Appelés aussi justice de paix.
11 Le droit américain est doctrinalement très inspiré au dix-neuvième siècle par le droit anglais et les décisions britaniques servent souvent de référence, à cette époque, aux Etats-Unis.
12 Winterbottom v. Wright, 152 Eng. Rep. 402.
13 La notion d'acte raisonnable est difficile à transposer. C'est une notion essentielle au principe de negligence des torts anglo-saxons.
14 L'épouse de l'acheteur d'un véhicule blessé au cours d'un accident causé par un défaut de la direction avait agi contre le constructeur. La Cour a étendu la garantie implicite au profit de la femme (32 NJ 258, 161 A 2d 69 [1960] ).
15 59 cal. 2d. 57, 377 P.2d 897.
16 Aux États-Unis, les Restatment existent dans toutes les matières du droit. Ce sont des codifications officieuses des principes utilisés dans les décisions majeures rendues par les tribunaux. Les Restatment ont une valeur persuasive uniquement.
17 Directive 85/374/CE publiée au JOCE du 7 août 1985 n° L-210.
18 Geraint Howells, Comparative product liability, Dartmouth 1993, p.31.
19 Geraint Howells, Comparative product liability, Dartmouth 1993, p.37.
20 Geraint Howells, op.cit. p.38.
21 Y.Markovits, la directive C.E.E. du 25 juillet 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, LGDJ 1990, p.303, n°465.
22 Par exemple, Y.Markovits, op. cit. p.219, n°350 : "Le risque de développement affecte un produit, considéré comme irréprochable au moment de la mise en circulation, dont le défaut n'est décelé qu'en raison d'une évolution de l'état des connaissances scientifiques et techniques".
23 Catherine Weniger, la responsabilité du fait des produits pour les dommages causés à un tiers au seins de la Communauté européenne, université de Lausanne, 1994, p.143.
24 Cour de justice des Communautés européennes 13 janvier 1993 affaire C-293/91, Commission c. République Française.
25 Loi n° 98-389 du 10 mai 1998.
26 Cour de cassation 1ere civ. 9 juillet 1996, Juste et autres c. Gan et autres : Contrat, concurrence, consommation décembre 1996 p13 n°200.
27 Cour de cassation 1ere civ. 28 avril 1998, n°736PBR,X c. Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux : RJDA 10/98 n°1075.
28 Joe Verhoeven, droit de la Communauté Européenne, Larcier, 1996, p.244.
29 Eugene Tchen dans Christopher Hodges, Product liability - european law and practice,Sweet & Maxwell, 1993,p.243.
30 André Colomer dans Monique Goyens, la directive 85/374/CEE relative à la responsabilité du fait des produits : dix ans après, Louvain-la-neuve, centre de droit de la consommation, 1996, p.169.
31 François Xavier Testu, Jean-Hubert Moitry, la responsabilité du fait des produits défectueux commentaire de la loi 98-398 du 19 mai 1998, Dalloz Affaire, supplément au n°125, n°35 p.12.
32 François Xavier Testu, Jean-Hubert Moitry, op. cit. , p.14 .
33 Jérôme Huet, responsabilité du fait des produits défectueux, jurisclasseur Europe, fascicule 2020, p.11 n°28.
34 Journal officiel des Communautés européennes du 7 novembre 1997, C 337/54
35 Outre la France et le Luxembourg, la Grèce, la Suède et la Finlande ont inclus les produits agricoles dans leur régime de responsabilité transposés de la directive du 25 juillet 1985.
36 Art 6:102 BW : lorsque plusieurs personnes sont obligées de réparer le même dommage, elles y sont solidairement tenues.
37 François Terré Philippe Simler Yves Lequette, Droit civil Les Obligations, 5e édition, Dalloz, p.652, n°850.
38 Jacques Herbots, contract law in Belgium, Kluwer-Bruylant 1995, n°410 p.207.
39 En droit français le dommage moral par ricochet correspond à la douleur éprouvée en raison de la mort d’un proche ou même en raison de ses souffrances physiques. La jurisprudence avait tout d’abord fixé des limites tenant à l’existence d’un lien de parenté ou d’alliance, et à l’exigence d’un décès de la victime immédiate, ou d’un dommage d’une gravité exceptionnelle pour les proches. Ces limites ont été abandonnées, la jurisprudence ayant même accordé des réparations pour le préjudice moral causé par la mort d’un animal.
40 Cour de cassation 1ere civ. 28 avril 1998, n°736PBR,X c. Centre régional de transfusion sanguine de Bordeaux : RJDA 10/98 n°1075.
41 Art.6:95 BW : le dommage sur lequel porte l’obligation légale de réparation englobe le dommage patrimonial et d’autres pertes, celle-ci dans la mesure où la loi donne droit à leur réparation.
43 HR 21.5.1943, NJ 1943, 455.
44 L’acte interruptif sera normalement une citation en justice.
45 Soit environ 3750 francs français.
46 with a lower threshold of 500 ECU
47 Marc Fallon, La loi du 25 février 1991, Journal des Tribunaux, 22 juin 1991, p.468 §14.
48 André Colomerdans Monique Goyens, la directive 85/374/CEE relative à la responsabilité du fait des produits : dix ans après, Louvain-la-neuve, centre de droit de la consommation, 1996, p.166.
49 Art.6:190 al.1er BW : La responsabilité visée à l’artcile 185, paragraphe premier, est engagée pour le dommage causé par le produit à une autre chose normalement destinée à l’usage ou à la consommation privée et principalement utilisée ou consommée ainsi par la personne lésée, sous déduction d’une franchise de Hfl. 1263,85.
50 Catherine Weniger, La responsabilité du fait des produits pour les dommages causés à un tiers au seins de la Communauté européenne, université de Lausanne, 1994, p.188.
51 W.Koster, Netherlands International Law Review, volume 36, 1989, p.36. G.J. Rijken,J.G.J. Rinkes, Produktenaansprakelijkheid, klachten en kwaliteit, Lemma BV, Utrecht, 1995, p.53.
52 Marc Fallon, La loi du 25 février 1991, Journal des Tribunaux, 22 juin 1991, p.467 §10.
53 Les exonérations visées concernent les risque de développement et la conformité aux normes publiques impératives.
54 Arzneimittelgesetz, ou en abrégé, AMG.
55 Art.1599 : la vente de la chose d’autrui est nulle : elle peut donner lieu à des dommages et intérêts lorsque l’acheteur a ignoré que la chose fut à autrui.
56 Selon l’article 6:261, est synallagmatique le contrat par lequel chaque partie s’engage en vue d’obtenir la prestation à laquelle l’autre s’engage envers elle en contrepartie.
57 L’expression utilisée par le code civil est consummentenkoop. Une traduction approchante serait vente de consommation, ou vente au consommateur.
58 L’expression publicité trompeuse est la traduction littérale de l’expression néerlandaise correspondante misleidende reclame. Pour une meilleure compréhension nous avons choisi le terme de publicité mensongère.
59 Les biens enregistrés sont ceux pour lesquels la constitution ou le transfert nécessite une inscription sur un registre public spécialement prévu à cet effet. C’est une création du nouveau code civil néerlandais qui a introduit cette catégorie par l’article 3:10.
60 Article 1604 du code civil : il (le vendeur) a deux obligations principales, celle de livrer et celle de garantir la chose qu’il vend.
61 Art. 3:108 BW : pour juger si une personne détient un bien et si elle le détient pour elle-même ou pour une autre, on se réfère à l’opinion généralement admise, et pour le reste, en se fiant aux faits apparents.
62 Selon l’article 6:2 BW, le créancier et le débiteur sont tenus de se comporter l’un envers l’autre suivant les exigences de la raison et de l’équité.
63 la traduction littérale de l’expression néerlandaise utilisée dans le code civil est bon débiteur.
64 Ewoud Hondius, introduction to dutch law, Kluwer 1999,p.227.
65 Convention des Nations-Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises conclue à Vienne le 11 avril 1980, Journal Officiel de la République Française 27 décembre 1987, p.15242.
66 Section dix du livre sixième, articles 6:95 à 6:110 BW.
67 Section composée des articles 6:185 à 6:193 du code civil et consacrée à la responsabilité du fait des produits.
68 Directive 1999/44/CE du 25 mai 1999, JO L171/12 (07 juillet 1999).
70 Bernard Gross - Philippe Bihr, Contrats, tome 1, presses universitaires de France, p.220.
71 Art. 7:26 BW : l’acheteur est tenu de payer le prix.
73 L’expression néerlandaises correspondante est ontrechtmatige daad c’est à dire l’acte illégitime, l’acte injuste. Nous utiliserons le terme d’acte illicite ou de fait délictuelle. L’équivalent anglais du ontrechtmatige daad est le mot tort ou l’expression unlawful act.
74 Art.1382 code civil : tout fait quelconque de l’homme , qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer
75 HR 31 janvier 1919, NJ 1919, p.161.
76 Jacques Ghestin, Sécurité des consommateurs et responsabilité du fait des produits défectueux, LGDJ, 1987, p.80.
77 Amsterdam c. Jumbo, HR 2 février 1973, NJ 1973, p.315.
78 Geoffrey Samuels-Jac Rinkes, English law of obligations in comparative context, Ars Aequi Libri, 1991, p.135.
79 HR 9 octobre 1992, RvdW 1992 n°219, pour un commentaire cf. J.G.teulings, The law quaterly review,1994, vol.110, p.228.
80 J.G.teulings, The law quaterly review,1994, vol.110, p.232.
81 Monique Goyens, la directice 85/374/CEE relative à la responsabilité du fait des produits : dix ans après, Centre de droit de la consomation, Louvain-la-Neuve, 1996, p.237.
82 Jérôme
Huet, responsabilité du fait des produits défectueux, jurisclasseur
Europe, fascicule 2020 n°13 p.7.